France : législatives 2002
Sport et politique : quand la campagne s’en mêle
Le coup de colère très médiatisé de Jacques Chirac, samedi soir au Stade de France, mêle à l’indignation authentique du chef d’Etat une prise de position qui vaut «programme» à quelques semaines d’un scrutin législatif décisif.
Il a fallu qu'une poignée de supporters exaltés siffle l'hymne national, provoquant ainsi une vive réaction du chef de l’Etat, pour que cela devienne un fait majeur de la vie politique française. En témoignent les «unes» des quotidiens français de ce lundi et les nombreuses réactions de la classe politique enregistrées depuis cette fameuse finale de samedi soir. Brièvement: alors que les équipes de Lorient et de Bastia s’apprêtent à disputer la Coupe de France de football, l’hymne national français est sifflé par une partie des supporters bastiais, qui brandissent des drapeaux corses à tête de maure. Le visage crispé par la colère, Jacques Chirac quitte précipitamment la tribune présidentielle, exige des excuses de la fédération de football (qu’il obtient immédiatement) et intervient en direct à la télévision pour dénoncer cette attitude. Il assistera finalement au match mais, contrairement à l’usage, il ne saluera pas les joueurs.
Certes d’un point de vue présidentiel l’outrage est inacceptable et les responsables de ce pays, même les plus farouchement opposés à Jacques Chirac, se sont félicités de la vivacité de la réplique du président. Dans le contexte, ce n’est pas une surprise. Les Français viennent de vivre une élection présidentielle pour le moins troublante en raison de l’incapacité de la gauche française à se maintenir au second tour et du relatif succès d’un candidat d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, dont le nationalisme est l’un des principaux fonds de commerce. Le premier enseignement du coup de gueule de Jacques Chirac est que ce message est passé. Les plus hautes autorités de l’Etat n’ont pas vocation à subir l’humiliation et l’insulte au drapeau. Elles ne rééditeront pas la pitoyable scène du malaise qu’elles nous avaient montré lorsque quelques dizaines de jeunes gens avaient envahi la pelouse du Stade de France et entraîné l’arrêt du match lors de la rencontre amicale France-Algérie du 26 octobre 2001. Elles s’inscrivent dans une démarche de restauration des valeurs républicaines cette pédagogie-là passe par des signaux forts, éventuellement des incidents, dont on ne tardera à mesurer l’efficacité puisque les citoyens sont invités, dès le 9 juin, à élire les députés qui manquent à Jacques Chirac pour construire une majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale et engager sa politique.
Sifflée par des Corses
La problématique Corse n’est pas non plus complètement étrangère à l’indignation exprimée par Jacques Chirac. Que la Marseillaise soit sifflée est inacceptable. Mais qu’elle le soit par les propres enfants de la République ajoute une dimension supplémentaire à l’insupportable. Dans leur immense majorité les Corses sont attachés à leur nationalité française. Mais nul n’ignore que leur attachement à la République est traversée d’insatisfactions et de revendications non-satisfaites qui font de l’île de Beauté un marasme économique propice à l’expression d’un tout autre nationalisme. Des crimes sont commis en Corse, et notamment des crimes politiques. L’assassinat en 1998 du préfet Erignac, dont l’un des assassins présumés coure toujours, en est la tragique illustration. De ce point de vue encore, l’attitude du président, samedi, est un signal sur le caractère non-négociable de l’indivisibilité de la République.
Enfin, et c’est devenu une grande classique du genre, on peut plus négliger cette dimension particulière de l’expression sportive qui transforme périodiquement les gradins de nos stades en tribunes politiques et donnent aux rencontres une atmosphère d’assemblée générale plus ou moins contrôlable. L’incident de samedi est surtout révélateur de l’état d’esprit qui règne dans les enceintes où se combinent allégrement «esprit d’équipe» et «chauvinisme».
Certes d’un point de vue présidentiel l’outrage est inacceptable et les responsables de ce pays, même les plus farouchement opposés à Jacques Chirac, se sont félicités de la vivacité de la réplique du président. Dans le contexte, ce n’est pas une surprise. Les Français viennent de vivre une élection présidentielle pour le moins troublante en raison de l’incapacité de la gauche française à se maintenir au second tour et du relatif succès d’un candidat d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, dont le nationalisme est l’un des principaux fonds de commerce. Le premier enseignement du coup de gueule de Jacques Chirac est que ce message est passé. Les plus hautes autorités de l’Etat n’ont pas vocation à subir l’humiliation et l’insulte au drapeau. Elles ne rééditeront pas la pitoyable scène du malaise qu’elles nous avaient montré lorsque quelques dizaines de jeunes gens avaient envahi la pelouse du Stade de France et entraîné l’arrêt du match lors de la rencontre amicale France-Algérie du 26 octobre 2001. Elles s’inscrivent dans une démarche de restauration des valeurs républicaines cette pédagogie-là passe par des signaux forts, éventuellement des incidents, dont on ne tardera à mesurer l’efficacité puisque les citoyens sont invités, dès le 9 juin, à élire les députés qui manquent à Jacques Chirac pour construire une majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale et engager sa politique.
Sifflée par des Corses
La problématique Corse n’est pas non plus complètement étrangère à l’indignation exprimée par Jacques Chirac. Que la Marseillaise soit sifflée est inacceptable. Mais qu’elle le soit par les propres enfants de la République ajoute une dimension supplémentaire à l’insupportable. Dans leur immense majorité les Corses sont attachés à leur nationalité française. Mais nul n’ignore que leur attachement à la République est traversée d’insatisfactions et de revendications non-satisfaites qui font de l’île de Beauté un marasme économique propice à l’expression d’un tout autre nationalisme. Des crimes sont commis en Corse, et notamment des crimes politiques. L’assassinat en 1998 du préfet Erignac, dont l’un des assassins présumés coure toujours, en est la tragique illustration. De ce point de vue encore, l’attitude du président, samedi, est un signal sur le caractère non-négociable de l’indivisibilité de la République.
Enfin, et c’est devenu une grande classique du genre, on peut plus négliger cette dimension particulière de l’expression sportive qui transforme périodiquement les gradins de nos stades en tribunes politiques et donnent aux rencontres une atmosphère d’assemblée générale plus ou moins contrôlable. L’incident de samedi est surtout révélateur de l’état d’esprit qui règne dans les enceintes où se combinent allégrement «esprit d’équipe» et «chauvinisme».
par Georges Abou
Article publié le 13/05/2002