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Côte d'Ivoire

Kadhafi soutient Gbagbo

Le colonel Kadhafi, chef de l'Etat libyen et son homologue ivoirien, Laurent Gbagbo. 

		(Photos: AFP, montage RFI)
Le colonel Kadhafi, chef de l'Etat libyen et son homologue ivoirien, Laurent Gbagbo.
(Photos: AFP, montage RFI)
Le sixième sommet de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (Cen-Sad ou Comessa), s’est tenu à Bamako du 15 au 16 mai. La coopération entre les pays de la région y a largement cédé le pas au problème ivoirien. Par le biais de cette institution Kadhafi s’invite dans le conflit ivoirien.

Le prétexte était idéal pour le colonel Kadhafi qui n’arrête pas de faire son retour sur la scène politique internationale. Après avoir accepté de dédommager les familles de victimes des attentats de Lockerbie (1988) à hauteur de 2,7 milliards de dollars, et celles du DC 10 d’UTA (1989) de 35 millions de dollars, la Libye du colonel Kadhafi a aussi ouvert ses portes aux experts britanniques et américains pour une vérification du démantèlement de son arsenal d’armes de destruction massive. Ce rachat vis-à-vis de la communauté internationale permet au guide libyen de se rendre à Bruxelles pour peaufiner une image de dirigeant fréquentable. En regagnant une certaine crédibilité auprès des pays occidentaux, c’est en fait son espace «naturel» d’influence qu’il vise, l’Afrique sub-saharienne, politiquement et économiquement très liée à l’Europe.

A Bamako, lors du sommet de la Communauté des Etats sahélo-sahariens, il a retrouvé un discours offensif d’affirmation d’une identité forte qu’il appelle de ses vœux. Il dénonce le rôle des «puissances étrangères» dans les conflits qui secouent le continent en invitant les Africains à trouver chez eux les solutions de règlement des conflits. Initiateur de cette communauté en 1998, le colonel Kadhafi recherche des portes d’entrée dans la zone sub-saharienne du continent. La méfiance des dirigeants politiques d’Afrique noire à son égard, lui avait fait perdre le contrôle de l’Union africaine qui a pris une voie qui n’était pas forcément celle voulue par lui. Géographiquement et socialement plus tournée vers la Méditerranée, le Proche et le Moyen-Orient, la Libye du colonel Kadhafi n’y est pas plus en odeur de sainteté, alors pour exister politiquement elle a choisi de se tourner vers l’Afrique.

«Les fauteurs de troubles sont des aventuriers»

Dans un espace Cen-Sad, la présence de la Libye devient incontournable. Le dossier soudanais et tchadiens, conflit du Darfour, lui est soumis au nom de la paix dans la région. Certains mécanismes de l’organisation comportent des volets de prévention et de résolution des conflits. Par ce même truchement Kadhafi s’ouvre les portes de l’Afrique sub-sahélienne. Il avait déjà reçu le président ivoirien Laurent Gbagbo à Tripoli et les deux hommes étaient convenus de se revoir à Bamako. Mouammar Kadhafi n’a pas raté l’occasion d’inviter ses pairs à trouver en leur sein une solution à la question ivoirienne. Ce sommet a d’ailleurs été en grande partie consacrée au conflit en Côte d’Ivoire. Le leader libyen a apporté son soutien à Laurent Gbagbo en insistant sur la légitimité de son pouvoir. «C’est le peuple ivoirien qui a élu Gbagbo (…) Là-bas (Côte d’Ivoire) les fauteurs de troubles sont des aventuriers», a déclaré le président libyen faisant plus référence aux puissances étrangères qu’aux mouvements rebelles. «Je dis aux Ivoiriens: vous avez élu Gbagbo, laissez-le sans intervention étrangère ramener la paix», a-t-il renchérit.

Cette alliance surprenante, Gbagbo-Kadhafi, est plus un mariage d’intérêt qu’un élan naturel du cœur. Le pouvoir d’Abidjan en quête d’appui de toutes sortes vient de trouver en la Libye de Kadhafi un allié rompu aux techniques de survie, quand on a contre soi le monde entier. La diplomatie ivoirienne prend un nouveau virage et parie sur la réussite que va lui apporter le «guide». Le bénéfice de ce nouvel axe n’est pas à sens unique. L’intérêt de la Libye de Kadhafi est de tisser par ce biais des relations étroites entre des pays couvrant un espace de 12,5 millions de km² et de 350 millions d’habitants, soit environ 43% de la population globale du continent. Chef de file de cette institution, le colonel Kadhafi se réjouit de la distinction de «grand-frère». Au total 15 pays font désormais partie de cet espace dans lequel la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire, la maîtrise de l’eau et les questions sont une priorité. Le Liberia, le Ghana, la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire sont les derniers élus.



par Didier  Samson

Article publié le 17/05/2004 Dernière mise à jour le 17/05/2004 à 16:02 TU