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Littérature

<i>«Implanter le livre dans la culture»</i>

Entretien avec Moussa Konaté, le fondateur de la maison d’édition malienne Le Figuier et directeur du festival Etonnants Voyageurs de Bamako.
RFI : Etonnants Voyageurs Bamako en est à sa troisième édition cette année. Pouvez-vous nous rappeler comment est née cette idée d’implanter une manifestation très française dans le terreau africain ?

Moussa Konaté : J’avais depuis longtemps le désir de mettre en place un festival du livre à Bamako. J’en avais parlé avec le directeur du centre culturel français. C’est lui qui m’a mis en rapport avec Michel Le Bris. Nous nous sommes tout de suite entendus pour monter ensemble une manifestation autour du livre et de la littérature. Nous sommes également tombés d’accord sur le constat que l’on ne pouvait pas créer à Bamako une manifestation sur le modèle des Etonnants Voyageurs de Saint-Malo qui est essentiellement un salon destiné à des lecteurs et des écrivains partageant une culture littéraire commune. Au Mali, il s’agit au contraire d’implanter le livre dans la culture. C’est ce que nous essayons de faire depuis trois ans en organisant des opérations dans les villes de l’intérieur, dans les écoles. Nous formons des conteurs, des lecteurs à voix haute, toutes choses qui ne se font pas à Saint-Malo. C’est pourquoi je tiens beaucoup à ce qu’on sache que le festival de Bamako n’est pas la copie conforme des Etonnants Voyageurs de Saint-Malo !

RFI : Le dossier de presse du festival présente cette troisième édition comme «une nouvelle étape pour le premier festival international du livre en Afrique». Quoi de nouveau cette année ?

M. K.: 2003 est une année charnière pour nous. Comme vous le savez, ce festival est organisé par deux associations, l’une française et l’autre malienne. Il faut que nous progressions de manière significative dans la prise en main du festival par l’équipe africaine pour qu’à terme les Africains puissent s’approprier ce bel outil de diffusion et de promotion de la culture. Cette année, nous espérons aussi voir aboutir les efforts que nous avons faits au cours des deux dernières éditions pour former des conteurs et des lecteurs à voix haute. L’idée était de former des opérateurs culturels qui pourront à partir de la prochaine édition animer avec une certaine autonomie les volets du festival qui se déroulent dans les villes de l’intérieur. Enfin, l’édition 2003 rime avec agrandissement puisque nous serons présents cette année dans six villes, trois de plus que l’année dernière.

RFI : Le festival sera ponctué de débats, de rencontres sur les thèmes de la mondialisation, de l’héritage, de l’interface entre le cinéma et l’écriture. En tant qu’écrivain, est-ce que vous vous sentez interpellé par ces questions ?

M. K. : Oui, plus particulièrement par la question de l’émergence ou plutôt de la non-émergence de littératures en langues locales en Afrique de l’Ouest. C’est une question qui sera débattue car elle est cruciale. Il existe depuis des décennies dans nos Etats des politiques plus ou moins volontaristes pour la promotion des langues nationales. Et pourtant les littératures en ces langues tardent à émerger. Il faut aujourd’hui s’interroger sur la pauvreté, pour ne pas dire l’absence, des publications en nos langues. Que peut-on faire pour encourager les auteurs ? Qu’attendent nos décideurs pour s’inspirer des pays comme le Nigeria, ou des pays de l’Afrique de l’Est où il existe des productions littéraires de qualité en langues locales ? Je souhaiterais pouvoir accueillir à terme, dans ce festival, des débats, des cafés littéraires en langues locales. Peut-être même un jour prochain, y aura-t-il un festival de littératures en langues africaines...



par Propos recueillis recueillis par Tirthankar  Chanda

Article publié le 29/01/2003