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Chine

Programme chargé pour Bush à Pékin

Temps fort de la tournée asiatique de George Bush, l’étape chinoise. Pendant deux jours, le président américain doit évoquer avec ses interlocuteurs chinois une série de dossiers sensibles. Malgré des signes de détente, la méfiance demeure de part et d’autre.
De notre correspondant en Chine

La date de la rencontre, un 21 février, est très symbolique : il y a trente ans jour pour jour, Richard Nixon atterrissait à Pékin, marquant le début d’une nouvelle ère de rapprochement entre les deux géants. Un anniversaire que ne manquent pas de rappeler avec emphase les médias chinois depuis plusieurs jours, espérant que le premier voyage de George W. Bush à Pékin sera porteur d’une amélioration similaire des liens entre les deux pays.

«Les relations sino-américaines sont à présent en face d’une opportunité de développement sans précédent», déclarait cette semaine le futur président présumé Hu Jintao, que doit également rencontrer George W. Bush. Importante, la visite de Bush est pourtant de courte durée : moins de deux jours. «Nous voulons discuter davantage en trente heures que Clinton ne l’avait fait en une semaine», affirmait un porte-parole de la Maison Blanche avant le départ du président. Le ton est donné : Bush compte aller droit au but, alors que l’administration chinoise finit tout juste ses vacances de nouvel an.

Les divergences ne sont pas oubliées

La rencontre intervient à un moment crucial, alors que les relations entre les deux pays sont susceptibles de se décrisper après une longue phase de tension. L’affaire de l’avion-espion américain capturé au large des côtes chinoises en avril dernier, les prises de positions de Bush qualifiant la Chine de «rival stratégique» à contre-pied de la politique de Bill Clinton, le développement du programme anti-missiles ABM et le soutien accru à Taiwan ont beaucoup contrarié Pékin, habituée à plus de douceur de la part du précédent président américain.

L’après-11 septembre avait amorcé une coopération stratégique entre les deux pays, unis contre le terrorisme. Mais cela ne signifie pas pour autant que les divergences entre les deux pays sont oubliées. «Après les attentats, le monde pensait avec optimisme que les Etats-Unis allaient changer de leur attitude unilatérale, mais nous avons vu qu’ils persistaient dans leurs anciennes positions», attaque crûment cette semaine un éditorial du Quotidien du peuple, le porte-voix du parti. L’opinion publique est également assez virulente lorsqu’il s’agit des Etats-Unis, qualifiés à tous les coins de rue de «gendarmes du monde sans vergogne». Dans les forums de discussion sur Internet, seuls espaces de débat libre, on peut lire de nombreuses critiques émanant pour la plupart d’étudiants. «Mr Bush impose deux poids deux mesures dans le monde» peut-on y lire par exemple, ou encore «Les droits de l’homme dont ils se targuent ne sont pas respectés en Afghanistan».

Le capital de confiance dont jouit George Bush est donc assez bas en Chine, malgré quelques atouts, économiques notamment. Les Etats-Unis sont les premiers investisseurs étrangers en Chine, et les seconds partenaires commerciaux derrière le Japon. «La coopération économique sino-américaine croît rapidement, et les perspectives sont brillantes» déclarait il y a quelques jours Zeng Peiyan, directeur de la puissante Commission au Plan chinoise, tout en avertissant que cela ne continuera que si les deux parties «laissent de côté les facteurs non-économiques». Cela paraît difficile. Bush accuse toujours la Chine de fournir des technologies d’armement aux «Etats-voyous», et l’administration américaine vient de proposer un contrat à Taiwan, qualifiée de «province renégate» par Pékin, pour lui fournir quatre destroyers de classe Kidd, et huit sous-marins diesel. Par ailleurs, la Chine ne voit pas d’un très bon oeil la présence militaire américaine accrue en Asie centrale, après l’intervention en Afghanistan.

Les discussions risquent d’achopper également sur la question des droits de l’homme, alors que le numéro deux chinois Li Peng déclarait la semaine dernière que «les droits de l’homme ne doivent en aucun cas servir de prétexte pour s’ingérer dans les affaires intérieures des autres pays». Ceci au moment même où plusieurs rapports indépendants dénoncent une vaste campagne de répression contre les groupes religieux qui ne prêtent pas obédience au parti. Entre la seule superpuissance mondiale et le géant chinois émergeant, les discussions s’annoncent fermes.



par Abel  Segrétin

Article publié le 19/02/2002