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Côte d''Ivoire

Le sergent-chef Coulibaly parle… enfin!

Avec sa taille de basketteur (plus de 2 m), le sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit «IB», 38 ans, est l’homme le plus recherché par les autorités ivoiriennes. Principal auteur du coup d’État du 24 décembre qui porta le général Robert Gueï au pouvoir, «IB» est soupçonné d’être le ou l’un des cerveaux du coup de force du 19 septembre dernier. Mis à l’écart par le chef de l’ex-junte puis affecté à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Ottawa, il démissionne de façon fracassante en septembre 2000 et atterrit avec un statut de réfugié politique au Burkina où il retrouve près d’une cinquantaine d’autres militaires ivoiriens également en rupture de ban avec leur pays. Alors que récemment la presse proche du pouvoir à Abidjan le donnait pour presque mort dans la bataille de Bouaké, IB s’est confié à RFI dans un entretien qui s’est déroulé dans la villa qu’il habite sous une bonne garde dans un quartier de la périphérie Est de Ouagadougou. Interview.
De notre correspondant au Burkina Faso

RFI: Êtes-vous le cerveau de la mutinerie du 19 septembre comme vous l’étiez lors du coup d’Etat de décembre 1999 ?
Ibrahim Coulibaly: Non, parce que je n’étais pas au courant de la préparation de ce mouvement. Mais par contre, je connais les soldats mutinés. Ce sont des frères d’arme. Nous avons fait ensemble l’armée de même que l’opération du 24 décembre 1999 ensemble. Ils ont habité ici à un moment donné. Mais, ils sont rentrés en Côte d’Ivoire lorsque le président Gbagbo a promis au cours de sa visite ici à Ouagadougou de discuter avec eux une fois arrivés là-bas. Depuis ce jour, les autorités burkinabé ont demandé à mes camarades de rentrer et ils sont repartis en Côte d’Ivoire. Cela fait six mois qu’ils sont retournés mais ils n’ont pas été reçus comme il le souhaitaient. Au contraire, selon les informations reçues, on les recherchait pour les arrêter. C’est peut-être ce qui a provoqué ce mouvement aujourd’hui .

RFI: Quels sont donc ceux qui étaient ici ?
IB: Zaga-zaga, Fozié, Chérif… et bien d’autres éléments qui sont sur le terrain. Ils sont tous des Ivoiriens, des militaires chassés de la Côte d’Ivoire d’abord par le régime Guei puis après par le régime Gbagbo. Ne voyant pas la faute qui pouvait les faire radier de l’armée, ils négociaient pour pouvoir être reçus par les autorités ivoiriennes. En réponse, selon ce qu’ils ont appris, on cherchait plutôt à les arrêter. Et chaque jour, on disait qu’ils préparaient un coup d’État. Voilà la conséquence.

RFI: Pourquoi, eux, sont-ils rentrés et pas vous ?
IB:
Je ne suis pas rentré parce que j’ai eu la certitude et la confirmation que si je mettais les pieds en Côte d’Ivoire, je risquais d’être liquidé. D’ailleurs, ils ont envoyé des hommes à Ouagadougou ici dans l’intention de me liquider ; Donc j’avais la certitude que je n’étais pas le bienvenue en Côte d’Ivoire. J’ai alors négocié avec les autorités burkinabé pour rester ici pour plus de sécurité pour ma vie.

RFI: Avez-vous eu des contacts avec vos camarades depuis le 19 septembre ?
IB:
Nos amis sur le terrain m’ont contacté et ils ont dit qu’ils avaient besoin de mon expérience et mon soutien. Après réflexion, j’ai décidé de les rejoindre mais j’ai été empêché par les autorités burkinabé.

RFI: Y a t-il des officiers qui se cachent derrière ces hommes ?
IB:
Je ne suis pas sur le terrain mais à ma connaissance, il n’ y a aucun officier derrière eux, ni aucun homme politique. A écouter leurs revendications, on voit que ce n’est pas un problème politique, mais plutôt social. La Côte d’Ivoire a des problèmes, c’est une réalité. Le pays est divisé . Sinon, ils ne réclament que la justice, la vraie démocratie et la paix. Ils ne demandent pas à être forcément au pouvoir. On n’a pas besoin d’avoir un homme politique pour agir comme ils le font. Ils agissent en tant qu’humain, en tant qu’Ivoirien. Ils sont marginalisés. La plupart des militaires et gendarmes qui sont en prison en Côte d’Ivoire sont originaires du Nord sont dioula. Est-ce que c’est normal ? Donc les camarades se disent qu’il vaut mieux se battre au lieu de s’asseoir et de se faire prendre comme un poulet.

RFI : Et vous n’avez donc pas de lien avec Gueï ou Alassane Ouattara ?
IB:
Non, ni avec Ouattara, ni avec Gueï. A chaque fois qu’il y a des problèmes, on parle de Ouattara. Il n’est pas le seul à qui on refuse une carte d’identité ivoirienne ou le seul qu’on empêche de réussir à un concours de gendarmerie. Certes, j’ai été garde de corps de Ouattara, mais j’y ai été affecté. Je n’ai pas choisi. C’était une mission.



par propos recueillis par Alpha  Barry

Article publié le 12/10/2002