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Suisse

Le droit d'asile préservé de justesse

Les électeurs suisses ont repoussé, par 3 422 voix d’écart, le projet de durcissement du droit d’asile au sein de la confédération. Moins de 50,1% de l’électorat a voté «non», contre plus de 49,9% se prononçant pour le «oui». Le taux de participation au référendum a été de 47,5%. Le parti de la droite populiste Union démocratique du centre (UDC), à l’origine de l’initiative, a estimé qu’il s’agissait d’une «occasion manquée». Mais il se réjouit de l’excellent accueil réservé à sa proposition par les électeurs. Et des perspectives politiques qui l’accompagnent.
Malgré le soulagement des opposants au projet, des organisations des droits de l’homme et du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, la faiblesse de l’écart n’évoque qu’une demi-victoire. Si la majorité des électeurs a repoussé la proposition visant à restreindre le droit d’asile en Suisse, en revanche une majorité de cantons l’a approuvée. La démocratie suisse dispose de cette particularité de pouvoir convoquer les électeurs sur simple initiative des citoyens, dès lors que l’initiative recueille un nombre suffisant de signatures ; cent mille en l’occurrence. Le résultat de la consultation s’impose tant au gouvernement qu’au Parlement. Et si le résultat n’est pas conforme aux attentes, rien n’empêche de recommencer un peu plus tard jusqu’à ce qu’il le soit. Dans le contexte suisse et européen qui prévaut, et compte tenu de la faiblesse des marges, on comprend mieux que, paradoxalement, les perdants expriment leur satisfaction.

L’initiative populaire écartée dimanche aurait eu pour effet d’écarter 95% des demandeurs d’asile, arrivant via un pays-tiers, en les refoulant automatiquement et sans examen de leur dossier vers ce pays dès lors qu’il serait considéré comme un «Etat tiers réputé sûr». Ce qui est le cas des voisins de la Confédération helvétique, tous membres de l’Union européenne. Cela signifie qu’ils se seraient alors vu remettre, bon gré mal gré, les candidats à l’immigration indésirables en Suisse. On a frôlé une cascade d’incidents diplomatiques ! Le projet prévoyait également d’interdire le travail aux demandeurs d’asile et de restreindre les allocations dont ils bénéficient ; des sanctions à l’encontre des compagnies aériennes transportant des passagers sans visa complétaient le dispositif.

La peur ordinaire

La peur suisse de l’étranger est bien ordinaire dans cette vieille Europe assiégée, qui renforce ses législations nationales contre l’immigration clandestine des réfugiés économiques déguisés en demandeurs d’asile politique. Face à l’insécurité grandissante, notamment dans les domaines du travail, de la santé, de l’enseignement, mais aussi dans les espaces publics, le discours de l’endiguement obtient là aussi un franc succès. Et les Suisses ne veulent pas que leur pays, dont la population comporte 20% d’étrangers, devienne le dernier refuge au sein d’une Union européenne verrouillée.

Le problème soulevé par les Suisses à l’égard de leur réglementation sur l’asile politique s’inscrit donc dans le registre européen de la montée des grandes peurs, telles qu’elles sont régulièrement exprimées lors des élections où partis populiste et d’extrême droite disputent aux formations politiques traditionnelles les suffrages des électeurs. Umberto Bossi en Italie, Pim Fortuyn aux Pays-Bas, Jörg Haider en Autriche, Jean-Marie Le Pen en France ont leur équivalent en Suisse. Christoph Blocher est un très riche homme d’affaires et il conduit le parti qui a obtenu le plus de voix aux élections législatives de 1999. Outre la question de la fiscalité, dont il partage avec ses homologues européens la volonté de la réduire, la réduction de l’immigration constitue également pour lui et son parti l’un de ses principaux thèmes de campagne.

Chaque année il en coûte 680 millions d’euros à la confédération pour assurer la subsistance de ces demandeurs «des faux réfugiés qui abusent du droit d’asile (…) pour gagner de l’argent pendant un certain temps ou, pire, pour se livrer à des actes criminels», déclare un député de l’UDC. Ce lundi, la presse helvétique estime qu’une clarification politique est urgente car l’influence de cette problématique va aller croissante dans les débats : dans un an les Suisses retourneront voter, pour élire leurs députés.



par Georges  Abou

Article publié le 25/11/2002 Dernière mise à jour le 24/11/2002 à 23:00 TU