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France-Chine

Les cadeaux de l’amitié

En visite d’Etat en France, le président chinois reçoit un accueil officiel particulièrement chaleureux, témoignant de la volonté réciproque d’approfondir les bonnes relations qui unissent les deux pays, en dépit des vives critiques sur la nature du régime et la situation des droits de l’homme en Chine. M. Hu Jintao a abordé sans complexe à plusieurs reprises ce dossier, marquant ce qui apparaît comme une volonté de distinction à l’égard de ses prédécesseurs, ou de séduction vis-à-vis de ses hôtes.
A mi-parcours de sa visite de quatre jours en France, le numéro un chinois peut déjà se prévaloir d’avoir été accueilli en grande pompe par un ami prêt à plaider sa cause sur la scène internationale. En effet, depuis l’arrivée de son homologue, lundi, Jacques Chirac a déjà beaucoup donné à Hu Jintao. D’emblée, ce dernier a reçu le soutien de la France sur le dossier de l’île de Taïwan. Jacques Chirac s’est explicitement prononcé contre le référendum que les autorités de l’Ile rebelle veulent organiser le 20 mars, estimant que «rompre le statu quo par une initiative unilatérale déstabilisatrice, quelle qu’elle soit, y compris un référendum, serait privilégier la division sur l’union». «Ce serait une grave erreur. Ce serait prendre une lourde responsabilité pour la stabilité de la région», a déclaré le président français lundi soir, rappelant également l’attachement de la France «à l’existence d’une seule Chine». «Le gouvernement chinois apprécie hautement (…) la position de principe claire et nette prise par vous-même contre les agissements des autorités taïwanaises tendant à ‘l’indépendance de Taïwan’ sous l’enseigne du ‘référendum'», a répondu Hu Jintao, visiblement satisfait. Taïpei a «exprimé ses profonds regrets» après les déclarations du chef de l’Etat français. «Cela prouve qu’il est urgent d’organiser le référendum», a déclaré un porte-parole du gouvernement taïwanais. La consultation doit notamment porter sur le développement des capacités de défense de l’île et les conditions d’une négociation avec Pékin.

Le second cadeau de bienvenue offert par la France à la Chine est la proposition soumise aux chefs de la diplomatie des membres de l’Union européenne de lever l’embargo communautaire sur les armes à destination de Pékin. La mesure a été décidée voici quinze ans, au lendemain de la tragique répression du printemps de Pékin. Elle «n’a plus de sens aujourd’hui et n’est pas de nature à modifier les rapports stratégiques», a déclaré mardi M. Chirac. Cet embargo, «je l’espère, sera levé dans les mois qui viennent et (…) la France y est très favorable», a ajouté le président français, compte tenu du fait que la proposition soumise à ses homologues la veille par Dominique de Villepin, à Bruxelles, doit à présent être examinée par un groupe d’experts de l’Union. Le ministre français a annoncé une décision pour la fin du mois de mars, date du prochain sommet européen. Le président de la commission européenne ne s’est pas déclaré opposé au projet, à condition toutefois, que «les règles soient respectées», a dit Romano Prodi.

De son côté le président chinois a ménagé son hôte en consentant à évoquer l’épineuse question des droits de l’homme, sans laquelle les concessions françaises et les fastes de la visite auraient provoqué la réprobation massive d’une classe politique divisée et les sarcasmes de l’opinion publique. Dans la «Déclaration conjointe franco-chinoise» signée mardi par les deux chefs d’Etat, «la France et la Chine soulignent la nécessité de promouvoir et de protéger les droits de l’Homme conformément à la charte des Nations unies, en respectant l’universalité de ces droits». Les deux pays, ajoute la déclaration, «estiment que tout en tenant compte des spécificités de chacun, il est du devoir des Etats de promouvoir et de protéger tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales». Venant d’un régime qui compte parmi les plus autoritaires de la planète, et qui n’en éprouve aucun complexe, une telle profession de foi est pour le moins inhabituelle et troublante. Et le cadeau, contre-don de Hu Jintao à Jacques Chirac, est à la mesure de celui du président français à son invité. Il confirme en tout cas la volonté d’ouverture d’un chef d’Etat, sinon d’un régime, soumis à une forte demande internationale de transparence et de démocratie.

Droits de l’Homme et commerce extérieur

Le discours du numéro un chinois mardi après-midi devant les députés français n’aura pas dissipé cette impression. Devant une assemblée que les opposants les plus radicaux à la politique chinoise avaient boycotté, préférant rejoindre les manifestations d’opposants, Hu Jintao a formellement évoqué la réforme des institutions chinoises et celle du système, la révision du pacte national et l’ouverture des droits politiques. «La réforme du système économique s’accompagne de celle du système politique», a notamment déclaré le président chinois dans une intervention qui évoquait une volonté d’affranchissement à l’égard des vieux dirigeants de Pékin et de s’adresser à la fois aux représentants d’une nation alliée tout autant qu’au peuple chinois.

Paris peut également se féliciter des propos prononcés par Hu Jintao sur les défis qui attendent la communauté internationale : condamnation de l’unilatéralisme, promotion du multilatéralisme, partenariat avec la France dans le cadre du Conseil de sécurité de l’Onu, instauration d’un nouvel ordre économique et politique international, lutte contre le terrorisme, préservation de l’environnement et accroissement de la coopération économique et commerciale entre le géant chinois et la France, «avant-garde technique et scientifique». «Deux économies complémentaires, mais dont le potentiel est loin d’être mis en valeur», a déclaré le président chinois devant les députés français.

Car c’est aussi sur ce terrain-là que Paris veut faire la différence, comme en témoigne la qualité des invités au dîner offert lundi soir par le président Chirac. Ce dernier n’a jamais fait mystère de sa détermination à soutenir, de la place qui est la sienne, le commerce extérieur français et il avait convié nombre de grands patrons français au dîner. D’ores et déjà son hôte a annoncé que «tout récemment, China Southern Airlines et le groupe Airbus se sont mis d’accord sur l’acquisition de 21 Airbus et nous sommes très heureux d’avoir reçu la nouvelle», a déclaré mardi matin M. Hu Jintao.

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par Georges  Abou

Article publié le 27/01/2004