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Iran-Grande-Bretagne

La tension s'apaise entre Téhéran et Londres

Le ministre iranien des Affaires étrangères Kamal Kharazi (D) a affirmé ce mardi à son homologue britannique Jacques Straw (G) que l’Iran n’avait pas encore décidé du sort des huit soldats britanniques. 

		(Photo : AFP)
Le ministre iranien des Affaires étrangères Kamal Kharazi (D) a affirmé ce mardi à son homologue britannique Jacques Straw (G) que l’Iran n’avait pas encore décidé du sort des huit soldats britanniques.
(Photo : AFP)
La marine iranienne a arraisonné lundi trois petits navires britanniques qu’elle accuse d’avoir pénétré dans ses eaux territoriales. Ces embarcations naviguaient sur le Chatt-el-Arab, cette voie d’eau, large de 1,6 kilomètre et longue de quelque 200 kilomètres, dans laquelle se jettent le Tigre et l’Euphrate et au milieu de laquelle passe la frontière -contestée par le régime de Saddam Hussein- qui sépare l’Irak et l’Iran. Huit membres d’équipage, tous Britanniques, ont été arrêtés et Téhéran, qui affirme qu’ils ont reconnu eux-même être entrés dans les eaux iraniennes, menaçait de les poursuivre en justice. Toutefois, après les excuses des soldats diffusés mardi soir par une télévision iranienne, le gouvernement de Téhéran envisage leur libération «si leur interrogatoire démontre qu'ils n'avaient pas d'intentions malveillantes».

La présence de navires de la coalition dans les eaux du Chatt-el-Arab n’est pas en soi un fait exceptionnel. Les forces britanniques, qui contrôlent une large zone du sud de l’Irak, notamment autour de la ville de Bassorah, avaient pris l’habitude de patrouiller avec les garde-côte irakiens dans ce secteur, lieu de tous les trafics. Cette voie d’eau, difficilement contrôlable, est en effet devenue le repère des contrebandiers qui acheminent les armes à la guérilla irakienne et des activistes islamistes, tentés par la lutte contre l’occupation américaine, qui l’empruntent pour pénétrer dans le pays. Depuis la chute du régime de Saddam Hussein pourtant, les rapports entre forces iraniennes qui contrôlent une partie du Chatt-el-Arab et les troupes britanniques chargées de remettre à flots le service de patrouille fluviale irakienne étaient plutôt «cordiaux» et cela de l’avis même d’un responsable britannique.  

L’arraisonnement lundi matin de trois navires de la coalition n’est donc pas anodin, tout comme la volonté affichée des autorités iraniennes de médiatiser l’incident alors qu’à Londres, au contraire, tout est fait pour le minimiser. Un porte-parole de la Royal Navy a ainsi insisté sur la taille des embarcations interceptées. «Nous ne parlons pas de navires, nous ne parlons pas de navires de guerre, nous parlons de petits patrouilleurs de rivières», a-t-il affirmé en évoquant la possibilité que ces bateaux se soient «égarés en territoire iranien» dans la mesure où la frontière entre les deux pays –située au milieu du Chatt-el-Arab– n’est pas matérialisée. Côté iranien, les informations relayées par la télévision officielle en langue arabe, al-Alam, laissent au contraire peu de doute quant à la volonté de Téhéran de transformer l’incident en crise diplomatique. La chaîne, qui a très vite annoncé l’arrestation de  huit membres d’équipage britanniques, a ainsi affirmé que ces derniers avaient eux même reconnu être en faute, précisant que les embarcations se trouvaient à un kilomètre à l’intérieur des eaux iraniennes. Citant des responsables militaires, al-Alam a en outre souligné que des caméras d’espionnage, des cartes, des mitrailleuses et des fusils d’assaut avaient étaient saisis à bord des navires.

Des relations tendues depuis plusieurs mois

Plus problématique encore, la télévision –dont on peut difficilement imaginer qu’elle diffuse ses informations sans autorisation préalable des dirigeants iraniens– a affirmé que les huit soldats britanniques arrêtés pourraient être très vite jugés, rendant du coup plus que jamais incertain l’espoir de voir cette affaire rapidement résolue. «Ils vont être poursuivis pour être entrés illégalement dans les eaux territoriales iraniennes», a ainsi affirmé mardi matin la chaîne en montrant pour la première fois des images des huit hommes en uniforme, toujours détenus dans un lieu secret. Al-Alam a également montré tout un arsenal d'armes, automatiques et semi-automatiques, ainsi que des équipements de vision nocturne et du matériel satellitaire de communication et de localisation, saisis selon elle lors de l'interception des trois embarcations. «Avec un tel niveau d'équipement, il peut difficilement s'agir de soldats ordinaires», a commenté la chaîne en soulignant que «le doute subsistait encore sur la nature de la mission» confiée à ces hommes.

Les insinuations distillées par les médias iraniens ne sont pas de nature à détendre l’atmosphère, crispée depuis plusieurs mois déjà –des manifestations se déroulent régulièrement devant l’ambassade de Grande-Bretagne–, entre Londres et Téhéran. Soufflant le chaud et le froid, le chef de la diplomatie iranienne Kamal Kharazi –qui s’est entretenu mardi matin avec son homologue Jack Straw– a affirmé que l’Iran n’avait pas encore décidé du sort des huit soldats britanniques, contredisant les information d’al-Alam. «Nous prendrons les décisions qui s’imposent après les avoir interrogés et nous être assurés de ce qui s’est passé», a-t-il souligné.

 Se voulant plus conciliant, le ministre de la Défense, l'amiral Ali Chamkhani, a pour sa part laissé entendre que cette affaire pouvait être «résolue» et qu'il ne fallait pas adopter d'attitude «hostile» à l’égard des militaires britanniques arrêtés. «Ce problème résulte d'une faute de commandement dans le bateau, c'est un problème qui peut être résolu et nous en discutons actuellement», a-t-il notamment affirmé.

 

Cette attitude tantôt conciliante, tantôt menaçante montre toute la complexité des rapports entre l’Iran et son ancienne puissance coloniale. L’ambiance entre les deux pays est à ce titre bien différente de celle qui prévalait il y a encore huit mois lorsque le ministre britannique et ses homologues français et allemand s’étaient rendus à Téhéran pour encourager le régime iranien, alors cible privilégiée de Washington, à adhérer au protocole additionnel du Traité de non-prolifération. Il est vrai que depuis les positions de Londres concernant le nucléaire iranien se sont considérablement durcies. La Grande-Bretagne a en effet co-rédigé le texte très critique à l’égard de l’Iran de la résolution adoptée vendredi dernier par l’agence de sûreté nucléaire des Nations unies, isolant un peu plus le régime de Téhéran sur la scène internationale.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 22/06/2004 Dernière mise à jour le 22/06/2004 à 16:18 TU