Centrafrique
Règlement de comptes à Bangui
La tentative de putsch qui a failli coûter son siège à Ange Félix Patassé apparaît comme un nouvel épisode de la rivalité qui l'oppose depuis vingt ans à André Kolingba, ancien président et instigateur des événements de ces derniers jours. Mais il révèle aussi la fragilité d'un régime déliquescent.
C'est un véritable coup d'Etat auquel a échappé Ange Félix Patassé, dans la nuit du dimanche 27 au lundi 28 mai. L'assaut de la résidence du chef de l'Etat par un groupe d'une centaine d'homme armés a immédiatement suscité une riposte de la garde présidentielle et des éléments loyalistes de l'armée. Ce lundi, la situation restait confuse à Bangui, la capitale, alors que des hommes de Jean-Pierre Bemba, leader d'un des principaux mouvements rebelles opérant en RDC voisine, ont participé au cours du week-end au «nettoyage» des quartiers tenus par les soldats putschistes.
Le principal coupable de la tentative de coup de force est désigné : André Kolingba, 65 ans, président de 1981 à 1993, et instigateur d'une opération «préparée de longue date», selon un diplomate. L'intéressé a même reconnu sa responsabilité sur RFI en déclarant jeudi soir «accepter de faire cesser les hostilités», avant de demander «aux mutins de regagner leurs résidences». Mais cet ancien chef d'état-major des armées de l'ex-empereur Bokassa 1er, qui l'avait nommé peu avant sa chute, est aussi l'ennemi intime du du président centrafricain. Et les événements de ces derniers jours sonnent comme un nouvel épisode, sans doute le plus grave, d'une querelle ancienne.
Soutien libyen
En 1982, le général Kolingba, arrivé aux affaires un an plus tôt après avoir démis le président David Dacko, avait déjoué une tentative de putsch menée par Ange Félix Patassé. Onze ans plus tard, en septembre 1993, cet ancien premier ministre de Jean-Bedel Bokassa parvenait finalement à ses fins, cette fois à l'occasion d'une élection présidentielle pluraliste.
Par la suite, Kolingba est presque devenu un opposant comme un autre, à la tête du parti qu'il a fondé, le Rassemblement démocratique centrafricain (RDC). Mais il a conservé un fort ascendant sur les Forces armées centrafricaines (FACA), majoritairement composées de membres de son ethnie, les Yakomas, un groupe minoritaire riverain du fleuve Oubangui, qui sépare la Centrafrique de l'ex-Zaïre. La tentative d'Ange Félix Patassé, un Sara du nord, de rééquilibrer la composition des FACA motiva d'ailleurs en partie les mutineries qui ont secoué le pays en 1996 et 1997, même si les soldats avaient officiellement des revendications salariales.
Le président centrafricain a toujours accusé le général Kolingba d'avoir orchestré un soulèvement qui lui aurait coûté sa place, sans l'intervention des troupes françaises. André Kolingba n'a pourtant pas été inquiété. Le leader du RDC a même participé aux présidentielles de 1999, où il est arrivé second, avec 19,38% des voix, contre 51,63% pour «AFP».
Alors que la Centrafrique, pays exsangue, traverse depuis de longs mois, une très grave crise économique et sociale, l'occasion de renverser le régime Patassé était toutefois trop belle. Malgré ses richesses en diamant et en bois, la Centrafrique ne s'est jamais remise des mutineries des années 90. Depuis novembre 2000, la fonction publique, dont les agents réclament pour certains plus d'un an d'arriérés de salaires, a été secouée par une succession de mouvements sociaux. L'opposition n'a pas manqué l'occasion de se joindre aux protestations, en réclamant la démission d'un chef de l'Etat jugé incompétent. Patassé a tenté de calmer le jeu, en en réglant une partie des impayés au mois de janvier 2001.
Mais le président est à la tête d'un pays qu'il a de plus en plus de mal à contrôler. Dans plusieurs régions, l'administration n'y existe quasiment plus, et il est notoire que les armes, en grande quantité, circulent librement sur ce territoire dont plusieurs voisins, à commencer par la RDC et le Soudan, connaissent des guerres civiles.
Une fois de plus, le chef de l'Etat centrafricain s'en est sorti de justesse, mais une fois encore, avec une aide extérieure. L'époque du parapluie militaire français étant révolue, «AFP» a fait appel à ses alliés libyens et aux hommes de Jean-Pierre Bemba, dont le Front de libération du Congo(FLC)contrôle, entre autre, la partie de l'ex-Zaïre frontalière de la Centrafrique. Quant au général Kolingba, il vient d'être rétrogradé au rang de deuxième classe, avec cinq autres officiers supérieurs. Parmi eux, le général Ndjengbot, libéré par les mutins, dans la nuit du 27 au 28 mai, considéré comme l'un des cerveaux de la tentative de coup d'Etat, mais aussi le fameux commandant Anicet Saulet, meneur du soulèvement militaire de janvier 1997, et le lieutenant-colonel Guy Serge Kolingba, l'un des fils de l'ancien président. L'épilogue d'une vielle inimitié?
Le principal coupable de la tentative de coup de force est désigné : André Kolingba, 65 ans, président de 1981 à 1993, et instigateur d'une opération «préparée de longue date», selon un diplomate. L'intéressé a même reconnu sa responsabilité sur RFI en déclarant jeudi soir «accepter de faire cesser les hostilités», avant de demander «aux mutins de regagner leurs résidences». Mais cet ancien chef d'état-major des armées de l'ex-empereur Bokassa 1er, qui l'avait nommé peu avant sa chute, est aussi l'ennemi intime du du président centrafricain. Et les événements de ces derniers jours sonnent comme un nouvel épisode, sans doute le plus grave, d'une querelle ancienne.
Soutien libyen
En 1982, le général Kolingba, arrivé aux affaires un an plus tôt après avoir démis le président David Dacko, avait déjoué une tentative de putsch menée par Ange Félix Patassé. Onze ans plus tard, en septembre 1993, cet ancien premier ministre de Jean-Bedel Bokassa parvenait finalement à ses fins, cette fois à l'occasion d'une élection présidentielle pluraliste.
Par la suite, Kolingba est presque devenu un opposant comme un autre, à la tête du parti qu'il a fondé, le Rassemblement démocratique centrafricain (RDC). Mais il a conservé un fort ascendant sur les Forces armées centrafricaines (FACA), majoritairement composées de membres de son ethnie, les Yakomas, un groupe minoritaire riverain du fleuve Oubangui, qui sépare la Centrafrique de l'ex-Zaïre. La tentative d'Ange Félix Patassé, un Sara du nord, de rééquilibrer la composition des FACA motiva d'ailleurs en partie les mutineries qui ont secoué le pays en 1996 et 1997, même si les soldats avaient officiellement des revendications salariales.
Le président centrafricain a toujours accusé le général Kolingba d'avoir orchestré un soulèvement qui lui aurait coûté sa place, sans l'intervention des troupes françaises. André Kolingba n'a pourtant pas été inquiété. Le leader du RDC a même participé aux présidentielles de 1999, où il est arrivé second, avec 19,38% des voix, contre 51,63% pour «AFP».
Alors que la Centrafrique, pays exsangue, traverse depuis de longs mois, une très grave crise économique et sociale, l'occasion de renverser le régime Patassé était toutefois trop belle. Malgré ses richesses en diamant et en bois, la Centrafrique ne s'est jamais remise des mutineries des années 90. Depuis novembre 2000, la fonction publique, dont les agents réclament pour certains plus d'un an d'arriérés de salaires, a été secouée par une succession de mouvements sociaux. L'opposition n'a pas manqué l'occasion de se joindre aux protestations, en réclamant la démission d'un chef de l'Etat jugé incompétent. Patassé a tenté de calmer le jeu, en en réglant une partie des impayés au mois de janvier 2001.
Mais le président est à la tête d'un pays qu'il a de plus en plus de mal à contrôler. Dans plusieurs régions, l'administration n'y existe quasiment plus, et il est notoire que les armes, en grande quantité, circulent librement sur ce territoire dont plusieurs voisins, à commencer par la RDC et le Soudan, connaissent des guerres civiles.
Une fois de plus, le chef de l'Etat centrafricain s'en est sorti de justesse, mais une fois encore, avec une aide extérieure. L'époque du parapluie militaire français étant révolue, «AFP» a fait appel à ses alliés libyens et aux hommes de Jean-Pierre Bemba, dont le Front de libération du Congo(FLC)contrôle, entre autre, la partie de l'ex-Zaïre frontalière de la Centrafrique. Quant au général Kolingba, il vient d'être rétrogradé au rang de deuxième classe, avec cinq autres officiers supérieurs. Parmi eux, le général Ndjengbot, libéré par les mutins, dans la nuit du 27 au 28 mai, considéré comme l'un des cerveaux de la tentative de coup d'Etat, mais aussi le fameux commandant Anicet Saulet, meneur du soulèvement militaire de janvier 1997, et le lieutenant-colonel Guy Serge Kolingba, l'un des fils de l'ancien président. L'épilogue d'une vielle inimitié?
par Christophe Champin
Article publié le 04/06/2001