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Islam en France

Les musulmans de France peinent à s’organiser

Les musulmans de France ont plus que jamais du mal à s’organiser. Le conseil français du culte musulman (CFCM), qui devait enfin donner une représentation à la deuxième religion de l’Hexagone, semble condamné à ne pas voir le jour tant les dissensions sont nombreuses entre les différents courants qui animent la communauté musulmane. Initié en 1999 par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur, le CFCM devait être désigné le 26 mai dernier mais la mosquée de Paris a réussi à faire reporter son élection au 23 juin prochain. Une élection à laquelle elle menace aujourd’hui de ne pas participer.
Evaluée à cinq millions de personnes, dont la moitié de nationalité française, la communauté musulmane n’a jamais eu de représentation structurée en France. La principale difficulté a résidé dans le choix d’une stratégie capable d’allier le principe de laïcité -qui interdit toute intervention de l’Etat dans les affaires de culte- à une religion faite de différents courants idéologiques et ethniques, soumise à des influences étrangères antagonistes et surtout traditionnellement organisée au sein d’une structure étatique.

L’ancien ministre de l’Intérieur Pierre Joxe a certes créé en 1988 le Corif, le Conseil de réflexion sur l’islam de France, mais cette instance, jugée «artificielle», n’a jamais vraiment été soutenue par les musulmans de France à cause de son mode de désignation par nomination et cooptation. La seconde tentative d’organiser la communauté musulmane s’est faite avec Charles Pasqua en 1993 et la création d’un Conseil représentatif des musulmans de France s’appuyant sur une Charte. Mais de nombreuses organisations musulmanes ont contesté l’hégémonie dans cette nouvelle instance de la mosquée de Paris, qui a perdu de sa légitimité depuis qu’elle est passée sous le contrôle exclusif de l’Algérie en 1981.

L’arrivée en 1995 de l’équipe Jospin au gouvernement a relancé le débat sur la nécessité d’instaurer une représentation de la communauté musulmane qui soit notamment l’interlocutrice des pouvoirs publics pour l’organisation du culte à l’instar des religions catholique, protestante et juive. Jean-Pierre Chevènement a donc lancé en novembre 1999 une large consultation auprès des musulmans de France destinée à aboutir à la création d’une instance représentative du culte musulman. Après un laborieux travail de recensement des mosquées, il a été décidé que «chaque édifice du culte musulman, géré par une association régulièrement déclarée, désignera des délégués en nombre proportionnel à son importance», la superficie des lieux de culte servant notamment «d’instrument d’appréciation». Ces délégués régionaux doivent élire ensuite une assemblée nationale qui aura pour charge d’élire à son tour le fameux CFCM.

La mosquée de Paris a peur des urnes

Alors que ce mode de désignation d’une instance représentative des musulmans de France avait largement fait l’unanimité et que les élections du CFCM avaient été fixées au 26 mai dernier, la Mosquée de Paris a soudain changé son fusil d’épaule. Après avoir obtenu un report du scrutin au 23 juin prochain, elle menace aujourd’hui de boycotter ses élections. Le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, craint en effet qu’elles ne soient remportées par «un islam fondamentaliste» au détriment de «l’islam tolérant et pacifique» qu’il prétend représenter. Cette position a fermement été condamnée par notamment l’Union des organisations islamiques de France, une fédération de plus de 200 associations, proche de la mouvance des Frères musulmans, qui a appelé à aller voter le 23 juin prochain «avec ou sans la mosquée de Paris».
Depuis la réélection de Jacques Chirac, de qui Dalil Boubakeur se réclame être un proche, l’élection du CFCM semble par ailleurs de plus en plus compromise. En 1993, l’alternance avait en effet été fatale au Corif lancé par Pierre Joxe et aujourd’hui les musulmans de France sont inquiets de voir plus de deux ans et demi de consultations réduites à néant. Le nouveau gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui hérite de ce dossier, devra se prononcer très vite sur la question. De sa décision et de la position des principaux partis politiques sur l’islam en France, dépendra sans aucun doute le vote d’une grande partie de la communauté musulmane pour les prochaines législatives.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/05/2002