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Terrorisme

Un trafiquant de missiles arrêté

Trois hommes ont été interpellés mardi sur la côte est des États-Unis dans le cadre d’une affaire de tentative de vente de missile sol-air russe à des terroristes. Ces arrestations constituent l’ultime épisode d’une longue enquête menée conjointement par les services américain, russe et britannique. Cette affaire conforte la thèse d’une persistance de la menace terroriste contre Washington.
Parmi les personnes appréhendées figurent notamment un ressortissant britannique, présenté comme un trafiquant d’armes bien installé, vivant à Londres et soupçonné d’avoir essayé de vendre le missile à des terroristes afin de commettre un attentat contre un avion de ligne. Selon les autorités, ce dernier a été intercepté alors qu’il était sur le point de fournir un engin de type Igla SA-18, l’équivalent russe du fameux Stinger américain, à un extrémiste islamiste. Du moins le croyait-il. En réalité, l’extrémiste en question était un agent de la police fédérale américaine et le missile était désarmé. Selon la chaîne de télévision américaine CNN, deux autres personnes, dont une d’origine afghane et une autre d’origine pakistanaise, ont été également arrêtées à New York dans le cadre de cette affaire.

L’affaire démarre il y a cinq mois, lorsque le marchand d’armes est repéré à Saint-Pétersbourg et Moscou. Il est à la recherche d’un certain type de missile et, selon la chaîne de télévision américaine ABC, verse 85 000 dollars à de faux militaires russes corrompus, véritables policiers en l’occurrence qui lui livrent finalement un missile désarmé. L’arme, re-qualifiée «matériel médical», voyage par bateau jusqu’aux États-Unis où le trafiquant, arrivé dimanche en provenance de Londres avec son épouse sur un vol commercial de la British Airways, est finalement arrêté en tentant de la récupérer, lundi.

L’Igla SA-18 appartient à cette catégorie de missiles portables qui peuvent être tirés «à l’épaule» et manipulés par un homme seul. Sa portée est de 5 kilomètres et il peut atteindre sa cible jusqu’à 3 500 mètres d’altitude. C’est une arme dont la redoutable efficacité a été révélée lors de la guerre israélo-arabe de 1973, lorsque les troupes égyptiennes armées de SAM-7 (l’équivalent soviétique de l’époque) avaient infligé des pertes sévères à l’aviation de l’État hébreu. Équipés du modèle américain Stinger, lors de l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques, les moudjahidine afghans avaient ainsi réussi à limiter la menace aérienne de l’occupant. Tombés entre les mains des Tchétchènes, ces missiles sont l’une des principales menaces auxquelles l’aviation russe doit faire face dans la guerre en cours dans le Caucase. Enfin de façon beaucoup moins conventionnelle, en novembre dernier, un charter israélien chargé de touristes avait échappé de justesse à un double-tir de SAM-7 au décollage de l’aéroport de Mombasa, au Kenya.

Un missile pour 5 000 $

Selon un rapport parlementaire américain publié en début d’année, entre 500 et 700 000 missiles sol-air de ce type sont actuellement en circulation dans le monde. Et il serait possible de s’en procurer un, au marché noir, pour la somme de 5 000 dollars pièce. C’est donc une menace potentielle très sérieuse pour les États-Unis dont les autorités ont dépêchés des équipes d’experts dans plusieurs capitales d’Europe, d’Asie, ainsi qu’en Irak, afin de déterminer la vulnérabilité des installations aéroportuaires et les mesures prises pour faire face à ce type d’attaques terroristes. Des parlementaires américains ont plaidé pour l’équipement des quelque 6 800 avions de ligne américains en système de défense anti-missiles. Le coût d’une telle opération est estimée à 10 milliards de dollars.

Selon les informations disponibles à ce jour, les services de sécurité américain, russe et britannique ont donc mis la main sur un trafiquant sans scrupule. Mais hormis l’agent infiltré du FBI, on ignore si d’autres destinataires, véritables terroristes prêts à passer à l’acte, sont impliqués dans cette affaire. En effet, sous réserve de nouveaux développements, à ce stade de l’enquête il semble que seul le trafiquant et ses complices ont été appréhendés. Cette affaire devrait en tout cas conforter la thèse de l’administration américaine selon laquelle les États-Unis demeurent une cible de premier plan pour une attaque terroriste. C’est également un succès pour l’administration britannique désormais très contestée pour sa gestion de la crise irakienne et son soutien inconditionnel à Washington.

Mercredi à Moscou, le Service fédéral de sécurité (FSB) russe a exprimé sa satisfaction pour cette coopération triangulaire (Washington-Moscou-Londres). «C’est la première fois que cela arrive depuis la fin de la guerre froide, quand nous étions adversaires (…) Cette opération est un nouveau pas dans le développement de notre coopération», a déclaré le porte-parole du FSB.



par Georges  Abou

Article publié le 13/08/2003