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Avant-première: Cinéma africain, cinquante ans de solitude?

Tous les deux ans, le petit monde du cinéma africain, réalisateurs, producteurs, distributeurs et chaînes de télévision, se réunit à Ouagadougou pour le Fespaco (Festival panafricain du cinéma, du 24 février au 3 mars 2001). L'occasion de faire le point sur ces cinématographies peu connues du public occidental, et encore moins (c'est le paradoxe) des Africains.
Comment va le cinéma africain? Pas très bien, si l'on en juge la programmation des derniers Fespaco, de qualité parfois plus que médiocre. Après l'embellie des années 80 et l'engouement pour des réalisateurs comme le Malien Souleymane Cissé ou le Sénégalais Sembene Ousmane (largement inconnus du grand public, même si leurs premiers films sont bien antérieur à cette époque) ou des «jeunes» talents comme les Burkinabès Gaston Kaboré ou Idrissa Ouedraogo, tout se passe depuis quelques années comme si le cinéma africain retournait peu à peu à son semi-oubli originel.

Ainsi, à Paris, à l'exception de deux salles, les Sept Parnassiens et Images d'ailleurs, plus aucun exploitant ne s'aventure dans ce qui est devenu un pari plus que risqué: programmer un film africain. Et l'insuccès public du dernier film à avoir bénéficié d'une sortie en salles digne de ce nom (Kini et Adams, de Ouedraogo, distribué par la major française Pathé) n'a rien arrangé à l'affaire. Si le cinéma africain semble retourner, en Europe, à ses circuits «traditionnels» (festivals et ciné clubs), la situation n'est guère plus reluisante en Afrique où, à de rares exceptions près, les exploitants préfèrent miser sur les gros succès de box office américains , les mélos indiens ou le kung fu plutôt que sur le films du continent.

L'Afrique anglophone représente l'espoir

L'état des lieux de la production, il est vrai, n'est pas brillant. Tributaires de bailleurs de fonds publics (comme le Fonds Sud ou le FED, Fonds européen de développement) ou privés (certaines chaînes de télévision comme Arte ou Channel Four) de plus en plus réticents, les réalisateurs africains peinent à boucler leur tour de table. En moyenne, chacun met entre sept et dix ans (mais parfois beaucoup plus) pour produire un long métrage.

La sélection de ce Fespaco en témoigne: Sembène Ousmane aura mis plus de huit ans à produire Faat Kiné (il n'avait rien tourné depuis Guelwaar, en 1993), le même laps de temps s'est écoulé entre Adwa, que présente cette année l'Ethiopien Hailé Gerima, et son dernier film (Sankofa). La Tunisie, autrefois si dynamique, marque un net recul avec deux films seulement en compétition (Siestes grenadines, de Mahmoud Ben Mahmoud et Sois mon ami de Nacer Ktari).

Un espoir pourrait venir du côté de l'Afrique anglophone, auquel ce Fespaco accorde une large place: cette année, les festivaliers pourront voir cinq films nigérians (Rage de Newton I. Aduaka, Dreck Fesser de Branwen Okpako, Power, de Ladi Ladebo et Baba Zak) et un ghanéen (Rituals of fire, de Joel Aryeety et Tom Ribeiro), deux films du Zimbabwe (Home sweet home, de Michael Raeburn et Heidi Draper et Yellow Card de John Riber), un film tanzanien (Maangamizi: the ancient one, de Martin Mhando et Ron Mulvihill). Reste que, là encore, on ne sait s'il faut se réjouir de ce que le monde anglophone ne soit plus le champ aveugle du plus grand festival panafricain de cinéma, ou s'inquiéter de la raison de ce soudain engouement, possiblement lié à la nette perte de vitesse de la production francophone. Affaire à suivre, donc.


Article publié le 23/02/2001