Côte d'Ivoire
Gbagbo met la pression
(Photo: AFP)
Le président Laurent Gbagbo a beaucoup voyagé ces dernières semaines et rencontré beaucoup de gens. Les visites aux chefs d’Etat de la région en passant par les rencontres au sommet d’organisations régionales avaient pris l’allure d’une offensive du président qui cherche en dehors de son pays une légitimité et reconnaissance internationales. Les dernières rencontres avec le président libyen, le colonel Kadhafi, ont certainement pesé dans les choix du chef de l’Etat ivoirien.
La dernière sortie du président est son allocution à la nation dans laquelle il réaffirme son autorité. En adoptant volontiers la position de la victime, il amplifie une idée largement répandue dans une certaine presse, celle du complot international contre la Côte d’Ivoire. En resituant ses prérogatives de président de la République Laurent Gbagbo déclare que «la Côte d’Ivoire a un régime présidentiel. Elle n’a pas un régime de partis», rappelle-t-il pour relativiser la force des accords de Marcoussis. Par ailleurs, alors que la polémique sur les événements qui ont marqué la marche du 25 mars dernier est encore vivace, le président reproche lui aussi à la commission d’enquête de l’ONU une certaine partialité dans ses conclusions. «Un rapport publié à l’issue de cette mission a suscité des questions et des doutes sur l’objectivité de l’enquête et l’impartialité de la commission. On se demande s’il s’agit d’un réquisitoire ou d’un rapport d’enquête», lâche le président Gbagbo lors de son allocution diffusée à la radio et à la télévision.
Gbagbo renvoie des ministresLe président fait volontiers fi des accords de gouvernement issus de Marcoussis pour annoncer une cascade de sanctions qu’il prend à l’encontre de certains ministres. «J’ai décidé les mesures suivantes: pour le mois de mai 2004, aucun salaire ni accessoire de salaire ne sera payé aux membres du gouvernement ayant délibérément boycotté les réunions du conseil des ministres. Il s’agit des ministres issus du PDCI, du RDR, de l’UDPCI, du MFA, du MPCI et du MJP. Le montant de ces émoluments sera versé intégralement aux victimes de la guerre», déclare le président qui dit avoir donné des instructions au Premier ministre Seydou Diarra pour qu’il retire à tous ces ministres leurs véhicules de fonction, et pour qu’ils soient délogés de l’hôtel du Golf qu’ils occupent. Laurent Gbagbo a également remis au Premier ministre une liste de personnalités «que je ne voudrais plus voir figurer dans le gouvernement de la République», précise-t-il.
Pendant l’intervention du président de la République, plusieurs dizaines de jeunes, farouches partisans du président, ont tenté de pénétrer dans l’enceinte du lycée français d’Abidjan. Certains ont réussi à escalader le mur et auraient molesté quelques élèves et enseignants. Les autorités de l’ambassade de France ont alors décidé la fermeture des établissements scolaires français le mercredi 19 mai. Dans la même soirée, au moins un millier de «jeunes patriotes» ont convergé du campus universitaire vers l’hôtel du Golf avec la ferme intention de faire partir les ministres des Forces nouvelles qui y sont logés. Ils ont été repoussés par les forces de l’ordre ivoiriennes.
Sans plus attendre, le secrétaire général des Forces nouvelles et ministre d’Etat chargé de la Communication, a demandé aux membres de son mouvement de regagner Bouaké, le fief de la rébellion. Il a aussi demandé aux soldats français de l’opération Licorne et aux Casques-bleus de l’ONU d’assurer leur sécurité jusqu’à destination. Dans la foulée les Forces nouvelles convoquaient une réunion de crise à Bouaké ce 19 mai.
Cette nouvelle évolution met en péril l’application des accords de Marcoussis, malgré l’attachement renouvelé des uns et des autres. Le comité de suivi desdits accords a aussi prévu une réunion d’urgence pendant que des rumeurs de démission du Premier ministre circulent à Abidjan.
par Didier Samson
Article publié le 19/05/2004 Dernière mise à jour le 19/05/2004 à 15:46 TU