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Désarmement

Kalachnikov, la star des armes légères

Peu coûteuse, facile à utiliser et à dissimuler, la Kalachnikov traverse les guerres depuis plus de 50 ans et fait des milliers de morts chaque année. Arme la plus utilisée au monde, elle est au centre des débats de l'ONU sur le commerce illicite des armes légères ouverts depuis le 9 juillet.
Cinquante-cinq armées régulières mais aussi des milliers de civils se partagent soixante-dix millions d'exemplaires à travers le planète. En comparaison, son principal concurrent, le Colt M-16 américain, n'est produit qu'à 8,5 millions de pièces. Vielle de plus de cinquante ans, l'arme russe AK-47 (initiales d'Avtomat Kalachnikova obrazet 1947), continue de proliférer.

La première Kalachnikov a été assemblée à Ijevsk, en URSS. «J'ai conçu cette arme lorsque j'étais blessé durant la guerre en octobre 1941. Les Allemands tuaient les Russes avec des armes Schmeisser. Je me suis dit que je devais absolument inventer une arme automatique. Et c'est devenu le but de ma vie» raconte l'ingénieur russe Mikhaïl Timofeievitch Kalachnikov. L'AK-47, cette arme robuste, alliant la cadence de tir élevée du pistolet mitrailleur à la précision d'un fusil, voyait le jour six ans plus tard, en 1947, en plein contexte de guerre froide. Mikhaïl Kalachnikov lui donna son nom.

Mais jamais cet inventeur n'aurait pensé que son arme se disséminerait partout dans le monde. Il l'avait conçu «avant tout pour défendre les frontières de [son] pays» affirme-t-il après plus de cinquante ans. Resté secret jusqu'à la perestroïka, cet ingénieur de 80 ans à la retraite n'a jamais enregistré son invention, ni touché de royalties. En revanche, il a reçu une multitude de médailles.

Légère, la Kalachnikov est facilement transportable et dissimulable. Elle coûte très peu cher. Elle est aussi efficace et très simple d'utilisation. Son mécanisme de verrouillage par rotation de la culasse fait de l'AK-47 un fusil d'assaut fiable, capable de tirer en rafales trente cartouches. Sa conception d'origine n'a été modifiée que deux fois au fil des ans. La première fois, en 1959, l'AKM (M pour Modernizirovaniy) s'allège d'un petit kilo. Sa crosse en bois massif est remplacée par de l'acier laminé. Le deuxième changement date de 1974. Il est plus important que le premier. Cette fois, le calibre change. Il passe de 7,62 à 5,45 millimètres. L'arme est désormais plus légère et plus rapide. Le nouveau modèle se fait officiellement appeler l'AK-74.

Outil de libération des peuples opprimés

A ses débuts, la Kalachnikov a équipé les soldats du Pacte de Varsovie, gardiens du mur et du système stalinien. L'AK-47 a été utilisée pour asphyxier les aspirations démocratiques dans les nouveaux Etats alliés de Moscou. Sa diffusion ne dépassait pas Pékin. Les rébellions naissantes dans un Tiers-Monde en voie de constitution préféraient le Tommy Gun, une mitraillette distribuée par les Américains au lendemain de la reddition de l'Axe. Les Etats-Unis ont en effet alimenté de leurs surplus d'armes les maquis des djebels d'Algérie jusqu'aux pitons de la Sierra Maestra. L'image du Che, mort en Bolivie, ne se conçoit pas sans son Colt. De même, les castristes n'ont détenu des Kalachnikov qu'une fois au pouvoir, en 1959. C'est en fait en Asie que l'AK-47 a pris son essor. D'abord en Corée. Puis, au Vietnam, où Ho Chi Minh a privilégié l'arme russe plutôt que le Colt américain.

La Kalachnikov s'est peu à peu imposée comme l'outil de libération des peuples faibles et opprimés, militants ou militaires, en uniforme ou en haillons. Elle est l'héroïne des luttes anticoloniales des années 1960. Elle a accompagné le terrorisme des années 1970 et le mouvement islamiste naissant des années 1980. La Kalachnikov a servi d'emblème au drapeau burkinabé. Le Hezbollah libanais arbore l'AK-47 dans la représentation symbolique de son mouvement. De même, le Fatah de Yasser Arafat orne ses communiqués d'une Kalachnikov.

D'après Chris Smith, spécialiste des armes légères au King's College de Londres, un véritable flot d'armes venues de Russie inonde l'Europe depuis la chute du mur. Les Tigres Tamouls ont constitué leur propre flottille. Ils se fournissent en Birmanie. Des trafics d'armes s'opèrent au Cachemire, au Pakistan, en Afghanistanà Chris Smith a également dressé le schéma des trafics de Kalachnikov. Il explique qu'en Angola, le long de la frontière namibienne, des femmes xhosa achètent des AK-47 à des combattants désargentés de l'Unita (rébellion armée) pour environ huit dollars pièce. Celles-ci les cèdent ensuite à une chaîne de revendeurs qui sévissent jusque dans la province du Cap, en Afrique du Sud. Là, les AK-47 s'achètent pour moins de 20 dollars. Les munitions, pour un dollar.

Plus d'un demi-siècle et des millions de morts plus tard, l'ingénieur Kalachnikov se défend : «Ce n'est pas ma faute si des hommes meurent à cause de cette mitraillette. Les coupables sont les politiciens. Une arme qui tue peut aussi bien sauver des vies.».



par Nathalie  Rohmer

Article publié le 11/07/2001