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Grande-Bretagne

Terrorisme: Londres durcit le ton

Le gouvernement britannique a annoncé mercredi l'interdiction sur son territoire de vingt-et-un groupes qualifiés de «terroristes». Ce durcissement historique intervient dans le cadre d'une nouvelle loi, entrée en vigueur la semaine dernière, qui suscite l'inquiétude des organisations de défense des droits de l'homme.
La Grande Bretagne ne veut plus passer pour la terre d'asile des groupes armés en tous genres. C'est en substance le message qu'entend faire passer le gouvernement de Tony Blair en interdisant d'activités vingt-et-une organisations considérées comme terroristes. Publiée mercredi, la liste inclut, entre autres, l'organisation d'Oussama Ben Laden, le milliardaire saoudien accusé d'avoir commandité une série d'attentats contre des ambassades américaines en Afrique, le Groupe islamique armé (GIA) algérien, le groupe palestinien Abou Nidal, ainsi que trois factions séparatistes musulmanes du Cachemire indien. Outre ces organisations islamiques, Londres met à l'index l'organisation séparatiste basque ETA, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et le groupe grec du 17 novembre, un mouvement extrémiste, qui a revendiqué l'assassinat d'un attaché militaire britannique à Athènes en juin 2000.

La décision du gouvernement britannique intervient quelques jours après l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur le terrorisme, votée l'année dernière, et qui suscite un intense débat. A l'exception d'une douzaine d'organisations nord-irlandaises, visées par une loi spéciale renouvelée chaque année, la Grande Bretagne était jusqu'ici considérée comme un hâvre de liberté pour toutes sortes de groupements d'opposition du monde entier, et en particulier du monde arabe. Mais aussi comme une terre d'accueil pour un grand nombre d'émanations de groupes armés n'ayant droit de cité nul par ailleurs dans l'Union européenne.

Inquiétudes des défenseurs des droits de l'homme

La nouvelle loi a n'en a pas moins provoqué une levée de boucliers des organisations de défense des droits de l'homme. Elles soulignent que la loi risque de s'appliquer à des mouvements, certes armés, mais dont certains luttent légitimement contre des régimes dictatoriaux. «Si ce texte était passé il y a une dizaine d'années, les supporters de Nelson Mandela auraient pu être considérés comme des terroristes», soulignent-elles. Même inquiétude du côté des musulmans de Grande Bretagne. L'un de ses représentants estime ainsi que la nouvelle loi pourrait accentuer le sentiment d'exclusion chez les britanniques d'origine indienne ou pakistanaise de confession islamique.

Côté gouvernemental, on se défend de viser une communauté particulière. En défendant la nouvelle législation le ministre de l'Intérieur, Jack Straw, a par ailleurs précisé qu'elle vise certes a mieux lutter contre le terrorisme, mais aussi à renforcer un certain nombre de libertés. Le texte supprime en effet une disposition contestée, permettant de maintenir en détention sans jugement toute personne suspecté de terrorisme, qui avait valu à la Grande Bretagne d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme.

La décision de gouvernement Blair est néanmoins interprétée en Angleterre comme un signe supplémentaire du virage à droite entamé par le premier ministre britannique dès l'arrivée au pouvoir des Travaillistes. Les critiques ne sont d'ailleurs pas venues des Conservateurs, qui ont applaudi la nouvelle loi en rappelant toutefois qu'un projet similaire avait été bloqué dans le passé par le «Labour», mais des centristes libéraux-démocrates qui dénoncent une qualification trop large de la notion de terrorisme.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 01/03/2001