Nations unies
<i>«De nombreux succès et beaucoup d'échecs»</i>
En décernant conjointement le prix Nobel de la paix à Kofi Annan et à l'organisation dont il est le secrétaire général, l'académie norvégienne envoie un double message. Elle entend féliciter un homme à qui elle attribue le mérite d'avoir redonné sa crédibilité aux Nations unies, dont le rôle est, malgré les échecs, devenu incontournable.
En récompensant, outre leur secrétaire général, l'ensemble de l'action des l'ONU, les membres du comité norvégien du Nobel ont souhaité «proclamer que la seule voie négociable vers la paix et la coopération mondiales passe par les Nations unies». Mais ils ont reconnu au préalable qu'«au cours de son histoire, l'ONU a connu de nombreux succès et souffert beaucoup d'échecs». Quarante-six ans après sa création, au sortir du second conflit mondial, elle présente effectivement un bilan contrasté, si l'on s'en tient au but principal que ses 51 membres fondateurs lui avaient assigné: «maintenir la paix et la sécurité internationale».
Sur ce plan, les Nations unies n'ont pas à rougir du rôle qu'elles ont joué tout récemment au Timor Oriental, où leur réaction rapide a permis d'ouvrir enfin la voie à une transition pacifique. Elles ont, en outre, contribué à mettre un terme à de sanglantes guerres civiles au Mozambique et au Cambodge, et permis l'accession à l'indépendance de la Namibie, en 1990, jusque-là sous domination sud-africaine. Dans une indifférence quasi-générale, l'ONU a, non sans mal, réussi aussi à faire progresser la paix en Sierra Leone, ces derniers mois, après les premiers pas calamiteux de sa force d'interposition.
Au-delà du maintien de la paix
L'organisation traîne toutefois des échecs cuisants, qui ont sérieusement entamé sa crédibilité. Il y a eu, bien sûr, la Bosnie, où elle n'a pu empêcher les massacres, et surtout le Rwanda, où elle a laissé se commettre le deuxième génocide avéré depuis la Shoah, ou encore son piteux retrait de Somalie, en 1993, laissant derrière elle un pays exsangue, livré aux milices. L'ONU a aussi dû jeter l'éponge en Angola, secoué, depuis vingt-six ans, par un conflit particulièrement meurtrier. Et alors qu'elle tente, tant bien que mal, de mettre fin à la guerre qui divise l'ex-Zaïre, depuis août 1998, les Congolais n'ont pas oublié son fiasco dans leur pays, au début des années 1960.
Face à ces échecs, les Nations unies ont toutefois entrepris des réformes, sous l'égide de Kofi Annan, notamment dans le domaine du maintien de la paix, alors que 44 000 casques bleus sont déployés dans quinze pays du monde. Mais comme le soulignent les membres du comité Nobel, l'ONU ne peut être que ce que «ses membres lui permettent». C'est ainsi que son rôle, depuis les attentats du 11 septembre au Etats-Unis, n'a jusqu'ici consisté qu'à soutenir formellement la lutte contre le terrorisme, même si Kofi Annan a convaincu le diplomate Lakhdar Brahimi de reprendre du service en tant qu'émissaire spécial pour l'Afghanistan.
Les Nations unies ne sont toutefois pas seulement engagées dans le maintien de la paix, comme a tenu à le préciser le jury du Nobel qui récompense l'ensemble de son action. Elles interviennent, faut-il le rappeler, dans des domaines aussi divers que l'agriculture, l'éducation, le droit du travail ou la protection de l'Enfance, à travers une trentaine d'institutions spécialisées. Plusieurs d'entre elles ont d'ailleurs déjà été primées dans le passé, dont le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), l'Organisation internationale du Travail (OIT) et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF).
Pas à pas, l'ONU étend également son rôle, en particulier en matière de justice internationale. Après la création de tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, elle a entrepris celle d'une Cour pénale internationale, qui sera chargée de poursuivre et juger les auteurs des crimes les plus graves comme le génocide. Malgré les obstacles, qui tiennent aux réticences de certains de ses membres, dont les Etats-Unis, celle-ci pourrait voir le jour l'année prochaine.
Ces dernières années, les critiques ont été nombreuses contre une organisation souvent accusée d'être un instrument au service des grandes puissances qui verrouillent toujours le Conseil de sécurité, à travers ses cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande Bretagne). Mais quel que soit le bonheur avec lequel elle s'est acquittée, jusqu'ici, de sa tâche, aucun Etat n'envisagerait aujourd'hui sérieusement de quitter un forum aujourd'hui incontournable. Et c'est à l'évidence cela qu'on voulu souligner les membres du Comité du Nobel.
Sur ce plan, les Nations unies n'ont pas à rougir du rôle qu'elles ont joué tout récemment au Timor Oriental, où leur réaction rapide a permis d'ouvrir enfin la voie à une transition pacifique. Elles ont, en outre, contribué à mettre un terme à de sanglantes guerres civiles au Mozambique et au Cambodge, et permis l'accession à l'indépendance de la Namibie, en 1990, jusque-là sous domination sud-africaine. Dans une indifférence quasi-générale, l'ONU a, non sans mal, réussi aussi à faire progresser la paix en Sierra Leone, ces derniers mois, après les premiers pas calamiteux de sa force d'interposition.
Au-delà du maintien de la paix
L'organisation traîne toutefois des échecs cuisants, qui ont sérieusement entamé sa crédibilité. Il y a eu, bien sûr, la Bosnie, où elle n'a pu empêcher les massacres, et surtout le Rwanda, où elle a laissé se commettre le deuxième génocide avéré depuis la Shoah, ou encore son piteux retrait de Somalie, en 1993, laissant derrière elle un pays exsangue, livré aux milices. L'ONU a aussi dû jeter l'éponge en Angola, secoué, depuis vingt-six ans, par un conflit particulièrement meurtrier. Et alors qu'elle tente, tant bien que mal, de mettre fin à la guerre qui divise l'ex-Zaïre, depuis août 1998, les Congolais n'ont pas oublié son fiasco dans leur pays, au début des années 1960.
Face à ces échecs, les Nations unies ont toutefois entrepris des réformes, sous l'égide de Kofi Annan, notamment dans le domaine du maintien de la paix, alors que 44 000 casques bleus sont déployés dans quinze pays du monde. Mais comme le soulignent les membres du comité Nobel, l'ONU ne peut être que ce que «ses membres lui permettent». C'est ainsi que son rôle, depuis les attentats du 11 septembre au Etats-Unis, n'a jusqu'ici consisté qu'à soutenir formellement la lutte contre le terrorisme, même si Kofi Annan a convaincu le diplomate Lakhdar Brahimi de reprendre du service en tant qu'émissaire spécial pour l'Afghanistan.
Les Nations unies ne sont toutefois pas seulement engagées dans le maintien de la paix, comme a tenu à le préciser le jury du Nobel qui récompense l'ensemble de son action. Elles interviennent, faut-il le rappeler, dans des domaines aussi divers que l'agriculture, l'éducation, le droit du travail ou la protection de l'Enfance, à travers une trentaine d'institutions spécialisées. Plusieurs d'entre elles ont d'ailleurs déjà été primées dans le passé, dont le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), l'Organisation internationale du Travail (OIT) et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF).
Pas à pas, l'ONU étend également son rôle, en particulier en matière de justice internationale. Après la création de tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, elle a entrepris celle d'une Cour pénale internationale, qui sera chargée de poursuivre et juger les auteurs des crimes les plus graves comme le génocide. Malgré les obstacles, qui tiennent aux réticences de certains de ses membres, dont les Etats-Unis, celle-ci pourrait voir le jour l'année prochaine.
Ces dernières années, les critiques ont été nombreuses contre une organisation souvent accusée d'être un instrument au service des grandes puissances qui verrouillent toujours le Conseil de sécurité, à travers ses cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande Bretagne). Mais quel que soit le bonheur avec lequel elle s'est acquittée, jusqu'ici, de sa tâche, aucun Etat n'envisagerait aujourd'hui sérieusement de quitter un forum aujourd'hui incontournable. Et c'est à l'évidence cela qu'on voulu souligner les membres du Comité du Nobel.
par Christophe Champin
Article publié le 12/10/2001