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Brésil

Lula-Serra : deux candidats-présidents, deux styles

Lula, l’opposant de gauche et José Serra, dauphin du président social-démocrate sortant, ont tous les deux, dans la même ville et à la même époque, mené la résistance contre la dictature brésilienne (1964-1985). A partir de là, leur parcours et surtout leur origine sociale les différencient.
De notre correspondante à Brasilia

Peut-être l’heure de la consécration a-t-elle enfin sonné pour cet ancien ouvrier métallurgiste de Sao Paulo aujourd’hui âgé de 56 ans. Luiz Ignacio da Silva, Lula, comme on le surnomme, vient de livrer sa quatrième bataille pour la présidence du Brésil (48% dans le sondage Ibope publié mardi). Un «Lula Light» dit-on dans la presse brésilienne pour définir son nouveau look, costume-cravate et barbe soigneusement taillée, et son discours allégé, plus social-démocrate que socialiste. On est en effet bien loin du candidat à la barbe fleurie et aux cheveux ébouriffés qui, en 1989, haranguait les foules en promettant de rompre avec le capitalisme, avant de s’incliner de justesse face au séduisant représentant de la classe dirigeante, Fernando Collor.

Candidat du gouvernement sortant, le sexagénaire José Serra n’est pas un adversaire si menaçant pour Lula. Il obtient 21% dans le dernier sondage Ibope. Co-fondateur, avec le président Cardoso, du parti social-démocrate brésilien (PSDB), ce docteur en économie, diplômé d’une université américaine a bien du mal à déchirer l’étiquette qui lui colle à la peau de «personnage arrogant et antipathique». Originaire de Sao Paulo, José Serra a été député et sénateur, avant d’être ministre du Plan puis de la Santé de Fernando Henrique Cardoso. Il s’est fait beaucoup remarquer à la Santé, où il a mené une vraie guerre aux grands laboratoires pharmaceutiques, exigeant la baisse des prix des composants du cocktail anti-Sida, et en popularisant les médicaments génériques.

Une jeunesse à gauche

Mais José Serra avait un handicap majeur, celui de se présenter comme le candidat du «changement dans la continuité». Et sa tentative de critiquer le passif du gouvernement, avant de coller à l’image encore très positive du président Cardoso, a brouillé son message. La confiance qu’il inspire aux marchés financiers ne suffit pas. Pour réussir à s’imposer, il a bataillé ferme, fidèle à sa réputation de gros travailleur, mais en abusant des attaques qui ont fini par miner l’impact de ses larges sourires sur les affiches de campagne. Il est aujourd’hui en tête de l’indice de «rejet» des sondages.

Né dans l’Etat du Pernanbouc, Lula a suivi, avec sa famille, le trajet que des milliers de Brésiliens empruntent pour abandonner le Nord-Est désertique, et tenter leur chance à Sao Paulo. Lula a connu la faim et pour aider sa mère et ses 7 frères et soeurs, il vendait des oranges et du tapioca dans les rues. Il n’a été alphabétisé qu’à 7 ans, et n’a jamais fait d’études. Embauché comme ouvrier dans les usines de Sao Paulo, il s’est spécialisé comme tourneur, perdant son annulaire gauche sur une machine. Grâce à son charisme, il a été un leader syndical respecté, puis le fondateur et président du Parti des travailleurs.

José Serra venait d’un milieu plus favorisé, mais lui aussi militait à gauche. Il a été président de l’Union nationale des étudiants, et a du s’exiler pendant 15 ans après le coup d’Etat, au Chili et aux Etats-Unis. Depuis son retour au pays, il a participé activement à la démocratisation du Brésil. Toute sa carrière politique avait pour objectif le palais du Planalto de Brasilia. Mais son élection semble compromise face à Lula.



par Annie  Gasnier

Article publié le 02/10/2002