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Reconstruction de l''Irak

Soupçons sur l’attribution des contrats

L'attribution par l'armée américaine d'un gros contrat à une filiale du groupe Halliburton, lié au vice-président Dick Cheney, alimente la polémique. Les critiques ne viennent pas seulement des entreprises étrangères, systématiquement écartées des marchés de reconstruction de l’Irak, mais aussi de la classe politique américaine.
Dans la lutte contre les incendies de puits de pétrole en Irak le corps du Génie militaire américain a attribué un contrat à la société Kellogg, Brown et Root (KBR), une filiale du groupe d’énergie et d’ingénierie Halliburton. Cette annonce par le ministère de la Défense des États-Unis a déclenché une polémique sur les conditions dans lesquelles cette société a été retenue.

Le représentant démocrate Henry Waxman a élevé contre cet accord commercial une série de critiques portant à la fois sur la forme et sur le fond. Sur la forme, le contrat a été attribué sans appel d’offres et sans que le Congrès américain en soit même informé. Sur le fond, le contrat n’a aucune limite dans le temps ni aucune limite financière car il prévoit le remboursement à l’entreprise des coûts d’extinction des incendies, plus un pourcentage compris entre 2% et 5% de ce montant. Cela pourrait donc, souligne le parlementaire, entraîner des dizaines de millions de dollars de dépenses sans contrôle, d’autant que le contractant à tout intérêt à augmenter ses coûts pour accroître ses profits. En outre, la conclusion de ce contrat n’a été rendue publique que tardivement.

Les conditions peu transparentes de l’attribution de ce contrat sont plus encore entachées par les liens existants entre l’entreprise bénéficiaire et le vice-président Dick Cheney qui en a exercé la direction de 1995 à 2000. Le Financial Times fait état de l’appartenance de plusieurs personnalités proches du gouvernement Bush comme administrateurs ou salariés, anciens ou actuels, du groupe Halliburton. Il n’en fallait pas davantage pour que le parlementaire démocrate Maxime Waters voie «l’apparence» que le vice-président des États-Unis a pu utiliser sa fonction pour favoriser son ancienne société. Un institut d’études de la vie politique américaine rappelle que Halliburton est au rang des entreprises qui ont financé la campagne présidentielle de George Bush. Des groupes de BTP figurant aussi parmi les généreux donateurs tels Bechtel, Fluor, Louis Berger et Parsons, sont également cités dans la presse américaine comme candidats à la reconstruction de l’Irak.

Pas exclues du processus

Un porte-parole de l’armée américaine a défendu le choix de la filiale de Halliburton par son expertise de la question au travers d’une étude sur les modalités d’extinction des incendies de puits de pétrole. «Le plus logique» est donc apparu de leur en confier la réalisation. Parmi les sous-traitants, KBR a choisi Boots et Coots, entreprise spécialisée dans la lutte contre les incendies de puits de pétrole, chargée en 1991 de l’extinction de 240 puits au Koweït après la guerre du Golfe.

Ce contrat conclu directement entre l’armée des États-Unis et une société américaine n’est pas un cas isolé. Déjà les premiers contrats attribués par l’agence américaine pour le développement international (USAID), ont entraîné des protestations, notamment en Grande-Bretagne, où on estime, en qualité de membre de la coalition militaire engagée en Irak avoir droit à une part des opérations de reconstruction. Les responsables de l’USAID réaffirment que les firmes non-américaines ne sont pas exclues du processus d’appel d’offres mais, dans le cas des contrats déjà conclu, le nombre d’entreprises américaines en compétition a été jugé suffisant…En revanche, rien n’interdit aux entreprises américaines lauréates de choisir des sous-traitants étrangers.

La crainte de voir les Etats-Unis se réserver la quasi-totalité des marchés de reconstruction de l’Irak prend forme aux yeux des non-américains, donnant du poids à l’exigence d’en confier la responsabilité aux nations unies. D’autant que les sommes en jeu ne sont pas à négliger. Le programme des nations unies pour le développement (PNUD) évalue le coût de la reconstruction à environ 30 milliards de dollars sur trois ans.



par Francine  Quentin

Article publié le 27/03/2003