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Serbie

Seselj compte sur la mobilisation de son électorat

Les élections législatives anticipées de dimanche sont le scrutin de tous les dangers pour la Serbie. Les ultranationalistes du Parti radical serbe caracolent en tête des sondages, tandis que le camp démocratique est profondément divisé.
De notre correspondant à Belgrade

Lors de l’élection présidentielle du 16 novembre dernier, annulée en raison de la trop faible participation électorale, le candidat du Parti radical serbe, Tomislav Nikolic, avait déjà créé la surprise en recueillant 46,5% des suffrages exprimés, soit plus d’un million de voix. La faible participation explique en partie ce résultat, mais les radicaux sont convaincus d’être engagés dans une irrésistible marche vers le pouvoir.

En février dernier, le chef historique des radicaux, Vojislav Seselj, s’est constitué prisonnier devant le Tribunal pénal international de La Haye, où il doit répondre des accusations de crimes de guerre. Depuis, le parti est dirigé par Tomislav Nikolic qui, avant de devenir bureaucrate de l’extrême droite serbe, était directeur du cimetière municipal de Kragujevac, ce qui lui vaut le surnom de «Toma le Fossoyeur».

Malgré cela, la liste des radicaux est officiellement menée par Vojislav Seselj. De même, l’ancien maître de Belgrade, Slobodan Milosevic, lui aussi détenu à la prison internationale de Scheveningen, en Hollande, conduit la liste du Parti socialiste de Serbie, crédité de 8% des intentions de vote. Au total, près de dix candidats sont inculpés par le TPI.

Retours aux vieux démons

Trois ans après la chute du régime de Slobodan Milosevic, le 5 octobre 2000, la Serbie risque donc fort de revenir à ses vieux démons. Le scénario catastrophe évoqué par certains serait que les Radicaux puissent former un gouvernement, avec le soutien des socialistes de Milosevic, et l’appui éventuel d’autres formations nationalistes, comme le Mouvement serbe du renouveau (SPO) de Vuk Draskovic, qui risque de faire son grand retour sur la scène politique serbe.

En face, les démocrates qui avaient chassé Milosevic du pouvoir n’en finissent pas de se diviser. Les partisans de Vojislav Kostunica, président fédéral yougoslave d’octobre 2000 à février 2003, et les libéraux du groupe G17 Plus ne veulent pas entendre parler de coalition avec le Parti démocratique (DS), actuellement au pouvoir, mais empêtré dans de multiples affaires de corruption depuis l’assassinat de son leader, le Premier ministre Zoran Djindjic, le 12 mars dernier. De plus, les nombreuses petites listes issues du camp démocratique n’ont guère de chance de franchir le seuil électoral fixé à 5% des voix.

Le journaliste Stojan Cerovic a décrit de manière ironique et inquiète le «nouveau miracle» serbe : les anciens tombeurs de Milosevic sont en train de préparer eux-mêmes le chemin à un retour des forces anti-démocratiques.

Ce «scénario-catastrophe» aurait des conséquences imprévisibles non seulement pour la Serbie, mais aussi pour toute la région. Si les électeurs donnaient la majorité aux Radicaux, qui ne renoncent pas au programme de «Grande Serbie», «Toma le Fossoyeur» promet d’envoyer l’armée au Kosovo. Il n’est pas contre la normalisation des relations de la Serbie avec ses voisins, mais il faudrait que la Croatie accepte de reconnaître les «frontières naturelles» de la Serbie, en rétrocédant plus de 50% de son territoire.

Tomislav Nikolic ne veut pas non plus entendre parler de l’Europe, car toute discussion sur l’intégration de la Serbie serait «prématurée». S’il n’envisage pas de remettre en cause dans l’immédiat l’Union de Serbie et Monténégro, qui remplace depuis un an la défunte Fédération yougoslave, il promet de mettre aux arrêts l’actuel président de cette Union, le Monténégrin Svetozar Marovic.

À l’inverse, une coalition forcée des partis démocratiques ne garantirait pas la stabilité ni la poursuite des réformes entreprises depuis trois ans. Sur des sujets cruciaux comme la coopération avec le TPI, l’avenir du Kosovo ou les privatisations, les positions du G17 Plus et des partisans de Vojislav Kostunica sont totalement opposées. Un gouvernement réunissant ces différentes formations seraient donc extrêmement fragile.

Tous les observateurs s’accordent pour dire que la participation sera, une fois de plus, la clé du scrutin, une faible mobilisation faisant le jeu des radicaux, qui disposent d’un électorat motivé et discipliné. À dix jours du scrutin, seulement 52% des électeurs se disaient certains de se rendre aux urnes.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 26/12/2003