Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

France

Polémique sur le couvre-feu des mineurs

Le Conseil d'Etat a autorisé, le 9 juillet, la mise en place du couvre-feu pour les jeunes de moins de 13 ans annoncé par le maire d'Orléans. Cette décision a relancé le débat politique sur la sécurité dont les enfants des quartiers défavorisés deviennent un enjeu. Plusieurs villes se sont d'ailleurs engouffrées dans la brèche et ont décrété les enfants seuls hors la loi la nuit dans les rues.
Un couvre-feu limité mais un couvre-feu quand même. A Orléans, le maire RPR, Serge Grouard a décidé d'interdire aux enfants de moins de 13 ans de circuler sans adulte accompagnateur dans trois quartiers sensibles de la ville entre 23 heures et 6 heures du matin à partir du 15 juin et jusqu'au 15 septembre. Ce n'est pas la première fois qu'un maire français essaie de prendre une mesure de cette nature. Avant lui, les maires de Gien, Aulnay-sous-Bois, Sorgues, Dreux avaient eux aussi décidé de limiter les sorties nocturnes de leurs plus jeunes concitoyens. Mais ils s'étaient heurtés au Conseil d'Etat qui avait annulé leurs décisions, les déclarant illégales.

En autorisant, le 9 juillet, le premier magistrat d'Orléans à mettre en £uvre un couvre-feu, la plus haute juridiction administrative française a ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrés d'autres maires. A Colombes, Cannes, Nice, Antibes, Aulnay-sous-Bois, Valréas, Orange, ces derniers ont eux aussi décidé de réglementer les sorties nocturnes des plus jeunes. Le changement de position du Conseil d'Etat a été motivé, semble-t-il, par l'aspect préventif de la mesure envisagée à Orléans qui vise à protéger les enfants des violences dont ils pourraient être victimes ou auxquelles ils pourraient être mêlés en errant seuls à des heures indues. Mais aussi par son aspect limité puisqu'elle ne doit s'appliquer que dans quelques quartiers dits «sensibles» et non sur l'ensemble de la commune.

Couvre-feux à répétition

Ces couvre-feux à répétition n'ont pas fait l'unanimité. Loin s'en faut. Les hommes politiques se sont affrontés autour de la question du bien-fondé de telles décisions. Pour certains, mieux vaut un couvre-feu que des jeunes qui traînent livrés à eux-mêmes. Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, a estimé : «Le Conseil d'Etat a validé notre analyse sur le besoin de protéger les plus jeunes». Alain Madelin, président de Démocratie libérale, affirme pour sa part : «Des gamins de 10 ans qui traînent à 3h00 du matin dans une cité, ce n'est pas leur place». Jacques Chirac, lui même, a pris position au cours de son intervention du 14 juillet en estimant que le couvre-feu est «un acte de prévention». A l'opposé, Vincent Peillon, porte-parole du Parti socialiste, s'est insurgé contre «une décision de politique-spectacle qui n'apporte pas de solution et risque donc d'être inefficace». Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, a indiqué que de telles mesures n'avaient pas une grande utilité puisque «des dispositions existent déjà pour reconduire chez eux les mineurs trouvés dehors la nuit».

Entre une droite plutôt convaincue et une gauche plutôt hostile, le clivage classique semblait respecté. Mais certaines personnalités ont introduit un peu de confusion au sein de la majorité plurielle. Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, a affirmé : «La question posée n'est nullement taboue. J'adhère à l'idée de ramener chez eux des gamins qui ont moins de 13 ans, voire moins de 15 ans, car cette démarche place les parents devant leurs responsabilités». Ségolène Royal, ministre délégué à la Famille et à l'Enfance, n'accepte pas l'emploi d'un vocabulaire «guerrier» pour décrire une mesure à destination des enfants mais son jugement sur les moyens envisagés reste nuancé : «Si cette interdiction nocturne s'accompagne d'une politique de responsabilisation des parents, pourquoi pas ?»

Car c'est l'un des enjeux du débat. Pour certains, éducateurs, associations, le couvre-feu ne résout rien et stigmatise des parents déjà débordés, parfois en situation de détresse, vivant dans un environnement économique et social très difficile. Pour d'autres, comme certains habitants des quartiers notamment, c'est un bon moyen de lutte contre la délinquance juvénile et le premier pas vers une responsabilisation des parents. La sanction prévue en cas d'abandon d'une progéniture en bas âge dans les affres de la vie nocturne reste très mesurée dans l'arrêté pris par Serge Grouard : 230 francs d'amende. Mais la menace d'une suppression des allocations familiales pour les parents qui ne remplissent pas leur rôle et ne sont pas assez attentifs aux pérégrinations de leurs enfants fait immanquablement office de vis à vis à la mesure du couvre-feu. Une sanction ultime qui n'est pas à l'ordre du jour. «Tant que je serais ministre de la Famille, il n'y aura pas de suppression des allocations familiales», c'est Ségolène Royal qui le dit.



par Valérie  Gas

Article publié le 26/07/2001