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Santé

Le gouvernement ouvre la chasse aux pots d’échappement

Les véhicules tout terrain, ou les 4x4, très à la mode, arrivent en tête de liste des voitures polluantes en ville. 

		(Photo : AFP)
Les véhicules tout terrain, ou les 4x4, très à la mode, arrivent en tête de liste des voitures polluantes en ville.
(Photo : AFP)
Jean-Pierre Raffarin a présenté, le 21 juin, le plan santé-environnement préparé par son gouvernement. Il vise à lutter contre trois sources de pollution (atmosphérique, aquatique et chimique) dont les effets sont particulièrement nocifs pour la santé. Parmi les douze actions prioritaires prévues, on note la présence d’une mesure visant à instaurer un malus pour l’achat de véhicules de grosse cylindrée jugés particulièrement polluants et un bonus pour ceux qui polluent peu.

Les Français qui envisageaient l’achat d’un 4x4 neuf dans les prochains mois vont peut-être y regarder à deux fois ou alors se décider tout de suite. Car le gouvernement vient d’annoncer son intention de mettre en place d’ici 2005 un système de bonus/malus destiné à taxer l’acquisition d’une automobile lorsqu’elle est particulièrement polluante. Les 4x4 sont, de ce point de vue, les véhicules qui arrivent en tête de liste. Mais ils ne sont pas les seuls pour autant. Des critères vont être définis en fonction des émissions de particules fines et de gaz carbonique pour sélectionner les voitures neuves dont l’achat occasionnera le paiement d’un malus qui pourra atteindre plus de 3 000 euros. A l’opposé, l’acquisition de véhicules «propres» sera encouragée par un bonus (500 à 800 euros). Les conditions de mise en œuvre de cette mesure, qui toucherait dans un sens ou dans l’autre environ la moitié des véhicules neufs vendus chaque année en France (1 million), ne sont pas encore connues. Mais il semble que le gouvernement envisage de faire payer le malus ou créditer le bonus soit directement auprès du concessionnaire, soit lors du retrait de la carte grise à la préfecture. Les modalités d’application définitives doivent être annoncées lors de la présentation du «plan-climat» le 15 juillet prochain.

Cette initiative du gouvernement qui vise à faire la chasse aux véhicules pollueurs va dans le même sens que celles qui ont été prises ces dernières années dans d’autres pays industrialisés. En Italie, par exemple, les véhicules qui désirent pénétrer dans le centre de Rome doivent payer chaque année, depuis 1997, une taxe de quelques centaines d’euros. En Grande-Bretagne, Londres a décidé la mise en place d’un péage à l’entrée de la ville pour essayer de diminuer le trafic. En Allemagne, l’émission de gaz polluants est un des critères de calcul du montant de la vignette automobile. 

Améliorer la qualité de l’air et de l’eau

Le plan santé-environnement s’inscrit dans la logique de la charte de l’environnement, adoptée le 1er juin par les députés et actuellement en cours d’examen au Sénat. Il a pour objectif «d’améliorer la qualité de l’air et de l’eau», de prévenir les pathologies environnementales et donc de préserver la santé des Français. Des études ont, en effet, mis en valeur les dangers de la pollution atmosphérique et aquatique. Le Premier ministre a ainsi rappelé que chaque année «30 000 décès étaient imputables à la pollution atmosphérique» et que «7 à 20 % des cancers seraient d’origine environnementale». C’est pour cette raison que le gouvernement propose 12 actions prioritaires destinées à appliquer le principe de précaution en matière de santé publique. Ce programme bénéficiera au départ d’un budget annuel de 30 millions d’euros. Mais l’objectif est d’atteindre «le plus rapidement possible» 100 millions d’euros.

Au-delà de la taxe sur les véhicules les plus polluants, le plan prévoit donc aussi d’inciter les poids-lourds à adopter des dispositifs anti-pollution (filtres à particules), de réduire les émissions de polluants industriels (dioxines, plomb, benzène…), de dresser un bilan de la pollution dans le parc de bâtiments français, de réduire l’exposition des travailleurs aux substances cancérigènes (un plan spécifique doit être proposé) et d’engager un programme de protection des capteurs d’eau potable pour que d’ici 2010 la totalité d’entre eux soit préservée de la pollution. Sur ce dernier point, il s’agit de donner accès à l’ensemble des Français à une eau saine alors que l’on estime, à l’heure actuelle, qu’environ 6 % des habitants consomment une eau du robinet qui contient des bactéries à cause des pollutions agricoles.

Le gouvernement a d’autre part décidé de lutter contre le saturnisme, une intoxication par le plomb qui provoque des dommages psychomoteurs irréversibles et frappe souvent les enfants dans les milieux défavorisés. Le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, a donc annoncé que désormais le dépistage de cette maladie serait systématique et gratuit. Un objectif a même été fixé dans ce domaine : diminuer de 50 % le saturnisme infantile d’ici 2008.

Au-delà de ces mesures pratiques, la France entend se donner les moyens de rattraper son retard en matière d’expertise médicale et scientifique. La création de 70 postes de chercheurs et d’enseignants est donc prévue. D’autre part, une grande enquête doit être lancée auprès 10 à 20 000 enfants qui seront suivis de la conception à l’âge adulte, pour évaluer l’impact des pollutions sur la santé. Elle sera menée en liaison avec une étude américaine du même type (National children study).

La présentation du plan santé-environnement qui représente selon le président de la République, Jacques Chirac, la première initiative pour agir dans ce domaine «de manière globale et systématique», a été accueillie avec une certaine satisfaction mais un brin de scepticisme dans les milieux écologiste et scientifique. Le professeur Dominique Belpomme, initiateur de «l’Appel de Paris», lancé au mois de mai par 76 personnalités, pour lutter contre les effets des produits chimiques sur la santé, a ainsi estimé que le plan était un «travail sérieux… mais très insuffisant et incomplet». Selon lui, «on ne réduit pas la source de pollution, on essaie de diminuer l’émission de produits toxiques par des mesures indirectes. De ce fait, on ne prend pas les mesures radicales qui permettraient d’être efficaces».

Du côté des écologistes, l’adjoint au maire de Paris chargé des Transports, Denis Baupin, a estimé que l’idée d’un bonus/malus sur les véhicules les plus polluants était «originale». Il est vrai qu’elle va dans le même sens que la proposition faite par le Conseil de Paris, il y a quelques semaines, de limiter la circulation des 4x4 dans la capitale. Mais il a néanmoins déclaré que les mesures envisagées dans le plan du gouvernement étaient «très en-deçà des enjeux de santé publique».



par Valérie  Gas

Article publié le 22/06/2004 Dernière mise à jour le 22/06/2004 à 15:36 TU

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Journaliste à RFI

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30 000 décès anticipés seraient liés à la pollution de l'air chaque année.

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[22/06/2004]

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