Environnement
La bonne gouvernance sauvera le Niger
Le fleuve Niger traverse la Guinée, le Mali, le Niger, le Bénin et le Nigéria; ses affluents arrosent le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Tchad.
(Carte : Darya Kianpour/RFI)
La «Déclaration de Paris» n’a souffert d’aucune réserve de personne et n’a pas fait non plus l’objet d’un débat soutenu entre les pays membres de l’Autorité du bassin du Niger. Tout le monde était d’accord sur tout. Juste après les discours des uns et des autres, un texte a été présenté aux chefs d’Etat et de gouvernement qui se sont succédé à tour de rôle à la tribune officielle pour parapher le document. «Les principes de gestion et de bonne gouvernance pour un développement durable et partagé du bassin du Niger» ont été admis à l’unanimité. Il est difficile de ne pas adhérer à une telle vertu politique. La Déclaration de Paris n’en a donc pas l’économie et tout au long des neuf alinéas a égrainé les principes de bonnes intentions pour une meilleure exploitation des ressources du fleuve Niger.
Ce chapelet de généralités consensuelles ressemble plus à un code de règlement intérieur devant régir les relations entre membres de l’association qu’à un document de travail. Par exemple, l’alinéa cinq prévoit la soumission au groupe des grands projets «pour consultation préalable», en indiquant aussi la marche à suivre pour y parvenir, sans oublier, deux alinéas plus loin, qu’il faudrait privilégier en cas de différend «la conciliation et la médiation». Enfin, l’ABN s’impose de se renseigner auprès des autres institutions régionales «pour s’assurer de la cohérence d’ensemble des stratégies d’intégration économique». Il fallait y penser.
Mais l’intérêt de ce sommet de Paris réside plutôt dans les discours prononcés et les appels au secours lancés devant un parterre d’institutions sensibles aux questions de pauvreté et de développement. Romano Prodi, président de la Commission européenne a promis d’appuyer comme la France, les initiatives à venir. Les représentants de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement, du PNUD, du PNUE et d’autres internationales financières étaient à Paris et ne doutent pas qu’ils seront bientôt sollicités pour le financement de nouveaux projets. En effet, pour assurer un développement viable et durable des ressources du fleuve et travailler à sa survie, il apparaît aujourd’hui indispensable d’investir dans les équipements hydrauliques de bonne technologie et dans la maîtrise des techniques agricoles.
L’allègement des pressions exercées sur le fleuve impliquent également des programmes sociaux et de développement rural, que les dirigeants évitent d’aborder clairement lors des grandes conférences, préférant traiter l’urgence. Mettre la communauté internationale devant le fait accompli, c’est-à-dire l’extrême pauvreté et le manque total de moyens sont l’arme utilisée par les demandeurs qui ont épuisé le capital confiance que le secteur privé avait placé en eux. Or, le bassin du fleuve Niger, 1 500 000 km², a besoin d’équipements et d’investissements qui ne seront amortis qu’entre 30 et 50 ans et qui ne dégageront que de faibles marges. C’est pourquoi le secteur, privé plus prompt à débloquer des fonds, se retient. Mais face à l’urgence, c’est l’aide publique internationale qui jouera le premier rôle. Les risques ainsi couverts permettront au secteur privé de s’impliquer dans certains financements. L’ABN espère de la Banque mondiale, de la BAD, du PNUD ou du PNUE que la caution de la France les incitera à soutenir encore une fois de nouveaux projets.
Gérer l’urgencePromouvoir une meilleure gestion des ressources du fleuve Niger et travailler aux équilibres nécessaires ont depuis très longtemps suscité une certaine préoccupation. A l’époque coloniale, en 1950 avait été créée à Bamako, au Mali, la Mission d’étude et d’aménagement du Niger (MEAN). Cet organisme avait pour mission l’élaboration d’un plan directeur d’aménagement du Niger de sa source en Guinée à la frontière entre le Niger (futur Etat) et le Nigeria. Mais le MEAN disparaît avec les indépendances en 1960, pour laisser la place en octobre 1963 à «l’Acte de Niamey». On y parlait déjà de l’utilisation des ressources du fleuve. En novembre 1964, les Etats riverains du fleuve ont créé la «Commission du fleuve Niger» (CFN), dont le but était «d’encourager, de promouvoir et de coordonner les études et les programmes relatifs aux travaux de mise en valeur des ressources du bassin».
Mais les résultats assez décevant de cette CFN ont conduit les chefs d’Etat à créer une nouvelle structure en 1980, à Faranah en Guinée, l’Autorité de bassin du Niger, dont le siège est établi à Niamey, la capitale du Niger. Les mêmes objectifs que les anciennes structures sont repris en des termes différents, avec une nouvelle dimension, l’écologie et le développement durable. Les années de sécheresse dans les pays du Sahel et la conjoncture économique difficile des années 80 et 90, ont conduit les chefs d’Etat réunis à Abuja (Nigeria) en février 2002, à recommander à l’ABN une «vision partagée» pour renforcer la coopération entre les Etats et tirer le meilleur parti des ressources du bassin.
Autour du fleuve Niger, les mêmes intentions ont toujours préoccupé les esprits, mais sans résultats probants. Ensablement, baisse de pluviométrie, sécheresse ont été pressentis mais la mise en valeur des ressources de ce fleuve n’ont jamais été une grande priorité pour les Etats qui aujourd’hui doivent gérer «l’urgence». Les pressions exercées par les populations qui fuient ailleurs la précarité entament, malgré eux, la vie du fleuve, préjudiciable pour tout le monde. A Paris, les dirigeants africains semblent en avoir pris conscience et attendent au moins 32 millions de dollars pour recréer autour du Niger un cadre de vie décent.
par Didier Samson
Article publié le 27/04/2004 Dernière mise à jour le 28/04/2004 à 15:07 TU