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Hongrie

Victoire surprise des socialistes

Surprise aux élections législatives de Hongrie : alors que la droite menait dans les sondages, le parti socialiste remporte le premier tour et son candidat, Péter Medgyessy, a de grandes chances d’être le futur Premier ministre après le deuxième tour de scrutin le 21 avril. Autre fait marquant de ce premier tour : le Parti de la justice et de la vérité (extrême-droite) n’entre pas au parlement, n’ayant pas franchi les 5 % de voix requises au premier tour.
De notre correspondante à Budapest

Peu avant 22 heures, c’est une explosion de joie au siège des socialistes, sur la place de la République, quartier populaire de Budapest. Leur parti vient de coiffer les jeunes démocrates, parti de droite conservatrice du premier ministre sortant, Viktor Orban. «Gyöztünk !» Nous avons gagné ! On applaudit, on se bouscule dans l’auditorium vieillot de cette grande bâtisse austère que le parti communiste (qui se mua en parti socialiste en 1989) occupa pendant plus de 40 ans. Sur les tables, café, tartines de salami et eau minérale. Même ambiance qu’en 1994, lors de la victoire des socialistes, mais les têtes se sont rajeunies. Les dinosaures cèdent peu à peu la place à une nouvelle génération.

A l’autre bout de la ville, dans le quartier résidentiel de Buda, c’est la consternation au quartier général de la Fidesz (Jeunes démocrates). Tout est prêt pour une fête somptueuse au parc du Millénaire, ancienne usine reconvertie en site culturel ; piste de danse et buffets dressés dans le jardin. Mais c’est un Viktor Orban à la mine défaite qui apparaît en fin de soirée. Pourtant la droite tablait sur une victoire écrasante dès le premier tour, après avoir investi au moins 30 millions d’euros dans la campagne électorale. Contrôlant l’essentiel des médias publics, le gouvernement avait en outre fait plusieurs cadeaux aux électeurs quelques semaines avant le scrutin : augmentation des retraites, doublement du salaire minimum, crédits au logement très bon marché…

Bref, face à l’opposition, la Fidesz avait l’avantage d’un coureur de marathon sur un paralytique et la majorité absolue était à portée d’urne. Avec beaucoup moins de moyens, et grâce à une campagne de proximité fondées sur la sincérité et la bonne humeur, l’opposition (les socialistes et le petit parti des libéraux) ont réussi à renverser la vapeur. Au premier tour, 152 des 386 sièges sont attribués à la proportionnelle. Là, les socialistes l’emportent avec 42,03 % des suffrages contre 41,11 à la Fidesz. Le seul parti à franchir la barre des 5 % est le parti libéral (SZDSZ, démocrates libres, anciens dissidents). Le deuxième tour décidera des 176 sièges attribués au scrutin majoritaire. Là encore, les socialistes mènent puisqu’ils sont déjà vainqueurs dans 25 circonscriptions (contre 23 pour la Fidesz) et ont l’avantage dans 76 d’entre elles (contre 53 pour la Fidesz).

En toute logique, les socialistes devraient l’emporter au deuxième tour grâce au soutien de leurs alliés libéraux. La droite, elle, n’a plus vraiment de réserves. Il faudrait vraiment que votent toutes les âmes mortes de Hongrie pour inverser la tendance.

Une stratégie à double-tranchant

L’une des raisons du recul de la droite est le ton très nationaliste, flirtant avec les valeurs d’extrême-droite, emprunté par les Jeunes démocrates. Cette stratégie visant à absorber les votes des électeurs du parti d’extrême-droite (Miép) a certes porté ses fruits. Si le parti de Viktor Orban a malgré tout réalisé un bon score, c’est parce qu’un bon nombre de sympathisants du Miép ont voté pour lui. Du coup l’extrême-droite n’entre même pas au parlement. Mais cette tactique s’est avérée une arme à double tranchant car elle a dégoûté les électeurs centristes.

Les résultats du premier tour montrent qu’une bonne partie des Hongrois est fatiguée du ton nationaliste et farouchement anti-communiste du gouvernement de Viktor Orban. Il n’a pas arrêté, au cours des deux dernières années, de qualifier l'opposition de «traîtres», de «bolcheviques», d’«anciens dictateurs». Juste avant les élections, un dirigeant du parti au pouvoir déclarait que tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec le gouvernement, n’avaient qu’à prendre une corde, et descendre à la cave pour se pendre. Ce faisant, ils rendraient un service au pays et au gouvernement. Cette déclaration odieuse qui venait après bien d’autres, a été la goutte d’eau qui a choqué le pays à quelques jours du scrutin. Elle a provoqué une manifestation de 20 000 personnes à Budapest. Surtout elle a illustré un cynisme et une brutalité que les Hongrois rejettent. A la guerre, ils préfèrent la paix.

A écouter aussi:
Interview avec Péter Medgyessy



par Florence  La Bruyère

Article publié le 08/04/2002