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Esclavage

Pénaliser l'asservissement moderne

Au troisième millénaire, l'esclavage n'a pas disparu. Sa forme moderne, l'esclavage domestique, est même très répandue parmi, notamment, les personnels rattachés aux ambassades. Un rapport de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, rendu public mardi, dénonce cet état de fait et propose des mesures pour lutter contre ce fléau.
Officiellement, en Europe, l'esclavage a été éradiqué. Cependant, dans certains pays, des milliers de femmes sont victimes d'esclavage domestique, nouvelle forme moderne d'asservissement. Nombre d'entre elles sont au service de diplomates sûrs de leur impunité. Une situation jugée inacceptable dans un rapport publié mardi par le Conseil de l'Europe.

«Trop souvent, immunité est synonyme d'impunité» accuse le rapporteur de l'assemblée parlementaire européenne, l'Irlandais John Connor. Le rapport est discuté mardi à Paris au sein de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes qui devra l'approuver d'ici sa présentation aux parlementaires européens, en séance plénière, en juin 2001 à Strasbourg. Ce document déborde largement du cadre diplomatique et propose une série de mesures pour lutter contre ce fléau des «temps modernes».

John Connor propose notamment d'amender la Convention de Vienne (ONU) qui stipule que les privilèges et les immunités diplomatiques interdisent de sanctionner les violations de la loi dans le pays d'accueil. Il invite donc les 41 pays du Conseil de l'Europe à suivre l'exemple de la Suisse où tout étranger qui veut travailler comme domestique dans une ambassade ou une mission consulaire n'est admis sur le territoire helvétique que s'il est en possession d'un contrat de travail respectant les lois suisses en vigueur.

Des juridictions inadaptées

Ces «esclaves modernes» sont, pour la plupart, recrutés par des employeurs d'origine d'Afrique de l'Ouest, du Proche et du Moyen-Orient mais un cinquième d'entre eux sont Français et 20% sont protégés par l'immunité diplomatique. Parmi les noms révélés par des affaires récentes, figurent ceux d'un diplomate italien et de cinq diplomates français en poste à l'étranger. Les victimes employées sont majoritairement originaires d'Inde, d'Indonésie, des Philippines ou encore du Sri-Lanka.

Evoquant la situation en France, le rapporteur John Connor, reprend les chiffres du Comité contre l'esclavage moderne qui a pris en charge plus de 200 victimes à ce titre depuis 1994. En juin 1999, les époux Bardet ont été condamnés à douze mois de prison dont cinq fermes pour avoir employé sans salaire et durant quatre ans, Henriette, une jeune Togolaise. La peine a toutefois été ramenée en appel, en octobre 2000, à 10 000 francs d'amende pour emploi d'une personne en situation irrégulière.

Au Royaume-Uni, John Connor déclare que «l'ONG Kalayaan, s'est occupée de plus de 4 000 domestiques originaires de 29 pays différents» et il ajoute que «84% d'entre eux ont subi des violences psychologiques, 54% ont été séquestrés, 38% battus et 10% ont été abusés sexuellement».

Selon le rapporteur irlandais, tous les pays du Conseil de l'Europe devraient prévoir dans leur code pénal une condamnation de «l'esclavage moderne», ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui ; les juridictions n'étant pas adaptées à cet asservissement que l'on croyait disparu et aboli depuis plus d'une centaine d'années. La Belgique se sert, par exemple, des lois contre la traite des étrangers pour réprimer l'esclavage domestique, tandis que l'Italie et l'Autriche condamnent la réduction en esclavage, la traite et le commerce d'êtres humains. En France, où la traite d'humains et l'esclavage ne constituent pas une infraction pénale, une dizaine de personnes ont pu cependant être condamnées sur la base de lois réprimant la soumission d'une personne dite vulnérable à un travail non rétribué et à des conditions de travail ou d'hébergement contraires à la dignité humaine.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 09/01/2001