Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Santé

Quand respirer suffit à tuer

La circulation automobile, les activités industrielles et le chauffage sont les principaux responsables des émissions de particules fines. 

		(Photo : AFP)
La circulation automobile, les activités industrielles et le chauffage sont les principaux responsables des émissions de particules fines.
(Photo : AFP)
Un rapport publié par l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale pointe les dangers de la pollution atmosphérique pour la santé humaine en établissant que, chaque année, plusieurs milliers de personnes meurent d’avoir respiré un air malsain. La circulation automobile, les activités industrielles et le chauffage sont les principaux responsables des émissions de particules fines dont l’inhalation quotidienne peut provoquer des maladies cardio-respiratoires et des cancers. Face à ce constat inquiétant, plusieurs dizaines de personnalités ont décidé de lancer, à l’occasion d’un colloque à l’Unesco à Paris, un «appel» aux pouvoirs publics pour les inciter à prendre, sans attendre, les mesures nécessaires afin de faire face à ce qui est devenu un problème de santé publique.

Plus les particules sont fines, plus elles sont nocives. En 2002, entre 3 et 5 % des décès d’adultes de plus de 30 ans auraient ainsi été provoqués par l’exposition à ces éléments polluants. Ce qui représente entre 6 453 et 9 513 décès. Plus précisément, on estime que de 6 à 11 % des morts attribuables à des cancers du poumon dans cette même catégorie de population (entre 347 et 1 713 par an) sont provoquées par l’inhalation de ces particules. Et quelque 7 % des décès chez des personnes atteintes de maladies cardio-respiratoires sont aussi imputables à un air rendu malsain par les gaz d’échappement des voitures et des poids lourds, ou par les émissions des activités industrielles ou du chauffage domestique. Selon le rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), «la moitié des particules ultrafines qui viennent se loger dans nos bronches sont recrachées par les voitures ou les poids lourds».

L’exposition à ces éléments polluants rejetés dans l’atmosphère fait donc office de véritable poison pour les habitants qui les respirent chaque jour. Il ne s’agit pas en soi de la mise au jour d’une donnée que l’on ignorait -de nombreux rapports scientifiques ont déjà pointé les dangers de la pollution environnementale pour la santé-, mais l’étude de l’AFSSE, qui tient compte de ces publications, enfonce le clou et montre que les politiques menées jusqu’à présent n’ont pas fait de la lutte contre la pollution atmosphérique une priorité.

Chaque décès coûte 900 000 euros

Et pourtant, l’enjeu est de taille. L’AFSSE met, en effet, en évidence que le coût de chaque décès causé par la pollution de l’air s’élève à 900 000 euros. Elle souligne aussi que «les conséquences néfastes engendrées par le trafic automobile sont supérieures aux montants payés via les péages et la fiscalité sur les carburants». Corinne Lepage, présidente du mouvement écologiste Cap-21 et ancien ministre du gouvernement d’Alain Juppé, abonde dans le même sens en s’indignant des politiques menées en France jusqu’à présent qui «mettent en péril nos vies» et participent en même temps à aggraver le déficit de la sécurité sociale (10 milliards d’euros par an): «Les gouvernements successifs se refusent à prendre les mesures sanitaires et environnementales que requiert la gravité de la situation».

Malgré le vote d’une loi sur l’air, en 1996, peu de progrès ont en effet été réalisés en matière de lutte contre la pollution atmosphérique. Serge Lepeltier, le nouveau ministre de l’Ecologie de Jean-Pierre Raffarin, a d’ailleurs reconnu que cette question n’avait pas été «suffisamment prise en compte» jusqu’à présent. Le ministre a, d’autre part, contesté les accusations contre le gouvernement émises après la publication du rapport de l’AFSSE par l’hebdomadaire Le Point, selon lesquelles le Premier ministre, qui possède ce document depuis février, s’était opposé à sa diffusion parce qu’il était «embarrassant pour le lobby automobile». Serge Lepeltier a estimé qu’il n’y avait pas eu de désir de «cacher les choses» mais qu’il s’agissait d’un rapport préliminaire qui devait être complété.

Quoi qu’il en soit, il est clair que les conclusions de l’AFSSE concernant l’impact des rejets de particules fines sur la santé ne sont pas de nature à enchanter les constructeurs automobiles qui fabriquent les véhicules polluants. Et la parade est d’autant plus difficile à trouver pour ces derniers qu’ils n’ont pas dans leur besace une alternative à proposer dans l’immédiat. Serge Lepeltier a bien déclaré que, selon lui, «la vraie piste» consistait à sortir «un moteur propre». Mais pour le moment, et malgré des contacts pris avec les constructeurs français (Renault et Peugeot), cette perspective est encore fort lointaine. Dans l’intervalle, le ministre a annoncé que le gouvernement était en train d’élaborer un nouveau Plan santé-environnement qui devrait être rendu public d’ici le mois de juin 2004. Serge Lepeltier envisage, par exemple, de recommander la généralisation des filtres à particules sur les nouveaux véhicules diesel. Pour le moment, en effet, seules certaines marques offrent sur les modèles haut de gamme ce type d’installations qui coûtent très cher. Le ministre pourrait aussi proposer «une prime à la casse» afin d’inciter les propriétaires des voitures ou camions anciens, dont les moteurs ne bénéficient pas des améliorations réalisées récemment pour limiter la pollution, à s’en débarrasser.

Les experts de l’AFSSE préconisent, quant à eux, de mettre en place une taxe sur les véhicules dont le montant varierait suivant la consommation et le taux de pollution. Ils proposent aussi de développer les transports en commun, le ferroutage et surtout de limiter la circulation dans les centres villes, comme c’est déjà le cas à Londres ou à Tokyo. Car le meilleur moyen d’agir sur la pollution et ses conséquences sur la santé des populations est encore de s’attaquer à la source du mal en diminuant le trafic automobile. Reste à trouver les moyens d’y parvenir et à les faire accepter par les utilisateurs des véhicules incriminés.

 

Les rapports de l’AFSSE

 



par Valérie  Gas

Article publié le 07/05/2004 Dernière mise à jour le 07/05/2004 à 15:47 TU