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France

Sursis pour la voleuse de Noël

Six mois de prison avec sursis et cinq ans de privation de ses droits civiques: c’est la peine à laquelle la cour d’appel de Lyon a condamné une jeune mère de famille qui avait volé des jouets et de la nourriture dans un hypermarché à la veille de Noël 2000. Après un verdict jugé trop clément en première instance, le parquet avait fait appel invoquant la nécessité de respecter le droit…
Agnès échappe à la prison. A la sortie du tribunal, la jeune femme qui craignait de terminer derrière les barreaux était soulagée, presque reconnaissante, de n’avoir écopé que d’une peine de six mois de prison avec sursis et de cinq ans de privation de ses droits civiques. Convaincue d’avoir mal agi quand elle avait tenté de sortir sans payer d’un hypermarché de la banlieue de Lyon, elle a affirmé comprendre qu’on la condamne: «Je redoutais la prison, le sursis c’est comme si je n’avais rien du tout… Après tout, il est normal que je sois condamnée sinon, tout le monde irait prendre des choses comme ça dans les supermarchés».

Condamnation logique? Pas tant que cela ou, au moins, pas pour tout le monde. Car cette affaire avait été jugée en première instance, en avril 2001, de manière beaucoup moins sévère. Le procureur de la République, Albert Lévy, avait même surpris l’auditoire en demandant purement et simplement la relaxe d’Agnès. Pour lui, la jeune mère de famille n’était pas condamnable. Elle n’aurait même pas dû se retrouver devant un tribunal. Il avait invoqué un argument juridique normalement réservé aux vols de nourriture «l’état de nécessité» pour justifier son raisonnement.

«Les enfants disaient: je veux ça, je veux ça»

La situation de la jeune femme était en effet très difficile. Elle ne disposait, avec son compagnon au chômage, que d’environ 10 000 francs (1500 euros) par mois, grâce au minimum social et aux allocations familiales, pour élever sept enfants âgés de 2 à 14 ans. La famille vivait dans une caravane à côté du périphérique, à Rillieux-la-Pape. La veille de Noël, partie pour faire quelques courses avec les trois petits, elle n’avait pas su résister aux demandes des bambins qui lui réclamaient des jouets en passant dans les rayons. Agnès a ainsi expliqué au tribunal : «Les enfants me disaient, je veux ça, je veux ça…J’ai tenté le tout pour le tout». Pour avoir de quoi organiser un vrai réveillon et offrir ces cadeaux dont les enfants rêvaient mais qu’elle n’avait pas les moyens d’acheter.

Une trottinette Pokemon, une locomotive, une guitare magique, des petites voitures, une poupée, des cassettes vidéos pour enfants, des chocolats, un gigot, du saumon… Son chariot était rempli de marchandises mais son porte-monnaie vide. Elle a donc essayé de passer entre deux caisses. Mais une cliente l’a dénoncée et les vigiles l’ont immédiatement interceptée. Elle a dû rendre sur le champ le contenu de son chariot dont le montant était de 3892 francs (593 euros).

Le tribunal correctionnel de Lyon n’a pas été, en première instance, aussi indulgent que le souhaitait le procureur Lévy, tout en s’en tenant à une condamnation de principe. Il a déclaré la jeune femme coupable de vol mais l’a dispensée de peine. Cette décision, et surtout le réquisitoire du procureur, ont provoqué bien des remous. Le parquet a estimé que «que l’argument juridique de l’état de nécessité blessait le droit» et a donc fait appel.

L’avocat d’Agnès, maître Hervé Bambanaste, a continué à plaider «la misère et la détresse» devant la cour d’appel et s’est étonné des motivations du parquet: «Normalement, on fait appel sur un jugement. Ici, on a fait appel sur un réquisitoire». Par contre, pour Grégoire Finidori, président de la cour d’appel de Lyon, il s’agissait «d’un gros vol», pas «d’un vol négligeable» et la jeune femme savait parfaitement ce qu’elle faisait. L’avocat général a estimé que la dispense de peine décidée par le tribunal correctionnel n’était pas justifiée et a requis six à sept mois de prison avec sursis. Il a obtenu gain de cause. Le droit n’est plus «blessé»… et les enfants n’ont pas eu de cadeaux de Noël.





par Valérie  Gas

Article publié le 09/01/2002

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