Comores
Un pays en panne
Vingt cinq années d'instabilité politique ont complètement plombé le pays. Rien ne marche. L'économie est complètement sous transfusion grâce à l'aide étrangère. Des secteurs clés tels que la santé ou l'éducation sont en crise. Le paysage politique est en total décalage par rapport aux attentes de la population. L'Etat n'existe que par la répression et la corruption. Atmosphère d'un pays en déliquescence.
Nul besoin d'aller plus loin pour prendre le pouls de la situation de crise qui prévaut dans le pays. A Moroni la capitale, les langues se délient sans aucune difficulté. L'homme de la rue, à défaut de maîtriser sa propre destinée, a su cultiver son discours. Ainsi, face à une opposition qui accuse par exemple le régime en place d'être responsable de la situation actuelle, y compris de ce qui se passe avec les séparatistes d'Anjouan et de Mohéli, Mohamed s'emporte: «C'est du pipeau. Car ils sont tous pareils. A un moment ou à un autre, tous ont été au pouvoir et n'ont pas su s'en sortir. Peut-être qu'il y a des "mieux" et des "pire", mais on ne fait plus vraiment la différence». Révolutionnaire, conservateur, autocratique ou démocratique, les pouvoirs qui se sont succédés à la tête du pays depuis l'indépendance selon lui «ont tous conduit à la faillite du système. Il n'y a plus d'Etat. Il n'y a plus que des gens qui font semblant, tout en défendant leurs propres intérêts». Mohamed est mécano. Son rêve : partir en France. «Là-bas, on est sûr au moins de gagner quelques ronds, même en travaillant au noir. Ici, l'argent ne circule pas. Ce sont les mêmes qui en profitent». D'autant plus que rien ne fonctionne.
A El-Maarouf, le plus grand complexe hospitalier public du pays, il faut ramener son pansement pour être soigné. Les médecins prennent sur leurs heures de travail pour aller consulter dans le privé. Dans le service public, certains employés ont jusqu'à six mois d'arriérés de salaire, «si on excepte Anjouan où les gens ne sont pas payés depuis trois ans» nous explique Salim, cadre rencontré au Café de la paix, où les principaux clients, des fonctionnaires syndiqués pour la plupart, s'épuisent à parler de politique. Les enseignants réagissent de la même façon que les médecins dans l'éducation nationale, où le privé est devenu une solution «quasi obligée» pour les parents soucieux de l'avenir de leurs enfants. A Moroni, les cliniques et les écoles privées fleurissent comme des champignons, sans aucune loi pour les régir. Quant à la question des arriérés de salaire, elle concerne la fonction publique dans sa globalité. Pour survivre dans la capitale, «on a toujours deux métiers, voire trois. L'officiel, souvent dans la fonction publique. L'informel, du commerce pour beaucoup. Et enfin, vous avez la solution miracle : faire de la politique pour vivre». En d'autres termes, la troisième voie équivaut pour Salim à détourner les deniers publics. «C'est un sport national».
«La vanille, le girofle et le coprah ne sont plus rentables»
Mais d'où vient-il cet argent? «De la diaspora ou de l'assistance étrangère» répond Ahmed, employé au trésor. L'économie comorienne est assistée de «A à Z», ajoute-t-il. Les Comores ne produisent rien ou presque. «Nos cultures de rentes ne rapportent plus. La vanille, l'ylang-ylang, le girofle ou le coprah ne sont plus rentables sur les marchés étrangers. Les cours ont chuté» précise son voisin de la table d'à côté. Nous sommes à la Rose Noire, la boîte de nuit où viennent «s'encanailler» de jeunes cadres de la capitale. L'ambiance mélange alcools et déhanchements de prostitués. «Tous les gens qui viennent ici ne peuvent justifier leur dépense de la soirée sur un salaire fixe. Ils ont tous un revenu parallèle, sauf peut-être ceux qui travaillent pour un organisme étranger». Sorti de là, direction le centre ville. Sur la place Badjanani, où se retrouvent régulièrement «une certaine élite politique et intellectuelle», pas d'électricité. Bien que rachetée par Vivendi, la compagnie nationale d'eau et d'électricité rationne régulièrement ses clients. «Ils font du délestage. Les gens ici ont l'habitude maintenant» raconte Abou, un militaire, au journaliste anglais qui nous accompagne. Mais pourquoi l'opinion ne manifeste pas son désaccord? «Parce que le Comorien n'est pas violent. De temps en temps, il y a des manifs. Mais l'autorité veille. On réprime. Et puis les gens sont disciplinés à force de vivre ça depuis vingt cinq ans. Le Comorien ne réclame pas, il en profite quand il peut» continue-t-il d'un air blasé. Pourtant, une société civile est en train de s'organiser en ce moment ? «Ceux qui en parlent, sont complètement coupés de la réalité des comoriens. Va demander au paysan du coin s'il pige quelque chose à leur action. Ici, même la justice est ballonnée. La seule chose qui retient l'homme de la rue, c'est combien il peut gagner avec vous. Pourquoi croyez-vous que certains anjouanais aient demandé à être recolonisés il y a trois ans?»
A El-Maarouf, le plus grand complexe hospitalier public du pays, il faut ramener son pansement pour être soigné. Les médecins prennent sur leurs heures de travail pour aller consulter dans le privé. Dans le service public, certains employés ont jusqu'à six mois d'arriérés de salaire, «si on excepte Anjouan où les gens ne sont pas payés depuis trois ans» nous explique Salim, cadre rencontré au Café de la paix, où les principaux clients, des fonctionnaires syndiqués pour la plupart, s'épuisent à parler de politique. Les enseignants réagissent de la même façon que les médecins dans l'éducation nationale, où le privé est devenu une solution «quasi obligée» pour les parents soucieux de l'avenir de leurs enfants. A Moroni, les cliniques et les écoles privées fleurissent comme des champignons, sans aucune loi pour les régir. Quant à la question des arriérés de salaire, elle concerne la fonction publique dans sa globalité. Pour survivre dans la capitale, «on a toujours deux métiers, voire trois. L'officiel, souvent dans la fonction publique. L'informel, du commerce pour beaucoup. Et enfin, vous avez la solution miracle : faire de la politique pour vivre». En d'autres termes, la troisième voie équivaut pour Salim à détourner les deniers publics. «C'est un sport national».
«La vanille, le girofle et le coprah ne sont plus rentables»
Mais d'où vient-il cet argent? «De la diaspora ou de l'assistance étrangère» répond Ahmed, employé au trésor. L'économie comorienne est assistée de «A à Z», ajoute-t-il. Les Comores ne produisent rien ou presque. «Nos cultures de rentes ne rapportent plus. La vanille, l'ylang-ylang, le girofle ou le coprah ne sont plus rentables sur les marchés étrangers. Les cours ont chuté» précise son voisin de la table d'à côté. Nous sommes à la Rose Noire, la boîte de nuit où viennent «s'encanailler» de jeunes cadres de la capitale. L'ambiance mélange alcools et déhanchements de prostitués. «Tous les gens qui viennent ici ne peuvent justifier leur dépense de la soirée sur un salaire fixe. Ils ont tous un revenu parallèle, sauf peut-être ceux qui travaillent pour un organisme étranger». Sorti de là, direction le centre ville. Sur la place Badjanani, où se retrouvent régulièrement «une certaine élite politique et intellectuelle», pas d'électricité. Bien que rachetée par Vivendi, la compagnie nationale d'eau et d'électricité rationne régulièrement ses clients. «Ils font du délestage. Les gens ici ont l'habitude maintenant» raconte Abou, un militaire, au journaliste anglais qui nous accompagne. Mais pourquoi l'opinion ne manifeste pas son désaccord? «Parce que le Comorien n'est pas violent. De temps en temps, il y a des manifs. Mais l'autorité veille. On réprime. Et puis les gens sont disciplinés à force de vivre ça depuis vingt cinq ans. Le Comorien ne réclame pas, il en profite quand il peut» continue-t-il d'un air blasé. Pourtant, une société civile est en train de s'organiser en ce moment ? «Ceux qui en parlent, sont complètement coupés de la réalité des comoriens. Va demander au paysan du coin s'il pige quelque chose à leur action. Ici, même la justice est ballonnée. La seule chose qui retient l'homme de la rue, c'est combien il peut gagner avec vous. Pourquoi croyez-vous que certains anjouanais aient demandé à être recolonisés il y a trois ans?»
par Soeuf Elbadawi
Article publié le 07/05/2001