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Pakistan

Alliés d'hier, ennemis de demain ?

Une délégation pakistanaise présente en Afghanistan demande aux Taliban de livrer Oussama Ben Laden aux Américains. Dans le même temps, Pakistanais et Taliban renforcent leur présence de part et d'autre de leur frontière commune où la tension monte de jour en jour.
De notre envoyé spécial au Pakistan

Le Pakistan veut encore croire à une solution négociée avec le régime Taliban qui protège Oussama Ben Laden. Ou du moins il en donne l'impression. Une délégation pakistanaise se trouve en effet depuis lundi à Kandahar, la ville qui abrite le quartier général des Taliban, au sud de l'Afghanistan. Son objectif : convaincre les Taliban de livrer Oussama Ben Laden aux Etats-Unis au moment où George W. Bush a déclaré qu'il voulait attraper le milliardaire et terroriste saoudien «mort ou vif».

Les émissaires pakistanais ont donné trois jours aux Taliban pour s'exécuter, après quoi ils prendraient le risque d'une attaque contre leur pays. Cette solution satisferait évidemment les Etats-Unis, mais aussi Islamabad qui éviterait ainsi une guerre à ses frontières, aurait droit aux félicitations de Washington et de la communauté internationale, tout en préservant son amitié avec les Taliban.

Le scénario semble néanmoins trop beau, et personne au Pakistan ne croit que les Taliban livreront ainsi Oussama Ben Laden aux Etats-Unis. Quelle serait d'ailleurs leur motivation? Préserver leur pays d'une attaque américaine? «Aucune puissance étrangère n'a jamais remporté de victoire militaire en Afghanistan. Les Afghans sont indomptables. Les Soviétiques en ont fait l'amère expérience», rappelle Imtiaz Gul, un journaliste pakistanais qui suit depuis longtemps les mouvements fondamentalistes.

Le chef des services secrets pakistanais, le «parrain» des Taliban, dirige la délégation

Néanmoins, Islamabad semble prendre cette «tentative de la dernière chance» au sérieux puisque sa délégation à Kandahar est conduite par le général Ahmad Mahmood qui n'est autre que le chef des services de renseignements militaires pakistanais, les célèbres ISI pour Inter Services Intelligence. Véritable Etat dans l'Etat, l'ISI est l'institution qui a le plus d'influence sur les Taliban et sur la nébuleuse de mouvements intégristes de moujahiddines -les combattants de l'islam- qui opèrent depuis l'Afghanistan. Et pour cause : c'est l'ISI qui supervise la lutte que mène le Pakistan contre l'Inde au Cachemire dont ces mouvements de moujahiddines sont le bras armé. En outre, Ahmad Mahmood appartient à la même communauté -les Pachtounes- que les Taliban, ce qui facilite le dialogue.

Ces tentatives de négociation n'empêchent pas que sur le terrain la tension reste vive. Lundi un porte-parole des Taliban a déclaré que tout avion inconnu qui survolerait l'Afghanistan serait aussitôt abattu. Parallèlement l'armée des Taliban s'est déployée le long de la frontière pakistano-afghane où elle a disposé des canons aériens. Des rumeurs non-confirmées faisaient même état de la présence de missiles Scud tournés vers le Pakistan.

Pour leur part, les forces pakistanaises sont toujours en état d'alerte. Mais aucun mouvement de troupes n'a été enregistré ces derniers jours côté pakistanais. Les alliés d'hier -Pakistanais et Taliban- se font donc désormais face à face, l'arme à la main. Certains veulent y voir un «climat de guerre». Le but est plus probablement de chercher à impressionner. Une détermination contre une autre. Néanmoins la menace de conflit se précise un peu plus chaque jour.

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(Hélène da Costa, 18/09/2001)



par Jean  Piel, à Islamabad

Article publié le 18/09/2001