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Malte

La langue: le vrai trésor des Maltais

Ballottée par l’histoire de ses conquérants, la petite île méditerranéenne de Malte a su élaborer et conserver une langue unique, le maltais. Le dialecte arabe originel s’est enrichi d’apports italiens, français et anglais, donnant à la nation maltais une identité très forte en Europe.
De notre envoyé spécial

Lorsque vous demandez où se trouve le petit marché populaire de La Valette, on vous répond indifféremment: dans «Merchants Street», ou bien «Strada Mercanti», à moins que ce ne soit «Triq il-merkanti». Trois noms différents pour un même lieu, dans l’une des petites rues étroites et vivantes de la citadelle. Au milieu de la foule matinale, l’oreille française perçoit avec étonnement des «Bonjou», reconnaît des «Grazzi» très italiens ou des «Tank you» anglais, et se laisse bercer par des «zodj liri», soit deux livres maltaises qui n’ont rien perdu de leur origines arabes.
Ce sont plus de 1200 ans de conquêtes que raconte cette langue. Les Arabes arrivent dans l’archipel en 870, chassés bientôt par le comte Roger le Normand, puis par les troupes du roi d’Espagne et enfin en 1530 ce sont les chevaliers de l’ordre de Malte qui s’installent sur l’île de 340 km2 pour en faire le verrou de l’occident catholique. La proximité de la Sicile, à quelques miles, et la transformation de La Valette en port prospère accentuent alors l’empreinte italienne sur la langue. C’est finalement l’anglais qui à partir du XIXe siècle s’imposera comme seconde langue sur l’île. Près de quarante ans après son accession à l’indépendance, l’Etat maltais compte d’ailleurs deux langues officielles, l’anglais et le maltais, et toutes deux sont obligatoirement enseignées dans les écoles, publiques comme privées.

Une langue originale et complexe

Le touriste anglophone pourra toujours communiquer avec un Maltais. Il aura plus de mal à comprendre l’âme maltaise s’il ne parle pas cette langue étrange. La plupart des 355 000 habitants de l’île parlent maltais entre eux. Rares sont les familles qui communiquent en anglais. C’est surtout le fait de classe sociales plus aisées, ou qui vivent dans les villes plus modernes et touristique. Sur les marché, dans l’autobus, les taxis, c’est en maltais que tout se passe. Quant à l’écrire, c’est une autre histoire. Seule langue arabe écrite en caractère latin, le maltais brille par la complexité de sa grammaire et par la difficulté à inscrire des lettres qui ne se prononcent pas, survivances du dialecte des débuts. Nombreux sont les jeunes qui pour cette raison préfèrent écrire en anglais.
Cette originalité et la complexité du maltais en font un sujet d’étude très prisé des linguistes, comme Martine Vanhove, chargée de recherche au CNRS: «Le maltais est un véritable laboratoire pour comprendre comment des langues peuvent évoluer dans des situations de contact extrême. C’est un enseignement à la fois linguistique et humain extrêmement important». Loin d’être une langue en déclin, le maltais s’enrichit au contraire sans cesse des apports étrangers. Et revendique haut et fort son existence en Europe: le maltais est en passe d’être consacré langue officielle de l’Union. Du pain béni pour la communauté des traducteurs et interprètes qui sont en train d’être recrutés par le gouvernement maltais. «Grazzi Europa!».



par Laurent  Berthault

Article publié le 26/09/2003