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Église catholique

L'interventionnisme du Vatican

Jean-Paul II s'est profondément impliqué pour faire figurer les racines chrétiennes de l'UE dans sa constitution. En vain.  

		(Photo : AFP)
Jean-Paul II s'est profondément impliqué pour faire figurer les racines chrétiennes de l'UE dans sa constitution. En vain.
(Photo : AFP)
Faire insérer dans le préambule de la nouvelle constitution européenne l’héritage chrétien du vieux continent, c’était depuis plus de deux ans l’un des objectifs déclarés de l’Eglise catholique. A de nombreuses reprises, le Pape en personne est intervenu sur le sujet lors de ses entretiens avec les responsables politiques et à travers de multiples déclarations. Les nonces apostoliques (ses Ambassadeurs) et les conférences épiscopales ont fait de même. En vain. Le texte approuvé lors du sommet de Bruxelles n’en fait pas mention. « Il s’agit d’un rejet de l‘évidence historique et de l’identité chrétienne des populations européennes », a aussitôt réagi le porte-parole du Saint-Siège. L’Osservatore Romano de titrer le lendemain à sa Une : « Une Europe à la mémoire oubliée ».

De notre correspondant au Vatican.

Le symbole, il est vrai, était important du point de vue du Saint-Siège, car si Jean-Paul II n’a cessé de rêver, depuis son élection en 1978, à une réunification de l’Europe, alors divisée par le Rideau de fer, sous le sceau de son identité chrétienne, la nouvelle constitution ne consacre ce rêve qu’à moitié. La débauche d’initiatives diplomatiques déployées pour faire pression sur les différents gouvernements de l’Union n’en a pas moins dénoté une volonté réaffirmée de la part du Saint-Siège de peser politiquement sur la scène internationale. On l’avait constaté peu avant le déclenchement de la guerre en Irak, on le constate de nouveau aujourd’hui. Le Vatican craint une marginalisation, voire une privatisation du fait religieux contre laquelle il s’est toujours battu. Certes, le texte de la nouvelle constitution, à travers son article 51, stipule que « l’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Eglises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres ». Pour l’Église, l’essentiel est préservé du point de vue du droit mais la tendance jugée de Rome « laïciste » semble gagner du terrain.

On l’a constaté, lundi, lors de l’audience accordée par Jean-Paul II à José Luis Zapatero, le nouveau chef du gouvernement espagnol. Le Pape a vivement critiqué certains projets du gouvernement de Madrid, en matière d’avortement, de mariage voire d’adoption pour les couples homosexuels. « J’espère que vous tiendrez compte des valeurs éthiques enracinées dans la tradition religieuse et culturelle de la population », a déclaré Jean Paul II. M. Zapatero, résolu à suivre son programme, s’est bien gardé d’alimenter la polémique.

Le Vatican hostile à John Kerry

Mais l’échiquier politique le plus intéressant des prochains mois est outre-Atlantique. Pour la première fois depuis l’élection de John F. Kennedy, un catholique, John F. Kerry est bien placé pour remporter les élections présidentielles de l’automne. Une situation qui, à première vue, ne devrait que satisfaire les prélats de la Curie romaine, ne fussent en jeu, là encore, certaines questions sensibles de morale. L’engagement du candidat démocrate en faveur de l’avortement et des unions homosexuelles lui vaut l’ostracisme de la hiérarchie catholique. Au point que les évêques américains débattent sur le fait de donner ou non la communion aux personnes dont les positions sont contraires à celles de l’Église. Selon le quotidien italien La Repubblica, le cardinal Ratzinger, Préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, aurait même écrit récemment une lettre confidentielle à l’épiscopat d’outreAtlantique suggérant aux fidèles « vivant gravement dans le péché » de s’abstenir de communier.

Samedi 19 juin, les évêques des États-Unis  ont, à une très large majorité, adopté une déclaration dans laquelle ils n’imposent pas le refus de la communion aux politiciens pro-avortement (type Kerry), mais laissent carte blanche aux pasteurs. De facto, l’épiscopat américain semble plus hostile au candidat démocrate (catholique) qu’au président sortant, méthodiste. Un paradoxe, en apparence, à en juger par le déploiement d’initiatives du Saint-Siège contre le concept de guerre préventive soutenu par le président Bush début 2003. Mais les grands dossiers internationaux et les questions de morale et de société ne font pas toujours bon ménage dans les relations bilatérales que la Papauté entretient avec les États. Et dans les préoccupations du Saint-Siège, la tendance actuelle semble, manifestement, pencher du côté de ces dernières.



par Laurent  Morino

Article publié le 22/06/2004 Dernière mise à jour le 22/06/2004 à 13:24 TU