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Serbie

Large victoire de Boris Tadic

Boris Tadic est le nouveau président démocrate serbe. 

		Photo: AFP
Boris Tadic est le nouveau président démocrate serbe.
Photo: AFP
La Serbie a enfin un président en la personne de Boris Tadic, le candidat démocrate, qui a recueilli 54% des voix lors du second tour de dimanche, contre 45% à son adversaire d’extrême droite, Tomislav Nikolic.

De notre correspondant à Belgrade 

La Serbie a réussi à éviter le pire. La nette victoire du candidat démocrate Boris Tadic ouvre une ère politique pour le pays, qui se débat depuis plus de deux ans dans une interminable crise politique.

Le camp démocrate a réussi à surmonter ses divisions. La semaine dernière, le Premier ministre Vojislav Kostunica avait même appelé à voter en faveur de Boris Tadic, à la suite de fortes pressions internationales. Il a surtout bénéficié de l’assez bonne participation, qui s’élève finalement à 48,7% des électeurs inscrits, un niveau appréciable pour la Serbie, où les listes électorales souffrent de nombreuses imprécisions. Une étude plus fine révèle que la participation a été particulièrement élevée dans les bureaux de voter traditionnellement acquis au camp démocratique, par exemple dans les régions de Voïvodine où vivent d’importantes minorités nationales.

De même, à Belgrade, les jeunes et les catégories sociales les plus aisées et les plus dynamiques ont été sensibles au risque d’un nouvel isolement international de la Serbie. Lors des derniers scrutins, ces électeurs « naturels » du camp démocratique avaient pourtant boudé les urnes. Dès dimanche soir, Tomislav Nikolic a d’ailleurs dénoncé en termes haineux une victoire qui serait celle « des centre villes et des minorités nationales ».

Bel homme charismatique, Boris Tadic est l’héritier politique de Zoran Djindjic, le Premier ministre assassiné le 12 mars 2003. Il a mené une campagne moderne et dynamique, axée sur la poursuite des réformes entreprises depuis la chute de Slobodan Milosevic, le 5 octobre 2000. Son dernier meeting, mercredi soir, s’est prolongé en marche dans les rues de Belgrade, pour « une Serbie en Europe ».

La revanche posthume de Zoran Djindjic

Sa victoire bouleverse la donne au sein du camp démocratique, et pourrait rapidement conduire à de nouvelles élections législatives anticipées. En effet, depuis les élections du 28 décembre dernier, le Parti démocratique (DS) de Boris Tadic a été rejeté dans l’opposition, et l’actuel gouvernement repose sur une improbable coalition entre les nationalistes « modérés » du Parti démocratique de Serbie (DSS), les monarchistes du Mouvement serbe du renouveau (SPO) et les libéraux du G17+. Lors du premier tour, le candidat de la coalition gouvernementale, Dragan Marsicanin, a essuyé un cinglant revers, en arrivant en quatrième position, avec seulement 13% des suffrages exprimés. Selon certaines rumeurs qui courent actuellement à Belgrade, le G17+ pourrait s’entendre avec le Parti démocratique, pour précipiter la convocation de nouvelles élections dès le mois de septembre.

L’épilogue de l’interminable feuilleton présidentiel qui occupe la Serbie depuis l’automne 2002 pourrait donc finalement déboucher sur une réorganisation majeure de la scène politique, le DS de Boris Tadic confirmant sa position centrale.

L’échec de Tomislav Nikolic sonne provisoirement le glas des espérances de l’extrême droite. Tomislav Nikolic l’avait emporté lors des précédents scrutins présidentiels, invalidés en raison de la trop faible participation électorale. Dimanche soir, une ambiance pesante régnait au siège du Parti radical serbe, toujours officiellement dirigé par Vojislav Seselj depuis sa cellule de La Haye, où il attend son jugement pour crimes de guerre.

Même si l’hypothèque de l’extrême droite est levée, la Serbie ne dispose pas encore d’une majorité cohérente, et d’importants dossiers devront rapidement trouver des réponses, qu’il s’agisse de la nouvelle Constitution du pays, du statut du Kosovo ou des relations avec le Monténégro.

Ancien ministre de la défense de l’Union de Serbie et Monténégro, Boris Tadic a déjà montré ses talents de négociateurs, notamment dans les relations avec la communauté internationale. Sa victoire est un signe important d’apaisement pour l’ensemble de la région. Elle sonne aussi comme une revanche posthume de Zoran Djindjic.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 28/06/2004 Dernière mise à jour le 29/06/2004 à 06:28 TU

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Yves Tomic

Chercheur, spécialiste des Balkans

«En Serbie la situation n’est pas simple mais on est sur la bonne voie.»

[29/06/2004]

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