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Serbie

Premier tour inattendu des présidentielles

Bien qu'il obtienne 30% des suffrages et arrive en tête au premier tour, Tomislav Nikolic, du Parti radical serbe  ne dispose pas de réserves de voix évidentes pour le second tour. 

		(Photo: AFP)
Bien qu'il obtienne 30% des suffrages et arrive en tête au premier tour, Tomislav Nikolic, du Parti radical serbe ne dispose pas de réserves de voix évidentes pour le second tour.
(Photo: AFP)
Le second tour opposera, dans quinze jours, Tomislav Nikolic, le candidat de l’extrême droite nationaliste, et le candidat démocrate Boris Tadic. L’homme d’affaires Bogoljub Karic crée néanmoins la surprise en s’imposant à la troisième place.
De notre correspondant à Belgrade.

 La Serbie est en train de vivre un nouveau tremblement de terre politique. En effet, Tomislav Nikolic, qui portait une nouvelle fois les couleurs du Parti radical serbe (SRS), obtient la première place avec un peu plus de 30% des voix. Le candidat d’extrême droite perd néanmoins plusieurs dizaines de milliers de voix par rapport aux précédentes élections invalidées de décembre 2003. Il semble bien que le SRS soit ainsi arrivé à un palier qu’il aura du mal à dépasser. Le candidat Nikolic ne dispose pas de réserves de voix évidentes pour le second tour.

La principale surprise du premier tour est venue de la percée de l’homme d’affaires Bogoljub Karic, qui s’est propulsé à la troisième place, en recueillant 19% des suffrages exprimés. Mêlé à de nombreuses affaires financières fort douteuses, le propriétaire de la télévision BK, qui est également actionnaire du principal réseau de téléphonie mobile serbe, est considéré comme l’une des plus grandes fortunes de Serbie. Bogoljub Karic semble être désormais en mesure de concrétiser son rêve de devenir le «Berlusconi serbe». En effet, ce très piètre orateur, dépourvu de tout charisme, a su devenir incontournable, alors que son entrée en politique ne remonte qu’au mois dernier.

«Mettre la Serbie au travail»

La fortune du clan Karic lui a permis de financer une campagne agressive et efficace et de monter une équipe de collaborateur. Les structures du parti politique qu’il veut créer demeurent néanmoins embryonnaires, tout comme son programme demeure flou. Bogoljub Karic a axé sa campagne sur les thèmes économiques, en voulant «mettre la Serbie au travail», et en dénonçant la mainmise des intérêts étrangers sur le pays. Le candidat a même saisi un thème emblématique mais un peu surprenant: mettre fin à l’importation de salade, pour favoriser la culture de la laitue serbe.

Dès dimanche soir, Bogoljub Karic a annoncé qu’il apporterait au second tour son soutien au candidat démocrate Boris Tadic, pour peu que celui-ci reprenne les thèmes de sa campagne. Lié durant des années au régime de Slobodan Milosevic, le clan Karic a su s’entendre avec les démocrates arrivés au pouvoir en 2000. Le candidat d’extrême droite dénonce même dans la candidature de Bogoljub Karic une opération politique orchestrée par le Parti démocratique (DS).

Véritable revanche pour le DS

Boris Tadic, le candidat du DS, la formation de Zoran Djindjic, le Premier ministre assassiné le 12 mars 2003, aborde en effet le second tour en position de grand favori. Avec 27% des suffrages, l’ancien ministre de la Défense de l’Union de Serbie et Monténégro réalise une performance bien supérieure à ce que prévoyaient les sondages. Ces résultats sonne comme une véritable revanche pour le DS, rejeté dans l’opposition depuis les élections de décembre dernier.

Ce succès contraste avec le sévère échec essuyé par le candidat de la majorité gouvernementale, Dragan Marsicanin, qui n’obtient que 13,3% des suffrages exprimés. Dépourvu de charisme, Dragan Marsicanin a mené une très mauvaise campagne, de l’avis de tous les observateurs. Il paie aussi au prix fort les divisions de l’improbable majorité qui réunit les nationalistes du Parti démocratique de Serbie (DSS), les monarchistes du Mouvement serbe du renouveau (SPO) et les libéraux du G17+.

L’hypothèse de nouvelles élections anticipées

Dimanche soir, Dragan Marsicanin a refusé de donner des consignes de vote pour le second tour, alors que Miroljub Labus, le chef du G17+ a déjà appelé à voter en faveur de Boris Tadic, une stratégie que le SPO devrait aussi adopter. Le candidat Marsicanin a reconnu que sa contre-performance aurait des conséquences sur le gouvernement, en évoquant l’hypothèse d’un remaniement ou bien celle de nouvelles élections parlementaires anticipées.

La coalition gouvernementale sort donc discréditée du scrutin, tandis que le Parti démocratique confirme sa position centrale dans le camp réformateur et pro-européen. L’extrême droite confirme son audience, tandis que le succès de Bogoljub Karic exprime aussi les incertitudes et le désarroi de nombreux électeurs. La participation n’a également été que de 47% des inscrits. Trois ans et demi après la chute de Slobodan Milosevic, la démocratie serbe demeure encore bien fragile.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 14/06/2004 Dernière mise à jour le 14/06/2004 à 09:46 TU