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Gabon

Des législatives controversées

Les Gabonais se rendent aux urnes les dimanches 9 et 23 décembre pour élire leurs députés. Lors des dernières élections législatives de décembre 1996, le Parti démocratique gabonais (PDG), parti du président Omar Bongo et ancien parti unique, avait raflé la majorité des sièges, 91 des 97 remportés par la coalition présidentielle sur un total de 120 sièges que compte l’Assemblée nationale. L’opposition redoute la fraude.
Le scrutin uninominal à deux tours, pour le renouvellement de la l’Assemblée nationale gabonaise, se prépare dans une grande confusion. L’opposition, une quinzaine de partis politiques, s’était réunie, fin novembre, pour publier en commun un communiqué dénonçant les énormes irrégularités qu’elle avait notées dans l’organisation de cette nouvelle consultation. Selon elle, le corps électoral de 778 000 personnes pour une population totale de 1 048 000, n’est, ni plus ni moins, qu’un gonflement des listes électorales qui devrait profiter à la majorité présidentielle. Le découpage électoral est aussi dans le collimateur de l’opposition. Certaines provinces à l’est du pays, traditionnellement acquises à la mouvance présidentielle, le Haut-Ogoué et l’Ogoué-Lool, qui ne représentent que 15% de la population, élisent néanmoins 34 députés, soit plus du quart de l’Assemblée nationale.

Outre ces particularités, l’opposition relève d’autres irrégularités qui tiennent au non respect de certains délais prévus par la loi: clôture des listes électorales 30 jours avant le scrutin, ou encore la distribution des cartes qui devrait être achevée 15 jours avant le premier tour des législatives. Pour toutes ces raisons elle a appelé au «boycott actif» du scrutin. Mais la Commission nationale électorale (CNE), qui a en charge l’organisation des élections, tout en reconnaissant le bien-fondé de certains griefs, accepte tout au plus un léger «toilettage» des listes électorales. Aussitôt dit, aussitôt fait. Elle corrige d’abord les chiffres, 774 606 électeurs au lieu des 778 000 annoncés par l’opposition avant de passer au crible les listes électorales. Finalement et quelques jours seulement avant le premier tour du scrutin, le nombre des inscrits est ramené à 596 431. Ce «toilettage» qui implique la fabrication et la distribution de nouvelles cartes d’électeurs conforte certains partis dans leur logique de boycott. Ils réclament un report du scrutin pour plus de «transparence». Mais la CNE n’a pas infléchi sa position dès lors qu’elle constatait quelques fissures dans le bloc de l’opposition.

Le front pour le boycott s’émiette

A l’approche de l’échéance électorale, les principaux partis de l’opposition ont rompu le front pour le boycott en maintenant leurs candidats. Ils ont préféré la participation au débat politique à l’exclusion volontaire des affaires qui condamnerait leurs mouvements. Le Parti gabonais du progrès (PGP), principale formation de l’opposition de l’avocat Pierre-Louis Agondjo Okawé justifie finalement sa participation par sa volonté d’empêcher le PDG, Parti démocratique gabonais du président Bongo, de s’implanter dans les provinces du sud-est du pays, où il semble être bien représenté. Il comptait dans l’assemblée sortante huit députés. Le Rassemblement national des bûcherons/Rassemblement pour le Gabon (RNB/RPG) du maire de la capitale Libreville, le père Paul Mba Abessole, tout en affirmant son appartenance à l’opposition, s’est désolidarisé du front pour le boycott. Il présente 65 candidats sur toute l’étendue du territoire et espère, au pire, garder les six sièges du RNB/RPG à l’Assemblée nationale. Seuls les petits partis, au nombre de neuf, maintiennent le mot d’ordre de boycott, mais déjà sans conviction. Ils réclament un report pour plus de «transparence».

A quelques encablures des législatives, la fébrilité se ressent également dans le camp de la majorité présidentielle. Les «rénovateurs» affrontent les «caciques». Germain Ngoyo Moussavou, rénovateur, en fait les frais. Candidat du PDG et ancien directeur de publication de l’Union, organe proche du pouvoir, il est évincé de son poste par décret présidentiel, pour avoir tenu des propos durs envers un autre candidat du PDG et de surcroît ministre de l’Intérieur. Le pouvoir s’en est pris, par ailleurs, à un journal satirique, Gri-gri international, interdit de distribution au Gabon. Pour l’association Reporters sans frontières, l’interdiction de ce journal «montre une nouvelle fois l’acharnement des autorités contre la liberté de la presse au Gabon».

Dans cette ambiance confuse, les Etats-Unis ont jugé utile de conseiller à leurs ressortissants vivant au Gabon, d’observer la plus grande vigilance et de «limiter leurs déplacements pendant et juste après les élections». Mais le pouvoir assure qu’il contrôle et maîtrise parfaitement la situation.



par Didier  Samson

Article publié le 06/12/2001