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Musique

Georges Brassens : 20 ans déjà

Le vingtième anniversaire de la mort de Georges Brassens est l'occasion pour sa maison de disques (Universal) de publier un nouveau coffret qui se veut intégrale, ainsi qu'un certain nombre d'inédits d'un intérêt et d'une valeur variables.
Pour la troisième fois depuis la mort de Georges Brassens en 1981, son £uvre est rééditée en coffret intégrale. la Mauvaise réputation et ses treize CD (également vendus séparément), n'est cependant pas tout à fait intégrale, mais apporte beaucoup de nouveautés aux brassensophiles.

Pour commencer par un bémol, disons d'emblée que le CD Brassens chante les chansons de sa jeunesse, paru dans le coffret de 1991, n'est pas repris dans cette édition et n'est pas réédité par ailleurs dans le catalogue d'Universal, la maison de disques héritière du prestigieux fonds Philips, même si quatre chansons restée inédites de cet enregistrement figurent dans le nouveau coffret. Quant au 33-tours Brassens chante Bruant, Colpi, Musset, Nadaud, Norge réédité en mars dernier dans la collection «L'Esprit poète», il n'est pas repris dans la nouvelle édition.

Cela dit, il faut convenir que ce nouveau coffret est une merveille, à commencer par la reprise des douze pochettes «fabrication de la guitare», parues à partir de 1968, et qui sont sans doute les plus célèbres de l'âge du 33-tours de la chanson française. Le découpage des LP de cette époque est aussi repris, mais huit des douze CD acceuillent des titres supplémentaires : ses quatre chansons en espagnol, son duo Papa Maman avec Patachou, des réenregistrements de ses chansons en 1955 et 1959, quelques titres pour des films, des prises inédites, quelques extraits de concerts... Tous ces disques sont accompagnés des textes des chansons, de belles photos et aussi des célèbres notes de pochettes de René Fallet.

un véritable bijou

Avec douze CD et un beau livret biographique très bien documenté, le coffret récèle en plus un véritable bijou, un treizième album intitulé tout simplement Inédits. L'énumération à elle seule donne le vertige : deux versions de travail des Passantes, deux chansons absolument inédites (Altesse sur un texte de Victor Hugo et Jean rentre au village, chantée seulement une fois, dans un reportage télévisé), des duos avec Charles Trenet pour une émission de télévision en 1966, ou tu t'en iras les pieds devant, chanson qu'on croirait écrite par Georges Brassens, mais qui est l'£uvre d'un poète-ministre de la IIIe République. Surtout, ce disque contient neuf chansons enregistrées le 21 décembre 1953 au cabaret La Villa d'Este. On entend un chanteur bougon devant son public chahuteur et enthousiaste, dans un répertoire promis à une gloire de légende: la Mauvaise Réputation, le Mauvais Sujet repenti, le Parapluie, Hécatombe, la Chasse aux papillons, le Gorille, les Amoureux des bancs publics, P... de toi, Brave Margot. Pour le plaisir de l'objet, ces neuf titres sont édités également en tirage limité en 33-tours 25 cm, comme les légendaires premiers albums de Brassens.

Et, tant qu'à sortir des disques inédits, Universal fait paraître aussi Bobino 1964, enregistrement en public miraculeusement conservé par « Gibraltar », le fidèle secrétaire de Brassens. De la très sobre annonce du speaker de Bobino (« Le voilà ! », tout simplement) jusqu'à la reprise instrumentale de Brave Margot par l'orchestre résidant, c'est une merveille : vingt titres, de la Route aux quatre chansons à la Mauvaise Réputation. Brassens y est merveilleux d'allant et de naturel, plus bourru (on entend quelques commentaires peu amènes qu'il marmonne entre les chansons) mais aussi beaucoup plus amusé lui-même que dans les versions en studio de ces mêmes chansons. En outre, la qualité technique du document est meilleure que pour le Brassens in Great-Britain de 1973 et le Brassens TNP de 1966.

En revanche, la communauté des brassensophiles maniaques est partagée sur l'opportunité de la parution du CD Il n'y a d'honnête que le bonheur, qui regroupe cinquante-deux minutes de bandes de 1952 et 1955 enregistrées sur des magnétophones d'amateur lors de passages chez des amis à Bruxelles. Il semble que ce soit là que Brassens chante pour la première fois devant un micro, et on entend ses seuls enregistrements connus de La File indienne, Les Radis, Le Bricoleur ou Les Croque-morts améliorés. Mais la qualité sonore du document est déplorable, et l'interprétation ne dépasse guère le niveau technique d'une soirée entre amis : trous de mémoire, copains qui braillent les ch£urs, interruptions dans les chansons, gros rires, interjections des autres convives... Et ce n'est certainement pas apporter beaucoup à la gloire de Brassens que de le montrer dans son répertoire de corps de garde à la fin d'un repas ou chantant les succès récents de Gilbert Bécaud. D'ailleurs, ne dit-il pas à la fin d'une chanson : «C'est un massacre»? Outre le fétichisme qui pourrait finir par rendre justifiable la publication de ses cahiers de bâtons, on ne trouve guère ici que le plaisir d'entendre les chansons de Brassens dans leur usage convivial originel ou la séduction de quelques parties de guitare très swing dans lesquelles il se lance sans être ralenti par le souci de bien faire entendre le texte à son public. Mais, instinctivement, on retourne vite aux enregistrements connus depuis longtemps ou aux joyaux d'orfèvre du disque Inédits.



Article publié le 29/10/2001