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Sommet des Amériques

L'américanisation version Bush

A Québec, le 3ème Sommet des Amériques s'est achevé dimanche 22 avril 2001 par un consensus, difficilement obtenu, sur le projet d'une vaste zone de libre-échange allant du Canada au Chili. Certains pays craignent une domination commerciale américaine.
Souriants devant les caméras, les 34 chefs d'Etat et de gouvernement des pays américains affichaient leur satisfaction. La «gran familia», rassemblée durant deux jours à Québec, a mis sur les rails le projet de zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) cher au président américain George W. Bush. A l'horizon 2005, si ce projet voit le jour, cet immense ensemble commercial, le plus grand du monde, ira du Grand Nord canadien jusqu'au cap Horn, regroupant quelque 800 millions de personnes pour un PIB de près de 12 000 milliards de dollars.

Cependant, malgré la bonne entente de façade, la ZLEA est vite apparue comme une initiative encouragée par la partie nord du continent, beaucoup plus contestée au sud. Ce sommet a été «un grand succès pour l'avancement de la démocratie dans notre hémisphère», a déclaré le Premier ministre canadien, hôte de la réunion et fervent partisan de la ZLEA, en évoquant la clause qui permettrait d'écarter tout pays qui dérogerait aux normes de la démocratie. Ce qui, pour l'instant, exclut Cuba, seul pays absent à Québec. Un sommet «très réussi», a également estimé le président américain, dont c'était la première grande réunion internationale. Quant au président mexicain Vicente Fox, il a estimé que les 34 partenaires entraient «du bon pied dans le siècle».

«Ce n'est pas sérieux»

En revanche, le président du Venezuela, Hugo Chavez, a jugé que l'Amérique latine n'était pas encore prête pour la libéralisation du commerce, et qu'elle devait d'abord consolider son intégration sous-régionale. Une ZLEA pour 2005, «ce n'est pas sérieux». Opinion partagée par le Brésil, qui craint de perdre son influence sur le Mercosur (marché commun regroupant le Brésil, l'Argentine, le Paraguay, et l'Uruguay), lui-même en négociations avec l'Union européenne. Le président brésilien Cardoso a insisté sur le déséquilibre qui pourrait se créer si les pays du sud n'avaient pas un véritable accès «aux marchés les plus dynamiques», sous-entendu le marché nord-américain. Dans ce cas, la ZLEA pourrait être «inutile», voire «indésirable». Ce qui lui a valu une réplique virulente du représentant américain au commerce, Robert Zoellick: «Le Brésil doit décider s'il veut être un joueur global ou s'il veut continuer à être seulement le pays le plus grand du cône sud».

De leur côté, les petits pays, tels la Barbade, souhaitent un système de solidarité à l'européenne envers les Etats «les moins fortunés». «Solidarité», c'est également le slogan scandé par les 30 000 manifestants anti-mondialisation qui ont marché dans le calme, samedi à Québec, tandis que quelques centaines d'extrémistes affrontaient les forces de l'ordre. L'imposant défilé arborait des banderoles demandant à qui peut profiter le libéralisme, quand un seul pays pèse économiquement plus lourd que tous les autres réunis.

C'est justement pour pallier les effets pervers d'un libre-échange qui ne bénéficierait qu'aux plus forts, que la Banque interaméricaine de développement (BID) a proposé aux Etats en difficulté des prêts de plus de 40 milliards de dollars. La Banque mondiale a fait une offre de financement similaire à hauteur de 16 milliards de dollars sur trois ans.

Reste, autre obstacle à la mise en place de la ZLEA, que George W. Bush doit lui-même faire face aux réticences d'un Congrès dont les membres démocrates réclament des garanties sociales et environnementales, tandis que certains républicains craignent la concurrence du sud dans certains secteurs. Le chef de la maison Blanche devra batailler ferme pour décrocher la «fast track», c'est-à-dire un mandat de négociation confié par le Congrès. Il s'est néanmoins engagé à l'obtenir «d'ici la fin de l'année».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 23/04/2001