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Islam

La plus grande mosquée d'Europe à Paris

La mairie de Paris vient d'autoriser la reconstruction de la mosquée Adda'wa, dans le 19e arrondissement. Le projet, refusé depuis dix ans, devrait faire de ce lieu de culte vétuste un monument architectural et un centre culturel et social ambitieux.
Installée dans les anciens locaux de tissus Bouchara depuis 1979, la mosquée de la rue de Tanger se fond dans les bâtiments vétustes du quartier. Elle ressemble à un entrepôt désaffecté, mais les allées et venues des fidèles animent l'entrée. «Depuis dix ans, l'association culturelle islamique essaye en vain d'obtenir un permis de construire pour installer une mosquée de qualité», annonce la municipalité. «Le permis aurait pu être délivré, mais la précédente municipalité se retranchait derrière des arguties juridiques, prétextant chaque fois que le projet devait être modifié pour qu'il puisse être accepté», explique-t-on à la mairie d'arrondissement. Considérant que «chacun a le droit de bénéficier d'un lieu décent pour l'exercice de son culte», le nouveau maire de Paris, socialiste, Bertrand Delanoë, a honoré sa promesse électorale. Ainsi, 80 ans après la construction de la grande Mosquée de Paris dans le 5e arrondissement, la mosquée Adda'wa sera le deuxième monument musulman officiel de l'islam dans la capitale.

Un grand bâtiment moderne de marbre et de verre fera office d'entrée de la mosquée. «On a voulu montrer aux gens qu'on pouvait faire une mosquée sans dénaturer l'image du quartier», explique le secrétaire général de l'institut Chems Eddine Debhal. A l'intérieur, un grand hall d'entrée, des salles de classe, un restaurant pour les plus démunis, une salle de conférences et des bureaux. Passé ce bâtiment, les fidèles pénètreront dans un grand patio à l'orientale, invisible depuis la rue, pour enfin arriver dans la salle de prière, surmontée de deux grandes coupoles. Par contre, il a été entendu que, pour ne pas nuire au voisinage, la mosquée n'aurait pas de minaret.

Les travaux ne devraient pas commencer avant le début de l'année prochaine. La mosquée ne dispose pour l'instant que de 10% du montant nécessaire à la reconstruction, estimée à 70 millions de francs (10,67 millions d'euros). Pour Chems Eddine Debhal, «le plus dur reste à faire. Avant d'avoir les fonds, nous devons entreprendre beaucoup de démarches. Le financement sera garanti essentiellement par les fidèles».

La mosquée Adda'wa revendique un islam tolérant

Accueillant jusqu'à 5000 personnes de 98 nationalités différentes, la mosquée est la plus fréquentée d'Europe. La religion musulmane est la deuxième confession pratiquée en France. Pourtant, le projet de réaménagement de la mosquée Adda'wa devrait réduire considérablement sa capacité d'accueil. La salle de prière peut actuellement recevoir 3 000 fidèles, la nouvelle salle n'en accueillera plus que 1 600. «On a privilégié le côté administratif, social et culturel», justifie Chems Eddine Debhal. Car la mosquée n'est pas seulement un lieu de culte. Elle anime une équipe de scouts, propose aussi des conférences, des cours d'arabe, de morale et d'alphabétisation, des repas pour les sans-abri, des médiations pour régler les conflits du quartier... «Ces programmes sont ouverts à tous, quelles que soient la race et la religion», explique le secrétaire général de l'institut.

L'imam Larbi Kechat «a fait un travail remarquable dans sa mosquée. Il y a développé amitié et fraternité», affirme le recteur de la Mosquée de Paris Dalil Boubakeur, satisfait que la mairie ait enfin autorisé la reconstruction d'Adda'wa. La France, selon lui, a entretenu une sorte de «paranoïa» anti-intégriste dans les années 80 et 90, si bien qu'«il y a une grande méfiance de la part des mairies à ouvrir des mosquées» déplore-t-il. C'est dans ce contexte que, soupçonné de soutenir les islamistes, le recteur Larbi Kechat a été assigné à résidence pendant un an, en 1994. Pourtant, «les musulmans font de réels efforts pour montrer que l'islam est tolérant», atteste l'imam Dalil Boubakeur. Chems Eddine Debhal, quant à lui, rappelle que la mosquée a «condamné l'assassinat des moines de Tibehirine», en Algérie. De même, elle refuserait de recevoir des musulmans intégristes.

Mis à part la synagogue voisine qui demeure méfiante, le projet de réfection semble avoir été accepté par les habitants du quartier. La mosquée et les associations de l'arrondissement s'aident mutuellement. L'association culturelle islamique compte travailler plus étroitement avec elles dès la fin des travaux. Elle collabore d'ores et déjà avec l'église catholique qui se situe juste en face et avec qui elle est en très bons termes. «Les moniteurs des uns s'occupent des enfants des autres, dieu est le même pour tout le monde» affirme Chems Eddine Debhal.



par Nathalie  Rohmer

Article publié le 19/07/2001