Médias
L'actualité africaine au vitriol
La presse panafricaine vient de s'enrichir d'un nouveau titre, le Gri-Gri International. Rien à voir avec les publications existantes, telles Jeune Afrique et autres Africa International. L'équipe de ce bi-mensuel, joue la carte de l'info satirique. Et compte bien insuffler un peu d'air frais à un marché apathique.
D'emblée le ton tranche singulièrement avec les publications existantes. «Le Journal que nous vous présentons aujourd'hui n'a fait l'objet d'aucune démarche marketing préalable. Pas d'étude de marché, pas de plan de lancement. Rien de tout ce qui, dans la profession, précède la mise sur le marché d'un produit formaté, carré, sérieux», annonce l'éditorial du premier numéro du Gri-Gri International, paru fin juillet. Pourtant ce nouveau venu dans le petit monde de la presse à vocation continentale, n'en a pas moins décidé de devenir le tout premier journal satirique panafricain.
Et s'ils n'ont pas fait d'étude de marché, les créateurs de ce «quinzomadaire satirique», en connaissent un rayon sur le goût des lecteurs africains pour ce type de presse. Michel Ongoundou Loundah et Raphaël Ntoutoume Nkoghé ont dirigé pendant dix ans la Griffe, cousin gabonais du Canard Enchaîné suspendu pour une durée indéterminée en février 2001. Quant à leur compère Eyoum Ngangué, il fut jusqu'en 1997 rédacteur en chef de Popoli, déclinaison en bande dessinée du tri-hebdomadaire camerounais le Messager, avant un séjour à la prison centrale de Douala pour «injure au chef de l'Etat». Il est depuis réfugié en France.
Exilé à Paris, depuis une première condamnation en 1998, Michel Ongoundou Loundah a tenté une éphémère expérience de mensuel masculin africain, Black Men, avant de retourner à ses premières amours. «Nous avions ce projet en tête depuis deux ans, parce que nous pensions pouvoir faire, de Paris, un satirique fédérateur». «Un vrai défi», reconnaît-il, sur le marché étriqué de la presse panafricaine, où nombre de projets ambitieux ont échoué. Conscients des risques, les initiateurs du Gri-Gri International, ont pris leurs précautions. Papier journal, format tabloïd, peu de photos mais beaucoup de dessins humoristiques, à la manière de Popoli, feu la Griffeou des titres existant dans plusieurs pays africains francophones. L'équipe de départ est resserrée, les locaux minimalistes, un studio dans une arrière cour du 11ème arrondissement. A mille lieux des luxueux bureaux parisiens de certains magazines panafricains. Autant d'éléments qui, espère Michel Ongoundou Loundah, permettront au journal de se passer de publicité et de vivre exclusivement des ventes et des abonnements, à l'instar du Canard Enchaîné. «Nous avons la faiblesse de penser que nous pouvons rester indépendants», souligne-t-il.
Les nouveaux venus n'entendent pas pour autant faire de l'ombre à leurs confrères locaux, dont ils se veulent, au contraire, complémentaires. En revanche, ils comptent bien profiter de la liberté d'action qu'offre leur siège parisien, loin des pressions de leurs gouvernements respectifs, pour offrir aux lecteurs articles satiriques et informations exclusives.
Les deux premiers numéros annoncent la couleur. Retour sur les accusations de crime fétichiste portées par la Griffe contre la belle-soeur du président gabonais Omar Bongo, début 2001, qui lui ont valu son interdiction. Portrait au vitriol de l'actuel ambassadeur du Congo-Brazzaville en France et candidat au secrétariat général de la Francophonie, Henri Lopes. Récit ironique de la dernière tournée du Premier ministre belge en République démocratique du Congo, intitulé «Tintouin au Congo». Certains chefs d'Etats africains en prennent également pour leur grade, affublés de surnoms tels «le premier milicien du Congo», pour l'homme fort de Brazzaville Denis Sassou Nguesso, ou de «boucher de Pia», pour son homologue togolais Eyadema.
Michel Ongoundou Loundah assume d'autant plus la provocation que le contexte judiciaire en France est favorable. Au mois d'avril dernier, les présidents gabonais, tchadien et congolais ont perdu leur procès contre François-Xavier Verschave, président de l'association Survie et auteur du désormais célèbre Noir Silence, une violente critique des relations entre la France et certains régimes africains. «Si ce journal était sorti avant le procès, je pense que nous aurions eu davantage de réactions, estime Michel Ongoundou Loundah. Mais le verdict favorable à Verschave les a sans doute découragé». Le plus dur, à savoir survivre, reste maintenant à faire. «Nous nous privons pour l'instant d'à peu près tout», reconnaît Eyoum Nguangué. Le petite bande du Gri-Gri International, qui s'apprête à sortir son troisième numéro, est néanmoins persuadée que le pari n'est pas insensé.
Contact: Le Gri-Gri International, 34, rue Alexandre Dumas 75011 Paris
Et s'ils n'ont pas fait d'étude de marché, les créateurs de ce «quinzomadaire satirique», en connaissent un rayon sur le goût des lecteurs africains pour ce type de presse. Michel Ongoundou Loundah et Raphaël Ntoutoume Nkoghé ont dirigé pendant dix ans la Griffe, cousin gabonais du Canard Enchaîné suspendu pour une durée indéterminée en février 2001. Quant à leur compère Eyoum Ngangué, il fut jusqu'en 1997 rédacteur en chef de Popoli, déclinaison en bande dessinée du tri-hebdomadaire camerounais le Messager, avant un séjour à la prison centrale de Douala pour «injure au chef de l'Etat». Il est depuis réfugié en France.
Exilé à Paris, depuis une première condamnation en 1998, Michel Ongoundou Loundah a tenté une éphémère expérience de mensuel masculin africain, Black Men, avant de retourner à ses premières amours. «Nous avions ce projet en tête depuis deux ans, parce que nous pensions pouvoir faire, de Paris, un satirique fédérateur». «Un vrai défi», reconnaît-il, sur le marché étriqué de la presse panafricaine, où nombre de projets ambitieux ont échoué. Conscients des risques, les initiateurs du Gri-Gri International, ont pris leurs précautions. Papier journal, format tabloïd, peu de photos mais beaucoup de dessins humoristiques, à la manière de Popoli, feu la Griffeou des titres existant dans plusieurs pays africains francophones. L'équipe de départ est resserrée, les locaux minimalistes, un studio dans une arrière cour du 11ème arrondissement. A mille lieux des luxueux bureaux parisiens de certains magazines panafricains. Autant d'éléments qui, espère Michel Ongoundou Loundah, permettront au journal de se passer de publicité et de vivre exclusivement des ventes et des abonnements, à l'instar du Canard Enchaîné. «Nous avons la faiblesse de penser que nous pouvons rester indépendants», souligne-t-il.
Les nouveaux venus n'entendent pas pour autant faire de l'ombre à leurs confrères locaux, dont ils se veulent, au contraire, complémentaires. En revanche, ils comptent bien profiter de la liberté d'action qu'offre leur siège parisien, loin des pressions de leurs gouvernements respectifs, pour offrir aux lecteurs articles satiriques et informations exclusives.
Les deux premiers numéros annoncent la couleur. Retour sur les accusations de crime fétichiste portées par la Griffe contre la belle-soeur du président gabonais Omar Bongo, début 2001, qui lui ont valu son interdiction. Portrait au vitriol de l'actuel ambassadeur du Congo-Brazzaville en France et candidat au secrétariat général de la Francophonie, Henri Lopes. Récit ironique de la dernière tournée du Premier ministre belge en République démocratique du Congo, intitulé «Tintouin au Congo». Certains chefs d'Etats africains en prennent également pour leur grade, affublés de surnoms tels «le premier milicien du Congo», pour l'homme fort de Brazzaville Denis Sassou Nguesso, ou de «boucher de Pia», pour son homologue togolais Eyadema.
Michel Ongoundou Loundah assume d'autant plus la provocation que le contexte judiciaire en France est favorable. Au mois d'avril dernier, les présidents gabonais, tchadien et congolais ont perdu leur procès contre François-Xavier Verschave, président de l'association Survie et auteur du désormais célèbre Noir Silence, une violente critique des relations entre la France et certains régimes africains. «Si ce journal était sorti avant le procès, je pense que nous aurions eu davantage de réactions, estime Michel Ongoundou Loundah. Mais le verdict favorable à Verschave les a sans doute découragé». Le plus dur, à savoir survivre, reste maintenant à faire. «Nous nous privons pour l'instant d'à peu près tout», reconnaît Eyoum Nguangué. Le petite bande du Gri-Gri International, qui s'apprête à sortir son troisième numéro, est néanmoins persuadée que le pari n'est pas insensé.
Contact: Le Gri-Gri International, 34, rue Alexandre Dumas 75011 Paris
par Christophe Champin
Article publié le 08/08/2001