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Angola

Dos Santos ne briguera pas un nouveau mandat

Le président José Eduardo dos Santos, à la tête de l'Angola depuis 22 ans, vient de créer la surprise en annonçant jeudi, devant le comité central du MPLA, parti au pouvoir, qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat aux prochaines élections présidentielles dont la date reste encore à déterminer.
Cette annonce, qui a fait l'effet d'une bombe tant sur le plan national qu'international, intervient quelques jours à peine avant le 59ème anniversaire, le 28 août, de cet homme qui a dirigé, souvent dans l'opacité, ce pays à la lisière de l'Afrique centrale et australe, riche en pétrole et en diamants mais ensanglanté par une guerre civile de 26 ans.

Le conflit oppose les forces gouvernementales et les rebelles armés de l'UNITA de Jonas Savimbi qui ont repris les actions de guérilla, souvent spectaculaires et sanglantes, après les revers subis par leurs forces en 1998-1999.

«Qu'elles (les élections) se réalisent en 2002 ou en 2003, nous aurons un an et demi ou deux ans et demi afin que le parti puisse préparer son candidat pour la bataille électorale et il est clair que cette fois son candidat ne s'appellera pas José Eduardo dos Santos», a-t-il déclaré.

«Réaliser des élections en temps de paix serait meilleur pour tout le monde. Mais si l'UNITA de Savimbi continue à ne pas respecter le protocole (de paix) de Lusaka et les résolutions des Nations Unies en continuant la guerre, les forces angolaises et la police nationale devront redoubler d'efforts pour garantir la stabilité et la sécurité qui permettront la tenue des élections», a ajouté dos Santos.

Le président angolais n'a pas donné ses raisons personnelles mais pour beaucoup d'observateurs, il lui reste encore du temps à la tête du pays. Certains s'attendent d'ailleurs à ce que le parti lui demande de revenir sur cette décision.

Mais déjà des noms sont cités pour sa succession: du côté du MPLA, ses propres poulains, Joao Lourenço, actuel secrétaire-général du parti et José Leitao, directeur du cabinet civil de la présidence, Roberto de Almeida, président de l'Assemblée nationale ainsi que les anciens premiers ministre Lopo de Nascimento et Marcelino Moco qui n'ont pas ménagé ces derniers temps leurs critiques concernant la politique suivie par le régime.

Il y a aussi d'autres prétendants possibles comme le ministre de la défense Kundi Paihama, celui de l'intérieur Fernando Piedade «Nando» et l'ancien chef d'Etat- major Joao de Matos, artisan des victoires de 1998-99, qui a été remercié au début de l'année après avoir ouvertement critiqué la stratégie politique de Dos Santos.

En dehors du parti, on évoque aussi les noms de parlementaires comme Abel Chivukuvuku, membre de l'UNITA, et Eugenio Manuvakola qui dirige l'aile dissidente de ce mouvement qui a rallié le gouvernement, l'UNITA Renovada.

Un homme secret, un pays exsangue

Né en 1942 à Luanda, José Eduardo dos Santos rejoint à 19 ans la guérilla menée par le MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola), d'obédience marxiste, dirigé par Agostinho Neto, contre le colonisateur portugais. Après des études d'ingénieur dans le pétrole et les télécommunications en Union soviétique, il devient ministre des Affaires étrangères puis du Plan après la proclamation de l'indépendance du pays le 11 novembre 1975 qui marque aussi le début de la guerre civile. Il succède à 37 ans au président Agostinho Neto à sa mort en 1979.

La nomination de cet homme discret et renfermé est un choix politique car il est peu connu en dehors des sphères dirigeantes du parti. Il a cependant la réputation de grand travailleur et est doté à l'époque d'un charme personnel qui fait craquer les luandaises. En 1992, il arrive en tête au premier tour des premières élections démocratiques du pays, précédant Jonas Savimbi qui fait peur aux populations urbaines malgré le soutien ethnique dont dispose le chef de l'UNITA, en particulier dans le centre-sud du pays d'où il est originaire.
Le deuxième tour n'aura jamais lieu car les combats ont repris, l'UNITA refusant de reconnaître sa défaite. Le même scénario aura lieu après les accords de paix de Lusaka de 1994 car Savimbi n'a jamais voulu revenir dans la capitale. La guerre civile reprend à partir de 1998, suivie de l'imposition de sanctions internationales plus strictes contre l'UNITA, en particulier concernant la contrebande des diamants qui financent la guerre.

Au fil des ans, l'image de dos Santos s'est détériorée: absence de véritable politique sociale et lenteurs dans les réformes malgré la libéralisation de l'économie après l'abandon du marxisme. Ces dernières années la corruption et le népotisme sont critiqués par l'opposition mais aussi la presse indépendante et la population pour qui l'excuse de la guerre n'est plus suffisante même si elle redoute toujours l'UNITA.

En dépit de ses revenus pétrolier estimés à un plus de 3 milliards de dollars en 2000 ainsi que 600 millions de dollars pour les diamants, l'Angola compte près de 4 millions de déplacés soit près d'un tiers de la population qui dépendent de l'aide humanitaire internationale. Sa dette s'élève à plus de huit milliards de dollars dont plus de 4 milliards d'arriérés.

La capitale Luanda, épargnée depuis 1992 par la guerre, illustre bien les contrastes du pays: hôtels, villas et buildings de luxe avoisinant avec des bidonvilles aux conditions déplorables. La multitude des voitures qui créent des embouteillages monstres et la prolifération des marchands ambulants qui vendent de tout ne font pas oublier les déficiences des système d'eau et d'égouts, ni les trous dans les rues. Des millions de dollars ont été gaspillés.



par Marie  Joannidis

Article publié le 24/08/2001

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