Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Nucléaire

L' Iran, mauvais élève de l’AIEA

Hassan Rohani, le responsable du nucléaire iranien 

		(Photo: AFP)
Hassan Rohani, le responsable du nucléaire iranien
(Photo: AFP)
Dans la perspective de la réunion du conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le 14 juin, la communauté atomique internationale va examiner la question toujours pendante du programme iranien. Face au manque de transparence de Téhéran, les gouverneurs de l’Agence s’apprêtent à adopter une résolution visant à rappeler sévèrement les Iraniens à leurs obligations. La saisine du Conseil de sécurité, souhaitée par Washington, ne figure pas, à ce stade, dans le texte.

Malgré les assurances obtenues lors des derniers rounds de négociations, la communauté internationale demeure aujourd’hui inquiète et, pour une part d’entre elle, convaincue que Téhéran n’a pas renoncé à ses ambitions de se doter de l’arme nucléaire. Le sujet s’est même invité à la table des présidents français et américain, en marge des cérémonies du débarquement de Normandie et les deux chefs d’État ont demandé à l’Iran de « respecter pleinement » ses engagements. Le fait nouveau est que, cette fois, l’impatience a gagné l’ensemble des États-membres de l’organisation qui, contrairement aux précédents épisodes, manifestent aujourd’hui un front commun pour dénoncer les zones d’ombre de la coopération iranienne.

En conséquence, l’AIEA s’apprête à adopter une nouvelle résolution, beaucoup plus sévère. Selon les premières moutures du texte en circulation, celle-ci prend acte de la coopération de Téhéran pour permettre l’accès aux sites nucléaires sur son territoire, mais « déplore le fait que cette coopération n’ait été ni complète, ni en temps voulu, ni volontaire ». Selon un diplomate occidental cité par l’AFP, « les Iraniens doivent répondre aux deux questions soulevées par le rapport, l’une sur la recherche dans les centrifugeuses capables de produire de l’uranium militaire, l’autre sur la source des contaminations en uranium hautement enrichi qu’ont trouvées les inspecteurs » au cours de leur dernière mission.

Offensive américaine attendue

La nouvelle résolution, rédigée par l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, se rapproche de la ligne dure défendue par les États-Unis depuis le début de cette crise. Washington veut en effet porter l’affaire devant le Conseil de sécurité de l’ONU, seule instance en mesure d’adopter une résolution contraignante, ouvrant la voie à des sanctions. Jusqu’à présent les Européens, qui s’étaient rendus à Téhéran en octobre dernier, avaient joué le registre de la modération. Aujourd’hui leur patience semble avoir atteint ses limites et cette étape semble dépassée.

Toutefois, en l’état du dossier, les Européens ne recommandent pas encore de porter l’affaire devant le Conseil de sécurité. Lundi à Vienne, les discussions promettent d’être à nouveau animées car on s’attend à une offensive en règle des Etats-Unis pour durcir un projet qui, dans sa rédaction initiale, s’en tient à exhorter les autorités iraniennes « à prendre sur une base urgente toutes les mesures nécessaires pour régler les questions encore en suspens ».

Accablé par les soupçons, Téhéran proteste de sa bonne foi et maintient sa ligne de défense fondée sur une volonté maintenir des programmes visant à produire du nucléaire civile. Dans un entretien publié mercredi par le quotidien de langue anglaise Iran Daily, l’ancien représentant iranien auprès de l’AIEA affirme qu’«un pays comme l’Iran ne tirerait aucun prestige de l’acquisition d’armes nucléaires. Il s’attirerait davantage de menaces sans avoir la sécurité». Ali Akbar Salehi réaffirme néanmoins que la maîtrise de la technologie nucléaire constituait pour son pays une question de fierté nationale.

Quant à la découverte de traces d’uranium hautement enrichi dans les fameuses centrifugeuses, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères brouille les pistes et invite l’Agence à chercher dans un « pays tiers » en raison du fait qu’il s’agit de matériel importé de l’étranger. Le Pakistan voisin, et allié stratégique de Washington, n’est pas cité mais sous-entendu comme disséminateur de technologie nucléaire.

Des fusées transformées en missiles balistiques

L’affaire enfin se complique d’un nouvel élément avec l’annonce par le ministre iranien de la Défense, au début de l’année, de la volonté de la République islamique de s’engager dans un programme de construction de satellites civils et de lancer son premier exemplaire sous dix-huit mois. Ali Chamkhani déclarait alors que l’Iran deviendrait « le premier pays musulman à entrer dans la stratosphère avec son propre satellite et son propre système de lancement indigène ». Or, il en va dans ce domaine comme dans celui des affaires nucléaires : quoi qu’on en dise, les transferts de technologie s’opèrent dans les deux sens. Et, selon des diplomates cités par le quotidien Libération du 9 juin, ce système ne serait en fait qu’«un camouflage permettant la construction de missiles de longue portée à des fins militaires».

A l’appui de sa démonstration, le quotidien rappelle l’origine nord-coréenne du missile à moyenne portée Shahab-3 (« Etoile filante », version iranienne du Nodong dont le rayon d’action est de 1 300 km avec une charge d’une tonne) dont est dotée l’armée iranienne. Selon les experts, le lanceur de satellites dont s’équipera Téhéran est développé par la firme coréenne Chang Gwang Corporation qui réalise le Shahab-3, et dont les ingénieurs se chargent d’initier leurs collègues iraniens à la transformation des fusées en missiles balistiques de 3 000 km de portée.



par Georges  Abou

Article publié le 10/06/2004 Dernière mise à jour le 10/06/2004 à 09:43 TU