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Génocide

Responsabilité internationale pour empêcher les crimes de génocide

A l’initiative de la Suède, un forum international s’est ouvert ce 26 janvier à Stockholm pour réfléchir pendant trois jours à la prévention des crimes de génocides et des épurations ethniques qui ont marqué le XXe siècle.
Une soixantaine de pays et de nombreuses organisations internationales participent au forum consacré à la prévention des génocides qui tient sa quatrième édition à Stockholm du 26 au 28 janvier, période anniversaire de la libération du camp d'extermination nazie d'Auschwitz (le 27 janvier 1945). Ouvert en 2000 par une réflexion sur l’Holocauste des juifs européens, ce forum international consiste en un cycle de quatre conférences. En 2001, il a abordé le thème de «l'intolérance» et, en 2002, les questions de «vérité, justice et réconciliation». La quatrième conférence entend cette fois traiter de la «responsabilité internationale» dans la prévention des crimes de génocides, des épurations ethniques et des tuerie de grande échelle. Sous la double égide du Premier ministre suédois, Goeran Persson, et du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, une dizaine de chefs d'Etat et de gouvernement, mais aussi des juristes et des historiens de haut niveau ont été conviés à Stockholm.

«Après la Deuxième Guerre mondiale tout le monde a dit "plus jamais" et pourtant des génocides ont eu lieu», a rappelé Kofi Annan, en ouverture du forum. Des souvenirs «particulièrement pénibles» pour l'ONU, ajoute-t-il, car «au Rwanda en 1994 et à Srebrenica en 1995, nous avions des troupes de maintien de la paix sur place, à l'endroit même où des actes de génocide étaient commis. Et au lieu de renforcer nos troupes, nous les avons retirées». Pour sa part, Kofi Annan dirigeait à l’époque les opérations de maintien de la paix de l'ONU. Depuis, il est allé faire acte de contrition personnelle au Rwanda. Mais comme le souligne le travail des historiens suédois en filigrane du forum, «écrire sur un génocide ou sur des faits de génocide est inévitablement sujet à controverse». Et cela, d’autant plus qu’au XXe siècle, crimes de génocide et épurations ethniques ont souvent été commis par des représentants de l’Etat contre leurs propres administrés. L’idée d’une solution finale par la liquidation physique et définitive d’un adversaire, fut-il un compatriote, n’a pas disparu des mœurs politiques. Habillages divers et amicale cécité ont même éclaboussé l’honneur international. «Les événements des années 1990, dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda, sont spécialement honteux. La communauté internationale avait clairement les moyens d'empêcher ces événements. Mais elle a manqué de volonté», note le secrétaire général de l’ONU.

Question des moyens et de volonté

Les crimes contre l’humanité perpétrés dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda ont suscité la création de tribunaux ad hoc en 1992 et 1994. Mais une question demeure, selon le porte-parole du forum de Stockholm, Stig Berglind: «Avons-nous besoin de mécanismes supplémentaires pour prévenir les génocides, et que devraient-ils être? Diplomatiques? Politiques? Qu'est-il possible de faire?». Les organisateurs ambitionnent non seulement une résolution finale pour cette quatrième et dernière édition du forum de Stockholm, mais surtout un comité de suivi en vertu de leur hypothèse de départ qui pose «le principe de la responsabilité conjointe de la communauté internationale dans la prévention des génocides». Outre la promotion de l’éducation, de la mémoire et de la recherche, l’une des pistes principales du forum est de maintenir un lieu d’échange entre politiciens, faiseurs d’opinion, autorités morales et chercheurs pour identifier les menaces de passage à l’acte de génocide qui continue de peser sur la planète. Mais une fois la menace identifiée, reste à la neutraliser. Et, en la matière, au plan international, les avis sont susceptibles de diverger à propos des instruments à puiser dans l’arsenal diplomatique, politico-économique voire militaire.

Les organisateurs ont voulu faire de ce forum la première grande réunion sur la question, depuis l'adoption de la convention de l'ONU sur la prévention et la répression du crime de génocide, en 1948. Pourtant, côté occidental, les dignitaires politiques de premier plan ne se pressent pas aux côtés du Premier ministre Suédois. De son côté, le président israélien, Moshe Katzav, a finalement renoncé au déplacement après l’éclatement le 16 janvier dernier d’une crise diplomatique avec la Suède à propos d'une oeuvre d'art présentée dans une exposition en marge de la conférence. Baptisée «Blanche Neige et la folie de la vérité», celle-ci montre, flottant sur une mare d’eau rouge sang, un petit bateau transportant la photo d'une kamikaze palestinienne dont l’attentat-suicide avait fait 21 morts. Démontée par l’ambassadeur israélien en Suède la jugeant antisémite, l’œuvre a depuis été réparée, le chef du gouvernement suédois défendant la liberté d'expression de l'artiste, lui-même israélien. Israël sera quand même représenté au forum de Stockholm, «par des officiels d'un rang mineur», selon son ministère des Affaires étrangères.

Le forum ne manquera pas sans doute de souligner que démocratie, ouverture politique, bonne gouvernance et gestion économique appropriée sont les meilleurs antidotes aux idéologies mortifères fondées sur l’exclusion ethnique, raciale ou religieuse. Il a au moins le mérite de rappeler la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans laquelle les Nations unies proclamaient déjà, le 9 décembre 1948, «que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir».

La Convention de 1948 définit par ailleurs le génocide comme «un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel: meurtre de membres du groupe; Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe». Et outre les commanditaires et les exécutants, elle range aussi parmi les coupables ceux qui seraient convaincus de «complicité dans le génocide». Tous devront être punis, précise l’article, qu’ils «soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers». Dans l’avenir, la Cour pénale internationale pourrait juger de tels actes, toujours d’actualité en ce début de XXIe siècle.

Ecouter également:

Dominique Perben, ministre français de la Justice, répond aux questions de Noëlle Velly (26 janvier 2004, 7’38’’).



par Monique  Mas

Article publié le 26/01/2004