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Serbie

Présidentielle: la menace de l’extrême droite

Tomislav Nikolic, le candidat du Parti radical serbe, avait déjà créé la suprise lors du dernier scrutin invalidé, en automne 2003. 

		(Photo: AFP)
Tomislav Nikolic, le candidat du Parti radical serbe, avait déjà créé la suprise lors du dernier scrutin invalidé, en automne 2003.
(Photo: AFP)
Dimanche 13 juillet, les électeurs serbes retournent aux urnes pour essayer d’élire un Président de la République. Le scrutin présidentiel a été annulé à trois reprises, et le pays n’a plus de chef de l’État depuis l’automne 2002.
De notre correspondant à Belgrade

Une chose est certaine, la Serbie aura un président de la République au terme du nouveau round électoral qui va commencer dimanche. Le Parlement a en effet supprimé le seuil exigé de participation de 50% au moins des inscrits qui était requis pour valider la consultation.

Pourtant, même les parieurs les plus fous ne veulent pas s’engager sur le nom du futur élu. Il semble acquis que la partie se jouera entre Boris Tadic, ancien ministre de la Défense, président du Parti démocratique, héritier politique du Premier ministre réformateur assassiné Zoran Djindjic, et le candidat d’extrême droite Tomislav Nikolic.

Dragan Marsicanin, actuel président du Parlement et candidat de la coalition gouvernementale qui dirige la Serbie depuis le début de l’année est nettement distancé dans les sondages. Militant du Parti démocratique de Serbie (DSS), proche du Premier ministre Vojislav Kostunica, Dragan Marsicanin est en effet dépourvu de tout charisme, et il paie le prix des désunions internes à la majorité, où les libéraux du GA7+ cohabitent de plus en plus difficilement avec les nationalistes du DSS et les monarchistes du Mouvement serbe du renouveau (SPO).

Ces mêmes sondages donnent une confortable avance à Tomislav Nikolic, qui va une nouvelle fois porter les couleurs du Parti radical serbe (SRS), en remplacement du chef du parti, Vojislav Seselj, détenu à la prison internationale de Scheveningen depuis février 2003. Le candidat Nikolic, familièrement appelé «Toma le Fossoyeur» en raison de son ancien emploi de directeur du cimetière municipal de Kragujevac, avait déjà créé la surprise lors du dernier scrutin invalidé de l’automne dernier. Selon les sondages, il obtiendrait entre 27 et 30% des suffrages au premier tour, contre un peu plus de 20% à Boris Tadic.

Au second tour, par contre, la partie risque d’être serrée. Tomislav Nikolic est donné gagnant par certains instituts, mais tout dépendra de la mobilisation de l’électorat et de la capacité du camp démocratique à surmonter ses divisions. Boris Tadic a déjà indiqué qu’il appellerait à voter en faveur du candidat démocratique le mieux placé, si lui-même ne figurait pas au second tour. Dragan Marsicanin se refuse par contre toujours à une telle déclaration.

Ces deniers mois, les partis issus du camp démocratique ont en effet continué à s’entredéchirer, notamment à propos du procès des meurtriers de Zoran Djindjic et de l’arrestation de Legija, le commanditaire présumé du crime. La nouvelle majorité exploite aussi au maximum des affaires de corruption mettant en cause des proches du Parti démocratique, comme le «roi du sucre» Miodrag Kostic, propriétaire de plusieurs sucreries de Voïvodine et impliqué dans des trafics avec l’union européenne. Récemment convoqué par la police, Kostic a pris la fuite au Monténégro.

Pléthore de candidats fantaisistes

Dans ce climat délétère, il sera bien  difficile de mobiliser l’électorat, qui pourrait être tenté de soutenir au premier tour les candidats folkloriques, qui sont particulièrement nombreux à se présenter à ce scrutin. Au total, 15 candidats sont en lice au premier tour. La princesse Jelizaveta Karadjordjevic, tante du prétendant à la couronne de Serbie, est ainsi la candidate du Mouvement pour l’embellissement de la Serbie, tandis que Marjan Risticevic, le candidat du Parti national paysan propose, comme lors de sa dernière candidature, de «tuer tous les homosexuels» pour résoudre les problèmes de la Serbie.

La principale surprise pourrait venir de l’homme d’affaires Bogoljub Karic, qui a décidé de se lancer en politique, et qui est crédité de 12% des suffrages. Considéré comme l’un des hommes les plus riches de Serbie, Bogoljub Karic contrôle notamment la télévision BK. Le conglomérat des frères Karic, qu’il dirige, a su s’accommoder des différents régimes qui se sont succédés en Serbie, notamment celui de Milosevic. Bogoljub Karic propose notamment d’interdire les importations de salade, arguant que la Serbie pourrait produire et même exporter ce légume… Malgré ce plaidoyer surprenant en faveur de la laitue, Bogoljub Karic est considéré comme la personne la plus à même de résoudre les problèmes économiques du pays par près de 50% des électeurs.

Par contre, on ignore bien quelles consignes de vote Bogoljub Karic pourra donner au second tour, et comment se désisteront les voix qui se seront portées sur les candidats évincés de la compétition. Boris Tadic mène déjà campagne en expliquant qu’une éventuelle victoire de Toma le Fossoyeur signifierait un retour en arrière et un nouvel isolement pour la Serbie, mais il n’est pas certain que cet argument suffise à remobiliser le camp démocrate, qui est toujours, théoriquement, majoritaire.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 11/06/2004 Dernière mise à jour le 11/06/2004 à 13:06 TU