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Justice

Présomption d'innocence: <br>la loi entre en vigueur

Initiée par l'ancien ministre de la Justice Elisabeth Guigou, la loi sur la présomption d'innocence entre en vigueur ce 1er janvier 2001. Ce texte, qui vise à offrir davantage de garanties au justiciable (accusé ou victime), modifie profondément le fonctionnement de la justice française.
Porteuse, dans ses principes, de nouvelles libertés, la loi Guigou sur la présomption d'innocence, adoptée l'été dernier par le Parlement, pourrait voir son application mise à mal faute de moyens.
Parmi les principales dispositions du texte, le renforcement du contrôle de la garde à vue (présence d'un avocat dès la première heure), la création de nouveaux recours (possibilité de faire appel des décisions de cour d'assises), un débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention avant de placer un prévenu en détention provisoire, la limitation de la durée de la détention provisoire (deux ans en correctionnelle, quatre ans en matière criminelle), et la restriction des pouvoirs du juge d'instruction, considérés comme trop étendus. Pour ce qui est des victimes, le texte officialise les associations et prévoit diverses mesures destinées à renforcer les garanties d'indemnisation.
Cette nouvelle loi satisfait les avocats qui, outre un surcroît d'activité, en attendent des progrès en matière de droits de la défense et de libertés publiques. Elle suscite également des réactions positives chez les organisations de défense des droits de l'homme.

Les magistrats craignent des retards et des blocages

En revanche, elle provoque la grogne des policiers, dont le travail va se trouver fortement encadré. Le texte prévoit un contrôle plus étroit de la part du parquet, la présence systématique d'avocats dès le début de la garde à vue, et la possibilité pour les suspects de garder le silence, ce qui va contraindre la police à privilégier de nouvelles méthodes d'investigation, autres que la recherche systématique d'aveux. La plupart des officiers de police judiciaire (OPJ) redoutent, également, une hausse de la délinquance. Ils voient dans la loi Guigou le signe d'une certaine méfiance à leur égard et un encouragement tacite à la criminalité.
De leur côté, les magistrats craignent des retards et des blocages, en raison du manque de moyens alloués à cette réforme. L'application du texte risque de conduire à un engorgement d'un appareil judiciaire déjà surchargé. Plusieurs amendements parlementaires n'avaient pas été prévus dans le budget initial, comme la judiciarisation de l'application des peines et l'instauration de l'appel aux assises, très coûteux en moyens humains et financiers. Si le nombre de postes n'augmente pas sensiblement dans un proche avenir, les effectifs actuels seront rapidement débordés. L'Inspection des services judiciaires (ISJ) reconnaît que «les magistrats seront contraints d'effectuer des choix de contentieux». Marylise Lebranchu, le successeur d'Elisabeth Guigou à la Justice, admet d'ailleurs qu'il sera difficile d'appliquer la loi, s'en déclarant même «intimement convaincue». Assurant les différents acteurs de sa compréhension et de sa volonté de dialogue social, elle a créé un groupe de travail chargé du suivi de la loi.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 01/01/2001