Bénin
Kérékou, le sortant, face à 20 prétendants<br>
L'élection du 4 mars 2001 sera la troisième présidentielle pluraliste organisée au Bénin depuis la Conférence nationale de février 1990. Pour élire le premier président du millénaire, les trois millions et demi d'électeurs béninois devront choisir parmi 21 candidats, à commencer par le président sortant, Mathieu Kérékou.
De notre correspondant au Bénin
Le mandat du président Mathieu Kérékou expire le 6 avril 2001. La rigueur historique veut qu'on parle de Kérékou I et de Kérékou II. L'homme qui préside actuellement aux destinés du Bénin, n'est pas, moralement, statutairement et idéologiquement parlant, le même que celui qui régenta le Dahomey des années 70 et 80. Au moment où, pratiquement à son corps défendant il sauta, pieds joints dans la politique, Mathieu Kérékou était un officier de l'armée de terre dahoméenne. D'autres jeunes officiers conçurent et réalisèrent la Révolution du 26 octobre 1972 et lui en confièrent les rênes. Ainsi commencèrent «les années terribles», les années rouges de la dictature marxiste-léniniste pendant lesquelles les éminentes grises du régime étaient essentiellement des professeurs ou des intellectuels militaires. Ils étaient les dignitaires d'un Comité Central tout-puissant qui faisait la pluie et le beau temps.
C'était l'époque des exilés volontaires, c'était le temps de la banqueroute de toutes les institutions financières du pays et de l'état de non-paiement des salaires c'était aussi le temps de la torture, des déportations.
En 1990, Kérékou I se voit obligé de concéder des ouvertures et de convoquer le 19 février 1990, une Conférence nationale, la toute première du continent africain. Elle débouche sur une transition de douze mois qu'il a vécu comme une cohabitation forcée avec un Premier ministre, en l'occurrence Nicéphore Dieudonné Soglo, énarque, inspecteur des finances et ancien administrateur de la Banque Mondiale. Au terme de cette transition, Kérékou I se présente à la présidentielle démocratique et pluraliste de 1991. Il est battu par Soglo qui devient le premier président de la République «moderne» jamais sorti des urnes dahoméennes et béninoises. Mathieu Kérékou se retire dans sa résidence de Cotonou et disparaît littéralement de la circulation.
«il n'y a ni petite porte, ni grande porte de sortie»
Soglo laisse l'impression d'un bon gestionnaire mais cette qualité est vite submergée par une gouvernance hautaine et familiale. Les rancoeurs accumulées par ceux qu'il a écartés sans ménagement : Bruno Amoussou, Albert Tévoédjrè, Adrien Houngbédji - ces rancoeurs poussent les mécontents à susciter la candidature revancharde de Kérékou.
En mars 1996, apparaît Kérékou II. Il s'est bien accommodé de la démocratie. Il affirme, en 1996, que ce mandat sera le dernier. Apparemment, l'appétit est passé par là pour expliquer ou justifier sa candidature cinq ans plus tard. L'intéressé rétorque qu'en politique : «il n'y a ni petite porte, ni grande porte de sortie». Kérékou II estime désormais qu'à l'âge de 68 ans et après 24 ans de pouvoir, il n'est pas obligé de céder sa place.
En revanche, à l'intérieur du Bénin, petit pays de 6 millions d'habitants, l'opinion peut montrer du doigt la cherté de la vie, l'agonie de la filière coton et la tumultueuse privatisation de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers (Sonacop).
Le Béninois n'oubliera pas de si tôt, que le prix du pétrole lampant a fait plusieurs bonds sous le mandat de Kérékou II, sans compter les multiples ruptures de stock, révélatrices dans la mesure où la Sonacop, entreprise publique et vache à lait de l'Etat, a été bradée dans des conditions scandaleuses à un ami politique du chef de l'Etat. Le problème du pétrole est très sensible au Bénin où la pénurie du bois de chauffage, de charbon de bois et de gaz de cuisine contraint les couches les plus nécessiteuses à se tourner vers le pétrole lampant pour se nourrir et s'éclairer. Ce n'est donc pas sans raison qu'au cours de cette campagne le pétrole revient dans toutes les professions de foi de l'opposition béninoise. Adrien Houngbédji, 59 ans, avocat, et président de l'Assemblée nationale, se fait fort de ramener le prix du litre du pétrole lampant des 230 FCFA où il a grimpé sous Kérékou II, à 150 FCFA.L'opposant farouche n'entend pas s'arrêter en si bon chemin : il veut ramener la Sonacop dans le patrimoine de l'Etat. Autrement dit, l'arracher à l'homme d'affaires Séfou Fagbohoun à qui le gouvernement de Kérékou II l'avait cédée contre 6 députés. Séfou Fagbohoun est en effet le président-fondateur du Mouvement africain pour la démocratie et le progrès (Madep) qui a remporté pour le compte de la mouvance 6 précieux sièges lors des législatives de mars 1999.
Les candidatures aux présidentielles se suivent et ne se ressemblent pas. Ce sont 21 dossiers qui ont atterri à la Commission électorale nationale autonome (Cena), institution indépendante chargée d'organiser le scrutin à la place du Ministère de l'Intérieur.
Dans le propre camp de Mathieu Kérékou, son ministre d'Etat Bruno Amoussou, ingénieur agronome de 62 ans, se pose en concurrent. C'était pourtant un des artisans de la victoire de Kérékou en 1996. Un faiseur de roi qui professe que la fin du mandat en cours le libère de toute allégeance. En outre, le Nord, fief de Kérékou, aligne d'autres candidats, sans oublier dans le Sud, Marie-Elise Gbèdo, une femme brillante avocate qui fut son ministre du Commerce.
Le mandat du président Mathieu Kérékou expire le 6 avril 2001. La rigueur historique veut qu'on parle de Kérékou I et de Kérékou II. L'homme qui préside actuellement aux destinés du Bénin, n'est pas, moralement, statutairement et idéologiquement parlant, le même que celui qui régenta le Dahomey des années 70 et 80. Au moment où, pratiquement à son corps défendant il sauta, pieds joints dans la politique, Mathieu Kérékou était un officier de l'armée de terre dahoméenne. D'autres jeunes officiers conçurent et réalisèrent la Révolution du 26 octobre 1972 et lui en confièrent les rênes. Ainsi commencèrent «les années terribles», les années rouges de la dictature marxiste-léniniste pendant lesquelles les éminentes grises du régime étaient essentiellement des professeurs ou des intellectuels militaires. Ils étaient les dignitaires d'un Comité Central tout-puissant qui faisait la pluie et le beau temps.
C'était l'époque des exilés volontaires, c'était le temps de la banqueroute de toutes les institutions financières du pays et de l'état de non-paiement des salaires c'était aussi le temps de la torture, des déportations.
En 1990, Kérékou I se voit obligé de concéder des ouvertures et de convoquer le 19 février 1990, une Conférence nationale, la toute première du continent africain. Elle débouche sur une transition de douze mois qu'il a vécu comme une cohabitation forcée avec un Premier ministre, en l'occurrence Nicéphore Dieudonné Soglo, énarque, inspecteur des finances et ancien administrateur de la Banque Mondiale. Au terme de cette transition, Kérékou I se présente à la présidentielle démocratique et pluraliste de 1991. Il est battu par Soglo qui devient le premier président de la République «moderne» jamais sorti des urnes dahoméennes et béninoises. Mathieu Kérékou se retire dans sa résidence de Cotonou et disparaît littéralement de la circulation.
«il n'y a ni petite porte, ni grande porte de sortie»
Soglo laisse l'impression d'un bon gestionnaire mais cette qualité est vite submergée par une gouvernance hautaine et familiale. Les rancoeurs accumulées par ceux qu'il a écartés sans ménagement : Bruno Amoussou, Albert Tévoédjrè, Adrien Houngbédji - ces rancoeurs poussent les mécontents à susciter la candidature revancharde de Kérékou.
En mars 1996, apparaît Kérékou II. Il s'est bien accommodé de la démocratie. Il affirme, en 1996, que ce mandat sera le dernier. Apparemment, l'appétit est passé par là pour expliquer ou justifier sa candidature cinq ans plus tard. L'intéressé rétorque qu'en politique : «il n'y a ni petite porte, ni grande porte de sortie». Kérékou II estime désormais qu'à l'âge de 68 ans et après 24 ans de pouvoir, il n'est pas obligé de céder sa place.
En revanche, à l'intérieur du Bénin, petit pays de 6 millions d'habitants, l'opinion peut montrer du doigt la cherté de la vie, l'agonie de la filière coton et la tumultueuse privatisation de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers (Sonacop).
Le Béninois n'oubliera pas de si tôt, que le prix du pétrole lampant a fait plusieurs bonds sous le mandat de Kérékou II, sans compter les multiples ruptures de stock, révélatrices dans la mesure où la Sonacop, entreprise publique et vache à lait de l'Etat, a été bradée dans des conditions scandaleuses à un ami politique du chef de l'Etat. Le problème du pétrole est très sensible au Bénin où la pénurie du bois de chauffage, de charbon de bois et de gaz de cuisine contraint les couches les plus nécessiteuses à se tourner vers le pétrole lampant pour se nourrir et s'éclairer. Ce n'est donc pas sans raison qu'au cours de cette campagne le pétrole revient dans toutes les professions de foi de l'opposition béninoise. Adrien Houngbédji, 59 ans, avocat, et président de l'Assemblée nationale, se fait fort de ramener le prix du litre du pétrole lampant des 230 FCFA où il a grimpé sous Kérékou II, à 150 FCFA.L'opposant farouche n'entend pas s'arrêter en si bon chemin : il veut ramener la Sonacop dans le patrimoine de l'Etat. Autrement dit, l'arracher à l'homme d'affaires Séfou Fagbohoun à qui le gouvernement de Kérékou II l'avait cédée contre 6 députés. Séfou Fagbohoun est en effet le président-fondateur du Mouvement africain pour la démocratie et le progrès (Madep) qui a remporté pour le compte de la mouvance 6 précieux sièges lors des législatives de mars 1999.
Les candidatures aux présidentielles se suivent et ne se ressemblent pas. Ce sont 21 dossiers qui ont atterri à la Commission électorale nationale autonome (Cena), institution indépendante chargée d'organiser le scrutin à la place du Ministère de l'Intérieur.
Dans le propre camp de Mathieu Kérékou, son ministre d'Etat Bruno Amoussou, ingénieur agronome de 62 ans, se pose en concurrent. C'était pourtant un des artisans de la victoire de Kérékou en 1996. Un faiseur de roi qui professe que la fin du mandat en cours le libère de toute allégeance. En outre, le Nord, fief de Kérékou, aligne d'autres candidats, sans oublier dans le Sud, Marie-Elise Gbèdo, une femme brillante avocate qui fut son ministre du Commerce.
par Jean-Luc Aplogan
Article publié le 10/02/2001