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Turquie

La thérapie de choc du D<SUP>r</SUP> Dervis

Les marchés accueillent favorablement les mesures énergiques prises par le ministre des Finances Kamal Dervis pour obtenir l'aide du FMI et la Banque mondiale. Mais ce remède de cheval va demander de nouveaux sacrifices à la population turque.
C'est une deuxième crise majeure que traverse la Turquie. Après le séisme financier de novembre dernier le pays avait adopté sous l'égide du FMI un plan de sauvetage de sa monnaie et de son économie. Las ! La fuite des capitaux et la déliquescence du secteur bancaire provoquent le 22 février dernier un deuxième choc qui entraîne le pays dans une spirale infernale.

Et la tornade est plus dévastatrice que prévue : le Produit intérieur brut régressera de 3 % cette année, l'inflation s'envole à 52,5 % tandis que la monnaie s'effondre de 47 %. Imaginez l'impact de la crise sur l'activité ! Les centaines de faillites, les dizaines de milliers d'emplois perdus. Les commerçants et les entrepreneurs sont contraints d'emprunter à des taux usuraires pour survivre : au plus fort de la tourmente monétaire en février dernier, les taux d'intérêt dépassaient 4 000 % : empruntez 100 livres un jour et vous devrez en rembourser 4000 le lendemain. Contraints au désespoir, les Turcs sont descendus dans la rue pour exiger le départ du gouvernement.

Un gouvernement dont le salut repose entre les mains du nouveau ministre de l'économie, Kemal Dervis. Technocrate brillant, vice-président de la Banque Mondiale. L'homme vient de présenter son plan de relance de l'économie sur fond de manifestations violentes dans tout le pays.
Un remède de cheval pour une économie exsangue
Jusqu'alors, tous les gouvernements voulaient croire à la solidité indestructible de leur pays et faisaient fonctionner soit la planche à billets, soit les emprunts internationaux pour financer leur sortie de crise. Résultat : la dette extérieure dépasse les 150 milliards de dollars. Une politique révolue affirme Kemal Dervis qui programme une réduction de près de 9 % des dépenses publiques. L'austérité commence par le gouvernement. C'est l'originalité principale de ce plan de sauvetage : ne pas recourir à la dette pour relancer l'économie.

Mais c'est surtout le secteur bancaire que veut réformer le ministre de l'Economie. les banques publiques, pillées par les partis politiques au pouvoir, ont accumulé plus de 20 milliards de dollars de dette. La situation n'est guère meilleure dans le secteur privé où les banques servaient d'officines de blanchiment au service de groupes privés. Les banques seront regroupées sous une direction unique tandis que les banques privées viables seront mises sous la tutelle de la banque centrale, avant d'être vendues. La Banque centrale sera de son côté libérée du contrôle de l'Etat.

Et pour financer ce plan, Kemal Dervis relance la privatisation des télécoms et de la compagnie aérienne Turkish Airways. Mais cela ne suffira pas. Il lui faut faire appel à nouveau à l'aide internationale. Au terme du premier plan de sauvetage abandonné en février dernier, le FMI avait engagé 10 milliards d'aide financière. Restent 4,3 milliards qui n'ont toujours pas été versés. Et la Banque Mondiale a promis 5 milliards. Cela ne devrait pas suffire. Kemal Dervis lui même estime que 12 milliards seront nécessaires.

Le ministre de l'Economie compte bien sûr sur les revenus du tourisme et des exportations dopés par la faiblesse de la livre. Mais il a prévenu : les Turcs devront faire des sacrifices. Après un hiver déjà difficile, ils vont devoir vivre trois prochains mois qui ne seront guère plus cléments.



par Dominique  THIERRY

Article publié le 16/04/2001