Belgique
Une diplomatie audacieuse
La diplomatie belge fait entendre sa voix sur les grands dossiers de l’actualité internationale avec un maître-mot, l’éthique, au risque souvent de froisser les susceptibilités.
De notre correspondante à Bruxelles
En prenant ses fonctions, le ministre belge des Affaires étrangères Louis Michel avait annoncé qu'il entendait faire en sorte que la Belgique redonne de la voix sur la scène mondiale. Cette ambition se voulait au service d'une diplomatie «éthique», impliquant la défense des droits de l'homme et la recherche de règlements lors de crises internationales. Depuis, les prises de position de la Belgique font parler d'elle mais lui valent aussi de susciter l'irritation de pas mal de monde. D'autant plus que le ministre s'accommode mal de la traditionnelle réserve diplomatique.
Cette politique s'est manifestée tout d'abord par une implication active et volontaire à la recherche d'un accord de paix en République démocratique du Congo, ex-Congo belge. Elle s'est illustrée par une dénonciation virulente du gouvernement autrichien, à l'époque où il s'ouvrait à l'extrême droite de Jörg Haïder. Dans le conflit du Moyen-Orient, d'éventuels efforts de médiation se sont heurtés à la tension grandissante entre la Belgique et Israël suite au dépôt, en juin 2001 à Bruxelles, d'une plainte contre le Premier ministre israélien pour sa participation présumée dans les massacres de Sabra et Chatila.
La fièvre est montée d'un cran la semaine dernière, après l'arrêt de la Cour de cassation de Bruxelles autorisant, au nom de la loi belge de compétence universelle, de futures poursuites contre Ariel Sharon lorsqu'il ne sera plus protégé par son immunité. Cette décision a suscité une vague d'indignation et une campagne anti-belge d'une violence sans précédent dans la classe politique et les médias israéliens. Le ministre de la Justice Meïr Chitrit a dénoncé «ces Belges pleins de morgue se prenant pour les justiciers du monde» tandis que son collègue du Tourisme Yithzak Levy propose d'organiser l'émigration de la communauté juive de Belgique vers Israël.
La Belgique traitée de «chihuahua» à la solde de la France
C'est sans doute dans le dossier irakien que la Belgique a fait, d'une façon exemplaire, entendre sa différence. Partisan d'une «logique de paix», elle demande d'accorder plus de temps aux inspecteurs de l'ONU et exige que la crise irakienne se règle prioritairement au sein des Nations unies.
Le veto belge à l'OTAN, s'ajoutant à ceux de la France et de l'Allemagne, provoqua la colère des Etats-Unis. Le royaume est qualifié, dans la presse américaine, de «chihuahua», de «petit chien à la traîne de la France».Au comité des plans de défense de l'Otan dont la France ne fait pas partie, la Belgique s'est retrouvée seule à faire de la résistance face à 17 pays. Il y eut, explique le ministre Michel, des «pressions très très dures» de la part de Washington mais «ce n'est pas parce qu'on est un petit pays qu'on doit systématiquement s'aligner».Une attitude saluée, à Bruxelles, par le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, «heureux d'être ici en Belgique, dans un pays courageux». Version réactualisée de la célèbre phrase de Jules César: «De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves».
La Belgique finit par rentrer dans le rang, non sans avoir obtenu certaines concessions. Le chef de la diplomatie belge, en phase avec son premier ministre, Guy Verhofstadt, dispose sur le dossier irakien du soutien d'une très grande majorité de la classe politique et de l'opinion publique.70.000 personnes ont défilé contre la guerre dans les rues de Bruxelles.
Certains, toutefois, craignent que cette politique ressemble davantage à du donquichottisme qu'à une appréciation raisonnée des intérêts et des possibilités du pays. A force de témérité, la Belgique ne risque-t-elle pas de se faire beaucoup d'ennemis et de se retrouver au ban des nations ? Ne pousse-t-elle pas le bouchon un peu loin en défiant ainsi la première puissance mondiale au risque de s'attirer des représailles, économiques notamment ?
Dans pareil contexte, le récent voyage à New York du Premier ministre Verhofstadt, à la tête d'une importante délégation économique, pour vanter les «nouvelles opportunités d'investir en Belgique» relevait d'une mission à haut risque. La visite était prévue de longue date et le gouvernement belge convaincu que les entrepreneurs américains n'investissent pas par amour ou par haine, mais là où c'est intéressant.
Un sondage internet réalisé cette semaine par le quotidien bruxellois Le Soir semble lui donner raison. Selon 70% des personnes interrogées, la Belgique qui fait entendre sa voix sur la scène internationale, en sort grandie (affaiblie selon 2,84%, ridicule selon 17,28%). A trois mois des élections législatives du 18 mai, une telle adéquation entre décideurs politiques et opinion publique, ça ne se néglige pas.
En prenant ses fonctions, le ministre belge des Affaires étrangères Louis Michel avait annoncé qu'il entendait faire en sorte que la Belgique redonne de la voix sur la scène mondiale. Cette ambition se voulait au service d'une diplomatie «éthique», impliquant la défense des droits de l'homme et la recherche de règlements lors de crises internationales. Depuis, les prises de position de la Belgique font parler d'elle mais lui valent aussi de susciter l'irritation de pas mal de monde. D'autant plus que le ministre s'accommode mal de la traditionnelle réserve diplomatique.
Cette politique s'est manifestée tout d'abord par une implication active et volontaire à la recherche d'un accord de paix en République démocratique du Congo, ex-Congo belge. Elle s'est illustrée par une dénonciation virulente du gouvernement autrichien, à l'époque où il s'ouvrait à l'extrême droite de Jörg Haïder. Dans le conflit du Moyen-Orient, d'éventuels efforts de médiation se sont heurtés à la tension grandissante entre la Belgique et Israël suite au dépôt, en juin 2001 à Bruxelles, d'une plainte contre le Premier ministre israélien pour sa participation présumée dans les massacres de Sabra et Chatila.
La fièvre est montée d'un cran la semaine dernière, après l'arrêt de la Cour de cassation de Bruxelles autorisant, au nom de la loi belge de compétence universelle, de futures poursuites contre Ariel Sharon lorsqu'il ne sera plus protégé par son immunité. Cette décision a suscité une vague d'indignation et une campagne anti-belge d'une violence sans précédent dans la classe politique et les médias israéliens. Le ministre de la Justice Meïr Chitrit a dénoncé «ces Belges pleins de morgue se prenant pour les justiciers du monde» tandis que son collègue du Tourisme Yithzak Levy propose d'organiser l'émigration de la communauté juive de Belgique vers Israël.
La Belgique traitée de «chihuahua» à la solde de la France
C'est sans doute dans le dossier irakien que la Belgique a fait, d'une façon exemplaire, entendre sa différence. Partisan d'une «logique de paix», elle demande d'accorder plus de temps aux inspecteurs de l'ONU et exige que la crise irakienne se règle prioritairement au sein des Nations unies.
Le veto belge à l'OTAN, s'ajoutant à ceux de la France et de l'Allemagne, provoqua la colère des Etats-Unis. Le royaume est qualifié, dans la presse américaine, de «chihuahua», de «petit chien à la traîne de la France».Au comité des plans de défense de l'Otan dont la France ne fait pas partie, la Belgique s'est retrouvée seule à faire de la résistance face à 17 pays. Il y eut, explique le ministre Michel, des «pressions très très dures» de la part de Washington mais «ce n'est pas parce qu'on est un petit pays qu'on doit systématiquement s'aligner».Une attitude saluée, à Bruxelles, par le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, «heureux d'être ici en Belgique, dans un pays courageux». Version réactualisée de la célèbre phrase de Jules César: «De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves».
La Belgique finit par rentrer dans le rang, non sans avoir obtenu certaines concessions. Le chef de la diplomatie belge, en phase avec son premier ministre, Guy Verhofstadt, dispose sur le dossier irakien du soutien d'une très grande majorité de la classe politique et de l'opinion publique.70.000 personnes ont défilé contre la guerre dans les rues de Bruxelles.
Certains, toutefois, craignent que cette politique ressemble davantage à du donquichottisme qu'à une appréciation raisonnée des intérêts et des possibilités du pays. A force de témérité, la Belgique ne risque-t-elle pas de se faire beaucoup d'ennemis et de se retrouver au ban des nations ? Ne pousse-t-elle pas le bouchon un peu loin en défiant ainsi la première puissance mondiale au risque de s'attirer des représailles, économiques notamment ?
Dans pareil contexte, le récent voyage à New York du Premier ministre Verhofstadt, à la tête d'une importante délégation économique, pour vanter les «nouvelles opportunités d'investir en Belgique» relevait d'une mission à haut risque. La visite était prévue de longue date et le gouvernement belge convaincu que les entrepreneurs américains n'investissent pas par amour ou par haine, mais là où c'est intéressant.
Un sondage internet réalisé cette semaine par le quotidien bruxellois Le Soir semble lui donner raison. Selon 70% des personnes interrogées, la Belgique qui fait entendre sa voix sur la scène internationale, en sort grandie (affaiblie selon 2,84%, ridicule selon 17,28%). A trois mois des élections législatives du 18 mai, une telle adéquation entre décideurs politiques et opinion publique, ça ne se néglige pas.
par Anne-Marie Mouradian
Article publié le 20/02/2003