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Sahara occidental

Mohammed VI: «Le Maroc ne renoncera pas à un pouce de territoire»

En visite au Sahara occidental, le roi du Maroc a réaffirmé le caractère «inaliénable» et «indivisible» de ce territoire contesté pour lequel l’ONU envisage notamment la possibilité d’une partition.
De notre correspondante au Maroc

«Le Maroc ne renoncera pas à un seul pouce du territoire de son Sahara, inaliénable et indivisible» a déclaré le roi Mohamed VI à Laâyoune, le mercredi 6 mars. Arrivé en fin de matinée dans la capitale administrative et économique du Sahara occidental, en provenance de Dakhla, le souverain marocain a donc marqué sa tournée de deux jours dans «les provinces du sud» par un discours sans équivoque.

«Nous nous sommes engagés en faveur d'un règlement pour une paix juste et durable, dans le cadre de l'accord des Nations unies, respectant la souveraineté marocaine» a rappelé le souverain. «Sa planification a été mise en oeuvre en concertation avec la jeunesse, les forces vives, les élites économiques et culturelles. Sa gestion sera démocratique, décentralisée et régionale».

Le roi du Maroc inscrit ainsi son déplacement au Sahara, le troisième en moins de quatre mois, dans la logique de la troisième option préconisée par l’ONU pour résoudre le conflit du Sahara occidental, à savoir l’établissement d’un territoire semi-autonome sous souveraineté marocaine.

Accélérant le processus, le roi a nommé à Laâyoune le directeur de l’Agence spéciale pour la promotion et le développement du sud. Ce sera Abdelatif Guerraoui, un technocrate, ancien ministre et devenu «wali» de la région Sud sur décision royale il y a six mois. L’Agence doit, «dans les plus brefs délais» établir «des programmes et projets minutieux, issus des aspirations de nos concitoyens» a précisé Mohamed VI.

Critique de l’attitude algérienne

Dans des termes à peine voilés, le roi du Maroc a, par ailleurs, critiqué la politique de son voisin algérien, refusant «les visées expansionnistes et hégémoniques de l’adversaire». Pour le jeune souverain, toute atteinte à l’intégrité territoriale et à l’unité des peuples menace la paix et la stabilité de la région.

Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, s’est, en effet, rendu, il y a tout juste une semaine, en visite officielle à Tindouf, en terre algérienne, où quelque 200 000 Sahraouis vivent dans des camps. Il était accompagné de Mohamed Abdelaziz, son homologue sahraoui. Cette visite avait été ressentie comme une provocation par l’ensemble des médias et de la classe politique du royaume. Elle intervenait, effectivement, moins de dix jours après la publication d’ un rapport de l’ONU ravivant les tensions entre le Maroc et l’Algérie.

Kofi Annan a rapporté, le 18 février, que, selon l’ancien secrétaire d’Etat américain, James Baker, en charge du dossier du Sahara occidental, «l’Algérie et le Front Polisario seraient disposés à examiner ou négocier une division du territoire comme solution politique au différend concernant le Sahara occidental». Le Maroc y a aussitôt vu une manoeuvre grossière de l’Algérie, en vue de créer un micro-Etat lui ouvrant un accès sur l’Atlantique. Le 20 février, Mohamed Bennouna, ambassadeur du Maroc auprès de l’ONU, rejetait l’option de la partition du territoire contesté, arguant qu’elle était avancée par Abdelaziz Bouteflika au nom des séparatistes du Polisario.

Pourtant, l’ONU qui, depuis le cessez-le-feu de 1991, a échoué à organiser un référendum d’autodétermination au Sahara occidental, faute d’accord entre l’Algérie et le Maroc sur la constitution du corps électoral, envisage aujourd’hui la partition du territoire contesté. C’est la première option préconisée dans son rapport du 18 février.

La seconde solution consiste en un référendum d’autodétermination imposé par le Conseil de sécurité. La troisième est de faire du Sahara un territoire semi-autonome du Maroc. C’est un principe que le Maroc défend. Dans une quatrième option, l’ONU, dont la mission a été prorogée jusqu’au 30 avril 2002, envisage un abandon pur et simple de ce dossier insoluble.

Dans ce contexte de tensions et de suspicions, la visite du souverain marocain au Sahara occidental est donc particulièrement significative. La veille du discours à Laâyoune, le roi a présidé un Conseil des ministres, à Dakhla. Une première et un symbole, pour cette ville située à 1600 km au sud de Rabat. Le Conseil a approuvé le nouveau scrutin de liste à plus forte moyenne pour l’échéance électorale de septembre. Un moyen de garantir des élections saines, transparentes et libres, selon Hassan Aourid, le porte-parole du Palais.

Parmi les textes adoptés figure également celui qui réglemente le pouvoir des «walis», les préfets nommés par le roi, en matière de gestion des centres régionaux d’investissements. Un point crucial pour la région, puisque le Maroc y a investi des milliards de dirhams depuis 25 ans, afin de la désenclaver, et que, par ailleurs le territoire est riche en phosphates et, peut-être, en pétrole.

En novembre dernier, le Polisario avait remis en cause les licences que le Maroc venait d'accorder à deux compagnies pétrolières étrangères, TotalFinaElf, la multinationale française, et Ker Mc Gee, compagnie américaine. Interpellée sur le dossier, l'ONU a demandé un avis juridique à son conseiller, Hans Cornell. La réponse, adressée au Conseil de sécurité, a précisé, en janvier, que les licences de prospection accordées par le Maroc pour une durée d'un an n'avaient rien d'illégal. Mais Hans Cornell ajoutait que «l'exploitation d'éventuels gisements ne peut aller contre les intérêts et souhaits des habitants du Sahara occidental». Les indépendantistes y avaient vu une victoire, mais le Maroc avait gardé le cap. «Nous sommes dans nos droits, et les provinces du sud font partie intégrante du territoire marocain. Nous avons donc toute latitude de mener tout type d'investissement de développement et de recherche» avait déclaré, le jeudi 7 février, Mme Benkhadra, directrice de l'ONAREP. (Office National de Recherche et d'Exploitation Pétrolière).

Ce que vient de confirmer Mohamed VI en annonçant, à Laâyoune, sa volonté de développer rapidement le Sahara occidental, sur lequel il entend gouverner, puisqu’il y déplace ses ministres, comme il le fait dans d’autres villes du Maroc.



par Isabelle  Broz

Article publié le 07/03/2002