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Cuba

Quasi-rupture entre Mexico et La Havane

Le président mexicain Vincent Fox (G) et son homologue cubain Fidel Castro 

		(Photo : AFP)
Le président mexicain Vincent Fox (G) et son homologue cubain Fidel Castro
(Photo : AFP)
La crise diplomatique qu’affrontent Cuba et le Mexique n’avait jamais atteint un tel paroxysme. Dimanche soir, le gouvernement mexicain décidait de retirer son ambassadeur, donnait 48 heures à celui de Cuba pour abandonner le pays et déclarait persona non grata le conseiller politique de l’île.

De notre correspondant à Mexico

La décision du Mexique de retirer son ambassadeur et de ne laisser qu’un chargé d’affaires à Cuba a été accueilli avec enthousiasme par Washington. Le secrétaire d’État Colin Powell a immédiatement félicité le gouvernement de Vicente Fox. Mais cet alignement sur les États-Unis est loin de faire l’unanimité au Mexique. Cette rupture diplomatique met fin à une longue tradition de coopération et de relations fraternelles entre les deux pays.

Cette relation a commencé à se détériorer dès l'arrivée au pouvoir du président Vicente Fox en décembre 2000. Comme il n’a pas de majorité au Congrès, le ton s’est peu à peu durci. Ainsi le gouvernement mexicain a changé l’accord tacite de respect mutuel qui existait de longue date entre les deux pays en votant, à Genève, une résolution critique contre Cuba. Lors du sommet sur le développement à Monterrey, Vicente Fox a censuré Fidel Castro, lui demandant de manger et de s’en aller avant l’arrivée de George W. Bush. Lors de la célébration à Cuba des 100 ans de la relation bilatérale entre les deux pays, Vicente Fox a envoyé son salut à un groupe de dissidents, puis il y a eu les déclarations du chancelier Jorge Castañeda qui, inaugurant un centre culturel à Miami, a fait croire que l’ambassade mexicaine à Cuba était ouverte à tous ceux qui voulaient émigrer au Mexique ou aux États-Unis.

C’est donc dans ce climat hostile que la rupture est intervenue. Le ministre des Affaires étrangères a justifié la position mexicaine par trois raisons: Ingérences dans les affaires internes du Mexique: le gouvernement n’a pas apprécié les déclarations faites par la chancellerie cubaine sur la déportation de Carlos Ahumada, un entrepreneur argentino-mexicain mêlé à un scandale politique qui pourrait éclabousser le gouvernement. La deuxième raison tient au discours prononcé par Fidel Castro sur la politique extérieure de Vicente Fox lors du 1er mai à Cuba. Le lider maximo a déclaré que «Fox [avait] réduit en cendres la relation entre les deux pays et s’était complètement aligné sur les positions de Washington. Enfin, la troisième raison tient à ce que deux membres du parti communiste, sous couvert diplomatique, auraient rencontré des dirigeants politiques de l’opposition, sans doute pour leur donner des informations sur l’affaire Ahumada.

Le clash est donc total

Le ministère cubain des Affaires étrangères a souligné que Fidel Castro répondrait par des mesures appropriées aux décisions mexicaines «inspirées par l'arrogance, la suffisance, la stupidité et les mensonges». On comprend difficilement pourquoi le Mexique qui entretient depuis 103 ans une relation fraternelle avec Cuba a pris une telle mesure. Dans son histoire, il n’a rompu ses relations diplomatiques qu’avec les dictatures de Franco et de Pinochet. En réagissant de manière viscérale à un discours au vitriol de Fidel Castro, Vicente Fox donne l’image d’un président qui ne sait pas dialoguer. Ou bien alors, c’est la goutte qui fait déborder le vase et Fox profite de l’occasion pour marquer sa volonté de changer radicalement la politique extérieure mexicain en rayant d’un trait 40 ans de résistance aux pressions de la Maison Blanche. Colin Powell a qualifié la décision mexicaine de «complètement appropriée». Susan Kaufman, vice présidente du Conseil des Amériques, considère que «l’affrontement avec Fidel Castro est cohérent avec la décision mexicaine de changer de politique extérieure soulignant que cette position aura un effet positif aux États-Unis car Washington apprécie que la diplomatie mexicaine poursuivent les mêmes intérêts démocratiques que la Maison Blanche». Il est intéressant de noter que cette rupture intervient précisément au moment où Colin Powell présente à George Bush un plan pour mettre fin à la dictature de Fidel Castro.

Cette position anti-castriste irrite profondément les partis d’opposition, majoritaires au Congrès. Enrique Jackson, le président du Sénat, estime que le gouvernement n’a pas utilisé tous les canaux de la diplomatie pour résoudre les différents bilatéraux et qu’une décision d’une telle importance aurait du faire l’objet d’un débat à la chambre. Le président du PRI exige du gouvernement foxiste qu’il révèle les raisons profondes qui ont provoqué cette situation. Le PRD, le PT demandent à Fox de revenir sur leur décision.

Souveraineté en baisse

Si le gouvernement de Vicente Fox a considérablement amélioré sa relation avec les Etats-Unis, il risque d’en payer le prix fort. La perte de son indépendance ne va pas améliorer l’image du Mexique en Amérique latine. En détériorant la relation avec Cuba, Vicente Fox perd un facteur d’équilibre dans le contexte latino-américain et cède peu à peu son leadership au Brésil qui est le pays qui monte. Le Mexique qui aspire à une place de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, aura, avec cet alignement du mal à montrer son indépendance en matière de politique extérieure.



par Patrice  Gouy

Article publié le 05/05/2004 Dernière mise à jour le 05/05/2004 à 08:37 TU

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