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Patrimoine

Appel d’urgence contre les pillages en Irak

L’Unesco, agence des Nations Unies pour l’éducation et la culture, se mobilise en faveur de la sauvegarde du patrimoine irakien. Après le pillage des musées, archives et bibliothèques du «berceau des civilisations» qu’est la Mésopotamie, une action s’organise contre de nouvelles mises à sac et pour éviter l’exportation et la vente des objets volés afin qu’ils retrouvent leur place.
La trentaine d’experts internationaux, chefs de missions archéologiques en Irak, réunis par le directeur général de l’Unesco, ont lancé un appel d’urgence aux responsables de la sécurité civile en Irak afin qu’ils protègent sans attendre les musées, bibliothèques, sites et monuments du patrimoine culturel de ce pays. Ils demandent un embargo total et immédiat à l’exportation de toute oeuvre d‘art, livre ou archive en provenance d’Irak et le gel du commerce international sur ces objets. Ils souhaitent vivement qu’un appel soit lancé à la restitution volontaire des objets volés ou exportés illégalement.

Une mission de l’Unesco devrait se rendre sur place dès que possible pour évaluer les dommages occasionnés par la guerre et les pillages au patrimoine culturel irakien et coordonner l’aide internationale aux institutions culturelles locales. Le directeur général de l’Unesco, Koïchiro Matsuura et les archéologues spécialistes de la Mésopotamie se défendent de s’intéresser plus aux pierres qu’aux êtres humains : préserver l’héritage culturel d’un peuple, c’est préserver son identité et les bases de la cohésion sociale par le partage de valeurs spirituelles communes.

La réaction de l’Unesco fait suite au pillage spectaculaire du Musée archéologique de Bagdad, riche de 150 000 oeuvres représentatives de 7 000 ans d’histoire, qui s’est déroulé sans que les forces de la coalition américano-britannique n’interviennent. Le sac des archives et de la bibliothèque nationales a suivi et les musées de Mossoul et de Tikrit ont subi le même sort sans plus de réaction des militaires pour les protéger. On est, pour l’instant, sans informations précises sur l’état des vestiges de la ville antique de Ninive, englobée dans l’actuelle Mossoul copieusement bombardée, ni du site archéologique de Babylone, proche du palais présidentiel de Saddam Hussein à Hillal, lui-aussi cible de guerre. Dans bien des cas l’évaluation des dégradations et des vols est encore difficile car, par exemple à Hatra, ville antique classée par l’Unesco, tout ce qui avait pu être déplacé et mis à l’abri l’a été par les conservateurs. Toutefois, les conservateurs avaient prévu d’éventuels bombardements, ils n’avaient à l’évidence pas prévu, ou pas assez, les pillages.

Des risques prévisibles

Des voix s’élèvent contre la passivité de la coalition, plus prompte à protéger les bâtiments du ministère du pétrole, gardés par une cinquantaine de chars depuis une semaine. Selon un professeur d’archéologie de l’université de Bagdad, les soldats sollicités pour s’opposer aux pillards ont répondu qu’ils n’avaient pas d’ordre pour intervenir. Et les Irakiens responsables des antiquités nationales se plaignent que les promesses américaines qui leur ont été faites d'assurer la protection du Musée de Bagdad sont encore sans effet. Les protestations naissent aussi en Grande-Bretagne où des archéologues dénoncent l'inaction de la coalition et leurs homologues américains confirment qu’ils avaient averti le Pentagone des risques de pillage et, qu’à l'évidence, il n’a pas été tenu compte de leurs avertissements ni des listes de sites sensibles à protéger remises à cette occasion. Y compris Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, qui a officiellement appelé les autorités américaines à protéger immédiatement les sites religieux et archéologiques.

Pourtant, le pillage et la destruction d’œuvres culturelles, en cette période troublée, étaient prévisibles car ils ont eu des précédents. Parmi les exactions les plus récentes, la dégradation du site d’Angkor au Cambodge entre 1975 et 1993, les destructions dans les villes ex-yougoslaves de Dubrovnik, Mostar ou Sarajevo, entre 1991 et 1993, la destruction en 2001 des bouddhas géants de Bamiyan par les talibans afghans. Déjà, en 1954, après les destructions liées à la deuxième guerre mondiale, l’Unesco proposait à la communauté internationale d’adopter la Convention de La Haye sur la protection et préservation du patrimoine culturel en cas de conflit armé. Cent cinq pays en sont à ce jour signataires, mais pas les États-Unis ni la Grande-Bretagne.

Dommage, car les Etats signataires s’engagent à protéger et à respecter les biens culturels en cas de conflit armé, à prendre les dispositions nécessaires à cette protection dont la mise à l’abri des biens meubles et à marquer d’un signe distinctif des bâtiments et des monuments à sauvegarder. Les pays membres de la convention s’engagent également à créer des unités spéciales au sein des forces armées, particulièrement chargées de cette protection.

Pour en savoir plus :

L'action de l'Unesco en Irak



par Francine  Quentin

Article publié le 17/04/2003