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Portugal

Le football et l’abstention, arbitres des élections

Les législatives anticipées du 17 mars prochain semblent bien plus disputées que prévu, et le raz-de-marée du PSD (Parti Social Démocrate) pourrait ne pas se produire. En effet, après sa cuisante défaite aux municipales de décembre dernier, le Parti socialiste paraît avoir retrouvé un second souffle.
De notre correspondante au Portugal

De fait, la victoire écrasante du PSD à ces municipales, la «vague orange» (couleur de ce parti de centre droit) avait surpris tout le monde, à commencer par les principaux intéressés : pas moins de 14 importantes municipalités avaient basculé à droite, dont la capitale Lisbonne et Porto, seconde ville du pays. Cette débâcle avait entraîné la démission du Premier ministre socialiste Antonio Guterres et la dissolution de l’assemblée. Le PS décapité a dû se trouver dans l’urgence, un secrétaire général, crédible en candidat chef de gouvernement. Le choix s’est porté sur Eduardo Ferro Rodrigues, ancien ministre de l’Équipement dans le gouvernement Guterres, mais connu surtout pour être l’homme du Revenu minimum garanti. Le PSD, de son côté avait déjà son leader désigné : son secrétaire général José Manuel Durão Barroso.

Le nouveau chef de file socialiste, Ferro Rodrigues était entré dans la campagne presque malgré lui. Mais il a su trouver un ton nouveau et une manière d’être qui, en quelques semaines, ont regonflé le moral et l’enthousiasme de militants socialistes désorientés. Et la presse unanime pouvait écrire : «un homme d’État est né». Une presse pourtant peu favorable en général au PS. Mais Rodrigues a entrepris la rude tâche de rompre avec le «guterrisme», du nom du Premier ministre démissionnaire, qui laissait l’image d’une politique centriste de «consensus mou». Antonio Guterres avait en effet été reconduit aux affaires en 2000 sans majorité claire pour gouverner. Et la première chose qu’a faite le nouveau chef de file du PS, c’est de critiquer les atermoiements et les reculs de la précédente équipe gouvernementale, en resserrant le discours à gauche. Discours énergique et efficace qui insiste malgré tout sur les acquis sociaux des deux gouvernements Guterres.

De son côté, le leader du PSD, face à l’inattendu Rodrigues, se voit obligé de radicaliser sa campagne : l’énorme avantage que constituait pour lui le vote sanction des municipales contre un gouvernement PS gestionnaire et usé, joue peut-être désormais un peu moins en sa faveur. Durão Barroso, porté par «la vague orange » a longtemps été surnommé «le dauphin». Il était en effet l’héritier désigné de Cavaco Silva, Premier ministre PSD jusqu'en 1995. Homme réservé, à la limite de la timidité, mal à l’aise devant les foules, il peut toutefois bénéficier d’un parti transformé en machine de guerre, avec meetings et conventions à l’américaine. Et, même si, dans son discours, il emprunte beaucoup à la notion de fracture sociale, sans jamais employer le terme, il se positionne clairement dans la famille libérale.

Du terrain économique au terrain de foot

La pré-campagne électorale, commencée dans l’urgence, s’était très vite centrée sur la situation économique du pays. Depuis de nombreux mois, les indicateurs étaient au rouge : une inflation à 4,5%, un accroissement de l’endettement des ménages. La dette publique a atteint 2,2% du PIB alors que le Portugal avait tablé sur 1,1% à 1,2%. Pour certains, un ralentissement préoccupant, pour d’autres, une crise grave. Mais tout le monde s’accorde à estimer que le pays vit au-dessus de ses moyens. La Commission européenne avait dû tirer la sonnette d’alarme. Lisbonne avait alors présenté, avant les municipales de décembre, un plan de rattrapage, plan accepté par l’Union européenne.

Dès lors, les thèmes de la campagne se sont focalisés sur la question économique. Pour le PS de Rodrigues, il s’agit de poursuivre et de renforcer la politique sociale de Guterres. Pour le PSD, Barroso plaide pour un recours à un «choc fiscal», avec un rééchelonnement des impôts pour les plus hauts revenus, une baisse de l’impôt sur les entreprises, et une hausse de la TVA. On voyait donc se profiler une campagne on ne peut plus classique, droite libérale contre gauche sociale. Et c’est alors qu’éclate l’affaire des stades de football… Une affaire qui peut remettre tout en question.

Le Portugal va organiser le championnat européen de football en 2004. Pour ce faire, dix nouveaux stades doivent être construit, financés à 25 % par le gouvernement. Le reste étant à la charge des municipalités et des clubs. Les accords passés ont brusquement été remis en cause par les municipales : Porto qui doit accueillir l'Euro-2004 a basculé à droite, et le nouveau maire a refusé de cautionner le montage financier de son prédécesseur. Résultat: le président du FC Porto qui risque gros dans l'affaire a refusé d'aller plus loin dans les travaux du stade des Antas. Le PSD dans la région de Porto a perdu 20 % d'intentions des votes. Le maire Rui Rio semble avoir oublier combien le football est important au Portugal.

Les derniers sondages indiquent que le PSD maintien une légère avance sur le PS. Les candidats de ces deux partis réclament une majorité absolue, sans laquelle ni l'un ni l'autre ne pourront gouverner. On se dirige donc vers un jeu d'alliance, le PSD avec le Parti Populaire, et le PS avec le PCP ou même le Bloc de Gauche, parti d'extrême gauche qui peut prétendre à 5 députés. Le match sera disputé jusqu'au bout, avec une grande inconnue : le nombre de spectateurs ! Près de 8,5 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, mais le taux d'abstention pourrait atteindre 35 % et pourrait bien être le véritable arbitre de la situation.



par Marie-Line  Darcy

Article publié le 15/03/2002