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Suède

Assassinat d’Anna Lindh : le pays en état de choc

Anna Lindh, la ministre des Affaires étrangères suédoise, est morte jeudi matin. Elle avait été poignardée la veille alors qu’elle se trouvait dans un grand magasin du centre de Stockholm et a succombé à une hémorragie massive provoquée par ses blessures. L’annonce du décès de l’une des figures politiques les plus appréciées du pays a provoqué la stupeur et la consternation en Suède, où ce drame rappelle l’assassinat du Premier ministre Olof Palme, en 1986.
«J’ai reçu la triste nouvelle que la ministre des Affaires étrangères de Suède, Anna Lindh, est décédée de ses blessures ce matin à 5h29», a annoncé le Premier ministre suédois Goeran Persson jeudi. Frappée à coups de couteau au bras, à la poitrine et à l’estomac mercredi après-midi, Anna Lindh a été transportée à l’hôpital Karolinska de Stockholm où les chirurgiens ont décidé très rapidement de l’opérer. Malgré leurs efforts pendant près de dix heures, ils n’ont pas réussi à sauver la ministre des Affaires étrangères qui a succombé à une hémorragie interne massive provoquée notamment par plusieurs blessures au foie.

Anna Lindh avait 46 ans. Elle était mariée à un préfet et avait deux enfants. Elle occupait le poste de ministre des Affaires étrangères depuis 1998 mais avait été auparavant ministre de l’Environnement dans le gouvernement d’Ingvar Carlsson. Membre du Parti social-démocrate, Anna Lindh était proche du Premier ministre Goeran Persson. Elle était même souvent citée comme celle qui pouvait lui succéder à la tête de son Parti mais aussi du gouvernement. Elle avait une réputation de compétence et d’énergie appréciée autant en Suède, où un récent sondage la plaçait en quatrième position des femmes les plus admirées, que sur la scène internationale. L’annonce de sa disparition a d’ailleurs provoqué de très nombreuses réactions dans les capitales européennes qui ont fait part de leur émotion et de leur consternation. Jacques Chirac, le président français, a déclaré qu’il éprouvait une «très grande tristesse». Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères a parlé «d’une terrible tragédie», et a rendu hommage à celle qui était «son amie».

Quels sont les mobiles ?

L’agresseur d’Anna Lindh a réussi à prendre la fuite mais a laissé sur place le couteau avec lequel il l’a frappée et une veste militaire de camouflage. Il s’agirait d’un homme d’environ 1,80 m, de «type suédois». Pour le moment les enquêteurs n’ont pas fourni plus de renseignements ni sur son identité ni sur ses mobiles. S’agit-il d’un déséquilibré ? A-t-il agi pour des raisons politiques ? L’examen des vidéos enregistrées dans le magasin Nordiska Kompaniet, où Anna Lindh se trouvait, seule, lorsqu’elle a été poignardée va peut-être permettre de faire avancer l’enquête.

L’assassinat de l’une des représentantes de la classe politique nationale les plus en vue a provoqué un choc terrible en Suède car il intervient moins de vingt ans après celui du Premier ministre Olof Palme abattu un soir d’hiver en 1986 et dont le meurtrier court toujours. Dans un pays où traditionnellement les membres de la classe politique, même de premier plan, se déplacent très librement et ne sont pas toujours entourés de gardes du corps, le décès d’Anna Lindh pose de nouveau la question de la nécessité ou non de changer les mœurs à ce niveau pour assurer la sécurité des personnes concernées. Le chef du parti Vert, Peter Eriksson, a ainsi déclaré que «cela pourrait signifier que les hommes et les femmes politiques suédois doivent désormais avoir des dispositifs de sécurité partout où ils vont». Une perspective désagréable dans un pays attaché au fonctionnement très ouvert de sa société et fier de son taux assez faible de criminalité. Goeran Persson a ainsi déclaré : «C’est une agression contre notre société d’ouverture».

Le décès d’Anna Lindh dans de telles circonstances risque aussi d’avoir des conséquences politiques directes puisqu’il intervient en pleine campagne pour le referendum sur l’adoption de l’euro dans laquelle la ministre des Affaires étrangères avait pris une part très active et s’était prononcée fermement en faveur du «oui». Dès l’annonce de son agression, l’ensemble des partis du pays ont spontanément décidé d’interrompre la campagne. Et le Premier ministre a reçu jeudi matin leurs représentants pour décider du sort du referendum prévu pour dimanche. La décision de le maintenir à la date prévue a été finalement prise. Le Premier ministre a déclaré à la suite de cette réunion : «Il est important que nous ne nous soumettions pas à la violence». Il a aussi invité les Suédois à voter et a rappelé qu’Anna Lindh était favorable au «oui». Les derniers sondages annonçaient que les opposants à l’adoption de l’euro étaient en tête et les créditaient de 47 à 57 % des intentions de vote.

A écouter également :

Franck Belfrage, l'ambassadeur de Suède en France, au micro de Pierre Ganz (12/09/2003, 8')

Thierry Parisot, correspondant de RFI à Stockholm, (11/09/2003, 6'26")

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par Valérie  Gas

Article publié le 11/09/2003